Legend of Shapeshifters
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A falsis principiis proficisci
 
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 Je vois la vie en rouge

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Elv
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Elv


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MessageSujet: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyMar 16 Juin 2020 - 17:59

Bonjour à tous ! Cette histoire suit le périple de Aaron, lorsqu'il se retrouve séparé de sa petite troupe d'amis, les Cavaliers de l'Apocalypse. Le récit prend donc place juste après le RP Le guerrier, la peste, le chiffon et l'humoriste, et se trouve dans la continuité des aventures des Cavaliers. Aussi, comme je suis une mordue de dessin, ce sera un texte parfois accompagné de quelques petits gribouillis. Et le texte sera aussi découpé en plusieurs parties, et posté en plusieurs fois, pour me laisser le temps de faire maturer mes idées ^^. Sur ce, bonne lecture !

XXXX


JE VOIS LA VIE EN ROUGE
(Première partie)


Les Ruines. Un endroit si calme et si oppressant à la fois. Peut être était-ce à cause de ces tours de fer, qui toisait quiconque osait s'aventurer dans la ville de vestiges. Peut être était-ce à cause du vent qui sifflait entre les murs décrépis et délabrés. Peut être était-ce à cause du vide, de l'absence de vie. Pourtant, la nature y avait bien repris ses droits. Les arbres s'élevaient des débris, du lierre envahissait l'architecture, et l'herbe recouvrait les toits et les routes fissurées. On pouvait même entendre quelques passereaux, et apercevoir des grenouilles traverser précipitamment les rues désertes. Et pourtant, rien ne pouvait troubler ce silence symbolique, ce vide vertigineux, d'une ville laissée à l'abandon.
Cette atmosphère correspondait parfaitement à l'état d'âme de Aaron, lorsqu'il traversa les Ruines après deux semaines de errance. Il marchait, il respirait, son cœur battait dans sa poitrine, et pourtant, il se sentait complètement vide. Ou presque. Une seule idée lui restait en tête, comme épinglée dans un coin de son cerveau : il devait fuir. Fuir pour protéger sa famille. Fuir, fuir à tout prix, quitte à demeurer malheureux pour tout le reste de son existence.

Pourtant, ce genre de vie lui convenait parfaitement auparavant. Marcher, se contenter de petites choses, dormir et manger sous l'immensité du ciel. Vivre une simple vie de vagabond solitaire. Mais quand on avait vu le paradis, il était difficile de s'en détourner. Il ne se passait pas une seconde sans qu'il ne repense à Kale, Lyanna, ou Callisto. Que faisaient-ils ? A quoi pensaient-ils ? Comment allaient-ils ? A l'heure qu'il était, ils étaient probablement partis à sa recherche. Cette idée lui réchauffait bien sûr le cœur, mais le faisait aussi plonger dans des pensées toujours plus noires. Car depuis son départ de Varkens, le moral de Aaron était au plus bas. Il n'arrivait plus à sourire. Il était séparé des seules personnes qu'il ait réellement aimées, et cette idée lui fendait le cœur. Mais c'était un mal pour un bien. Les assassins étaient à ses trousses, et pas à celles des Cavaliers, qui pouvaient à présent mener une vie paisible.

Son esprit était abîmé, mais son corps était lui aussi bien amoché. Alors qu'il marchait dans la ville fantôme, il venait d'échapper à une course-poursuite avec deux shapeshifters. C'était des amis proches de Salomon, et ils voulaient tout simplement venger la mort de leur proche. C'était une course effrénée qui avait duré toute une journée. Aaron leur avait échappé, mais au prix de son bras gauche. Ce dernier avait été éraflé par une flèche, et depuis deux jours, l'hybride voyageait avec du sang séché dégoulinant sur son bras, et une plaie à moitié nettoyée avec de l'eau de rosée, faute d'avoir trouvé un point d'eau. Son membre était douloureux. Aaron priait pour tomber sur une rivière pour apaiser sa douleur. 

Il vit apparaître au loin les premiers conifères, marquant la limite des Ruines. Mais encore mieux, quelque chose semblait briller au pied des pins. Un ruisseau. Aaron se secoua, et accéléra l'allure.

Il se laissa tomber à genoux auprès de l'eau pure, et y plongea vivement son bras blessé. Il soupira de soulagement en sentant le liquide lécher sa blessure rougeâtre et ôter le sang séché. C'était la chose la plus agréable qu'il ait ressenti depuis des jours.

« Vous êtes qui, vous ? »

Aaron se figea. Il releva très doucement la tête, et aperçut sur la rive d'en face, à seulement quelques mètres de lui, une jeune fille agenouillée. Mais cette fille, si menue, le visage constellé de taches de rousseur, de grands yeux marrons et expressifs... Des frissons parcoururent les entrailles de Aaron, comme des milliers de petits insectes grouillant dans ses veines. Il resta pétrifié devant cette apparition. Il lâcha, une goutte de sueur perlant sur son front :

« Où est Wade ? »

La fille haussa les sourcils, et pencha la tête sur le côté, comme en face d'un problème particulièrement épineux. Aaron se redressa très lentement, et se remit sur ses deux jambes, fixant son interlocutrice dans les yeux.

« Pardon ? Balbutia-t-elle.

-Il est avec toi, non ? 

-Mais de qui vous me parlez, là ? »

Aaron fronça les sourcils. 

« Tu n'es pas Elv ?

-C'est-à-dire que c'est ma sœur. Mais comment la connaissez-v... Oh laissez tomber, de toute façon, tout le monde la connaît cette bécasse. »

Aaron émit un énorme soupir de soulagement, et se relâcha. Il essuya son front de son bras valide, puis dévisagea la nouvelle venue avec plus d'attention. Oui, finalement, les deux sœurs avaient beau se ressembler énormément, on pouvait aisément les distinguer. Elv avait une tête toute ronde, et cette fille-là plutôt en cœur. Pour ce qui était des cheveux, celle-ci les avait un peu plus clairs, tirant davantage sur le roux carotte, et les portait coupés courts. Mais Aaron ne s'y était pas attardé, puisqu'il était aisé de se les couper entre deux rencontres.
Il s'approcha et versa de nouveau de l'eau sur sa blessure, le visage baissé.

« Excuse-moi. Vous vous ressemblez beaucoup. Je ne savais pas qu'elle avait une sœur.

-Meh. Entre sœurs, ça me paraît logique. Mais dis-moi, t'avais l'air vachement effrayé à l'idée de la croiser. T'as un problème avec elle ? Enfin, avec ce Wade ? »

Aaron leva les yeux vers elle. Elle parlait distraitement, en nettoyant du linge dans l'eau, agenouillée sur le bord. Elle était vêtue d'une petite tunique turquoise, et était assez propre sur elle. Aaron se sentit comme un pouilleux en face d'elle, le corps couvert de griffures et de traces de boue.

« C'est une très longue histoire, marmonna-t-il.

-Chouette ! J'adore les longues histoires.

-Pas moi.

-Ça va, je voulais juste détendre l'atmosphère... T'es sûr que tu ne veux pas d'aide avec ton bras ? »

Aaron lorgna sa blessure. Même nettoyée, elle était toujours assez vilaine, et restait assez douloureuse. L'hybride n'avait pas très envie de confier sa santé à cette inconnue, mais au point où il en était... Il hocha la tête, et la rouquine abandonna sa lessive. Elle enjamba en un saut le ruisseau pour venir s'asseoir auprès du blessé. Elle était vraiment minuscule à côté du colosse de neige. Elle examina la plaie, les sourcils haussés, et la mine préoccupée.

« C'est pas joli-joli, commenta-t-elle. Je suis en train d'apprendre la médecine, mais à mon avis dans ton cas, tu ferais mieux d'aller voir de vrais professionnels. Je peux t'emmener voir mes maîtres d'apprentissage si tu veux. Ils n'habitent pas loin. »

Aaron soupira. Il s'était promis de ne pas s'approcher des habitations pour éviter d'attirer les ennuis. Mais la ville la plus proche était assez loin. S'il en croyait l'affirmation de la fille, le médecin devait vivre dans une maison reculée. A priori, les risque étaient minimes. Il redoutait un peu ce retour brusque à la civilisation. Vivre avec les Cavaliers l'avait rendu plus amical avec les gens, mais maintenant qu'il vivait seul, il était plus du genre à fuir la population. Mais au moins, sa plaie serait guérie. Il se releva et suivit cette rouquine à travers la forêt de pins.

« Au fait, je m'appelle Vaia. Et toi grand dadais ? Comment t'appelles-tu? »
Le shapeshifter regarda un instant cette jeune fille au gestes légers porter son panier au-dessus de sa tête, se demandant s'il devait s'inventer un nom. Mais c'était stupide. Personne ne connaissait son patronyme.

« Aaron. »


Dernière édition par Elv le Ven 19 Juin 2020 - 22:23, édité 1 fois
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyMar 16 Juin 2020 - 18:37

J'EN ÉTAIS SÛRE QU'IL ÉTAIT ALLÉ SE CACHER DANS LES RUINES CE SALAUD

Oh gooood me dis pas qu'il va se taper la soeur de Elv ? Je vois la vie en rouge 75769602 Ah j'adore c'est trop trop cool. Hâte d'avoir la suite Je vois la vie en rouge 3125173097
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Elv
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyMar 16 Juin 2020 - 19:03

Je pose ça là, on va voir où ça va nous mener x). J'avais déjà eu l'idée il y a longtemps de faire un jour intervenir sa sœur, mais je n'avais jamais trouvé l'occasion.
Merci beaucoup en tout cas!
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Elv
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyMer 17 Juin 2020 - 12:01

JE VOIS LA VIE EN ROUGE
(Deuxième partie)


Aaron et Vaia marchèrent plusieurs heures à travers la forêt. L'odeur des pins chatouillaient les narines de l'hybride, et les oiseaux chantaient de toute leur puissance. On pouvait réellement sentir le passage des Ruines aux collines boisées. Aaron s'était apprêté à supporter un trajet entier de discussion interminable, avec la sœur d'un tel moulin à parole, mais contre toute attente, Vaia fut très silencieuse. Elle était en fait assez différente. C'était une originale, bien sûr, mais elle savait se montrer bien plus calme et posée. Elle portait son panier de linge et son petit sac en toile, contenant on-ne-savait-quoi, et avançait avec assurance devant le shapeshifter, jetant régulièrement un œil par-dessus son épaule pour s'assurer que son invité suivait toujours.

Vaia guida son patient à travers les bois, empruntant les sentiers discrets longeant les flancs des collines. Derrière les arbres s'élevaient dans la brume les monts entourant Ragnok. Ils passèrent au fond des crevasses moussues, sous les troncs renversés par les tempêtes, entre les buissons de fougères, abrités du soleil par les arbres géants. Enfin, après deux heures de marche, le duo déboucha sur une clairière baignée dans la lumière. Elle bordait une falaise, dans laquelle avait été creusé des trous suffisamment grands pour y laisser entrer des hommes. A en voir le linge étendu sur un fil non loin de l'entrée, et la table en bois sur laquelle reposaient quelques assiettes, la maison troglodyte était bien habitée.
« Voilà, c'est ici ! » Présenta la jeune fille en posant ses bagages sur la table d'extérieur.

Aaron examina cet endroit reculé mais tout-à-fait pittoresque. Il se demandait bien à quoi pouvaient ressembler les individus ayant élu domicile dans ce petit coin de paradis. Il avait dû rester ébahi un peu trop longtemps, planté dans l'herbe au milieu de la clairière, car Vaia glissa dans son dos et y plaqua ses mains pour le faire avancer vers la demeure. Il sursauta à son contact, mais se laissa traîner jusqu'à l'entrée. Vaia ouvrit la porte, et brailla :

« Isaaaaaaaaaaac ! J'ai un blessé ! »

Le cœur de Aaron rata un battement.

Non. Nonononononononon.

Son visage devint plus pâle qu'il ne l'était déjà, et ses mains se mirent à trembler. Il parvint à reculer d'un pas, les yeux débordant de terreur. C'est impossible. C'est un cauchemar. Et fatalement, tous les souvenirs d'Ewilem défilèrent devant ses yeux. Du meurtre de Salomon au foyer dévasté des chevreuils, sans oublier les yeux flamboyants de Wade. Il y eut des sortes de roulements de tambour dans son ventre, et Aaron eut un haut-le-cœur. Lorsque Vaia se retourna, Aaron avait disparu.

Après un petit tour dans la clairière, elle trouva enfin son patient, dégobillant derrière un arbre une bouillie verdâtre, dans laquelle trempaient quelques brins d'herbe. Vaia verdit à son tour et manqua de recracher son repas elle aussi. Elle détourna le regard, le temps que l'albinos fasse ses petites affaires. Après un dernier crachat, un chiffon froissé apparut comme par magie devant le nez de Aaron. La rouquine agita le tissu devant ses yeux pour l'inciter à le prendre. Aaron jeta un regard sombre vers elle. Mais il avait tort de lui en vouloir. Comment pouvait-elle savoir qu'il avait un passif avec les médecins ? Il tenta de se redresser de toute sa hauteur et attrapa le mouchoir. Il dût paraître encore plus misérable lorsqu'il s'essuya la bouche, le regard fuyant.

« Je sais que j't'ai fait marcher longtemps, mais au point de vomir tes tripes, c'est un peu fort non ? »

Aaron savait que Vaia ne faisait que plaisanter. A en voir son regard, elle avait bien compris que le problème n'était pas la marche mais l'identité des médecins. Puis la lueur plaisantine quitta ses iris, elle troqua son sourire gêné contre un visage plus inquiet.

« Mec, sérieusement, ça va ? »

Aaron secoua la tête et roula le torchon en boule.

« Je dois partir. Je suis vraiment désolé, je dois partir.

-Et où irez-vous cette fois ? »

Isaac était là. Le chevreuil se tenait près d'eux, l'air accusateur. Le cœur de Aaron se serra lorsqu'il croisa son regard dur. Il eut un mouvement de recul, la main tendue vers lui.

« Isaac, je suis désolée. Je vais m'en aller. Je vais vous laisser tranquille. Je ne savais pas que...

-Vaia, coupa Isaac en ignorant les paroles de l'hybride. Emmène Aaron à l'intérieur. Toi qui voulais apprendre à recoudre les plaies, tu as trouvé ton cobaye. »

Aaron déglutit avec difficulté, alors que Vaia tapa dans ses mains, réjouie à l'idée de faire des expériences avec son patient. Elle attrapa le bras sain du jeune homme et le tira vers la demeure. Aaron se laissa faire, il ne savait comment agir face à cela. Isaac l'avait magistralement ignoré, comme si rien ne s'était passé à Ewilem. Mais lui, il souhaitait que Isaac réagisse. Qu'il lui crie dessus même. Mais à cet instant, comme à Ewilem, il resta de marbre, toujours calme.

Vaia traîna l'albinos à l'intérieur, et le fit s'asseoir sur une chaise. Aaron examina furtivement le décor, les murs de roc, les étagères précaires, le lit de camp, le petit coussin dans le coin de la pièce, l'âtre de la cheminée... Mais il fut ramené à la réalité par le bruit des flacons de verre posés devant lui, sur la table. Les substances étranges furent rejointes par des boîtes de bandages et de compresses, tout un barda assez effrayant pour une simple éraflure. Aaron se massa l'arête du nez, l'esprit embrouillé. Il n'avait pas envie de rester, ni même de leur parler. Il voulait fuir de cet endroit, fuir le regard de Isaac, fuir les attentions de Vaia. Il ne méritait rien de tout cela.

« Je vous assure que je vais bien, dit-il en s'apprêtant à se relever.

-Moi je t'assure que non » susurra la rouquine qui nettoyait la plaie minutieusement.

Agacé, Aaron arracha son bras des mains de la jeune apprentie. Il se releva, les oreilles bourdonnant.

« Je vous dis que ça va. Laissez-moi tranquille.

-Bon, si vous insistez. » Lâcha Isaac.

Soudain, le médecin lui plaqua un mouchoir très odorant sous le nez. Aaron se débattit, se redressant de toute sa hauteur pour que Isaac ne parvienne plus à atteindre son visage. Mais il se cogna la tête contre le plafond de pierre. Il lâcha un grognement, son nez le picotant à cause du produit qu'on le lui faisait inhaler. Il voulait filer, mais ses membres étaient complètement engourdis. Ses jambes de coton ne parvinrent plus à supporter son poids, et il s'effondra dans les bras de Isaac et Vaia, plongé dans un monde parallèle tout en couleur.


Aaron émergea enfin, après un long voyage sur les manèges vertigineux de ses pensées. Le monde lui apparut d'abord encore un peu vermeille. Mais cette vision devait être expliquée en partie par le soleil qui déclinait déjà. La pièce était baignée dans une lumière orangée, douce et réconfortante. L'hybride était toujours assis sur sa chaise, et un côté de sa chevelure était aplatie. Il avait dû dormir bien longtemps, la tête contre la table. Il baissa les yeux sur son bras bandé, qu'il tâta avec précaution.

« T'inquiète pas. C'est Isaac qui l'a fait. »

Vaia était assise devant lui, une tasse de thé fumant entre ses mains. Elle souriait paisiblement, les épaules couvertes d'une couverture. Aaron se rendit compte à cet instant qu'il était lui-même enroulé dans une épaisse couche de laine. Il remarqua Isaac, assis au bout de la table avec aussi une boisson chaude, le nez plongé dans un livre. Il ajouta nonchalamment, sans lever les yeux :

« Vous savez Aaron, à force de venir te faire ausculter chez nous, il va vous falloir une carte de fidélité. »

Pour la première fois depuis des semaines, Aaron esquissa un sourire. C'était peut être à cause des dernières vapeurs de produit, ou tout simplement parce qu'il se sentait bien d'être couvé de la sorte.

« Je... Je suis encore désolé, pour tout ce que je vous ai causé, bafouilla-t-il, l'esprit embrumé.

-Ce qui est fait est fait. Ça ne sert à rien de venir ramper à nos pieds.

-Non... Non c'est faux. Votre maison et votre réputation ont été détruites par ma faute. Je ne mérite pas tous ces soins. »

Vaia tendit une oreille attentive à cet échange, la bouche cachée derrière sa tasse. Isaac laissa enfin sa lecture de côté, et se pencha vers Aaron, l'air extrêmement sérieux. Même s'il était assez petit, Aaron se sentait petit et insignifiant face au médecin au charisme phénoménal. Le grand colosse se tassa sur sa chaise, mal à l'aise.

« Vous savez, Aaron, notre réputation s'effritait déjà avant même votre venue. Des activistes, défenseurs des Hybrides et des Anomalies ne font jamais bon ménage dans la capitale. Rosalie et moi réfléchissions déjà depuis bien longtemps à un plan de fuite. Vous n'avez fait qu'accélérer les choses. Mais il y a plus grave. Que faites-vous ici ? Seul et de nouveau blessé ? La dernière fois que je vous ai vu, vous étiez accompagné. »

Aaron baissa la tête. Il avait mis le doigt dessus. Il chercha ses mots. Il ne se sentait pas de mentir au vieil homme. Il ne savait pas très bien mentir de toute façon. Mais lui raconter toute la tragédie ? Oui, il fallait bien qu'il le fasse. Il devait bien ça au couple. C'était à cause de cette mésaventure que Isaac et Rosalie étaient en fuite.

« Je... Je les ai laissés. Ils vont bien. »

Du moins je l'espère. Il n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet. Pas maintenant. Mais heureusement, Isaac sembla comprendre ce que disait son corps. Il n'avança rien, et laissa Aaron plonger son regard dans la flamme vacillante au bout de la bougie en face de lui. L'albinos sentit quelque chose d'anormal à son pied. En effet, lui aussi était bandé. De la même attelle que celle que portait Elv au bras. Il haussa un sourcil.

« Que... ?

-Vous ne vous en êtes peut être pas rendu compte, mais votre cheville est dans un sale état. Vous avez dû mal vous réceptionner pendant une course. »

Aaron soupira profondément. C'est vrai, il ne s'en était pas rendu compte. Mais le grand élan était passé maître dans l'art d'encaisser les coups et supporter la douleur. Quand il se foulait une articulation, il n'était pas rare qu'il s'en rende compte des jours plus tard. Il était reconnaissant envers Isaac, et dans une moindre mesure Vaia qui l'avait mené ici, mais était profondément confus. Leur compagnie n'était pas désagréable, mais l'hybride avait besoin de réfléchir. Seul. Il ôta sa couverture et se leva lourdement.

« J'ai besoin de réfléchir.

-Très bien. Mais si vous vous enfuyez, vous le regretterez. »

Il adressa un signe de tête à Isaac avant de sortir. Il n'avait pas l'intention de s'enfuir comme un voleur. Pas avant de les avoir remerciés pour leur hospitalité. Une fois dehors, il fit face à un spectacle tirant sur la féerie. Il avait déjà vu les inimitables couchers de soleil sur le Golfe de Varkens, mais celui-ci, en valait le détour. De la clairière, légèrement surmontée sur une botte, on apercevait au-dessus des arbres le soleil qui commençait à disparaître derrière les monts boisés. La lumière plongeait la vallée dans des couleurs chaudes et vivifiantes. Le spectacle était si beau que même le soldat le plus endurci aurait pu se mettre à pleurer en le regardant. Devant ce crépuscule, Aaron s'assit dans l'herbe, contemplant l'astre céleste.

Il regrettait que ses amis ne soient pas là pour admirer le soleil. Il regrettait que ses amis ne soient pas là tout court. Cette idée lui brisa le cœur déjà en miettes. Il n'avait pas envie d'y penser. Il n'avait pas envie de penser. Il voulait se réfugier dans ses rêves, ou dans n'importe quoi d'autre, mais par pitié, pas la réalité. L'idée de se jeter d'une falaise ne lui parut plus si stupide à cet instant.

Il entendit quelqu'un venir s'asseoir à ses côtés. Il sut reconnaître les pas légers de Vaia, et sa respiration discrète. Il frémit lorsque son bras toucha le sien. Il n'aimait pas les contacts. Du moins pas avec des inconnus. Vaia ramena ses jambes en tailleur, et coinça un brin d'herbe dans son bec. Elle tritura la tige un instant en observant Aaron.

« Isaac m'a tout raconté. Alors comme ça, c'est toi le fameux hybride albinos ?

-'Faut croire. »

La rouquine se dressa soudainement sur ses genoux en équilibre et approcha son visage de celui de Aaron. Elle plongea son regard chocolat dans ses yeux. Les joues de Aaron prirent feu. Il n'était pas habitué à être dévisagé avec une face aussi proche de la sienne. Vaia ne s'en offusqua point et lui souffla en scrutant ses iris :

« Ils sont pas tout-à-fait rouges en fait. Y'a pas mal de bleu. »

Aaron n'avait jamais regardé son reflet, si ce n'est dans l'eau. Il ne savait pas de quelle couleur étaient exactement ses yeux. Il ne se fiait qu'aux descriptions que faisait autrui. On ne lui avait jamais informé que ses iris étaient aussi teintés de bleu. Il détourna les yeux, gêné.

« Tu sais, quand j'ai commencé à entendre les rumeurs comme quoi un hybride albinos avait assassiné un pur, j'y ai pas cru. Je trouvais ça complètement débile.

-Je n'ai tué personne. Je suis resté en boule dans un coin de la pièce pendant que mes amis me protégeaient. »

Vaia retomba sur son séant, en face de l'albinos, les lèvres entrouvertes. Aaron avait parlé avec plus de froideur qu'il ne le souhaitait. Il s'en voulut, et se justifia de suite.

« Pardonne-moi. C'est vraiment pas un souvenir joyeux. Je préférerais ne pas en parler. Je ne t'ai pas remerciée d'ailleurs, pour m'avoir emmené voir des médecins.

-Waouh ! J'ai cru que tu n'le ferais jamais ! »

Aaron haussa les sourcils. Décidément, la jeune fille ne passait pas par quatre chemins pour se faire comprendre. Elle et Callisto s'entendraient si bien. Mais cette petite touche de franchise et de bonne humeur lui fit du bien. Vaia était quelqu'un de sympathique. Il se força à lui sourire. Elle le lui rendit en dévoilant le sien, éclatant et éclairant son visage moucheté.
« Mais d'ailleurs, ça fait longtemps que tu es avec Isaac et Rosalie ? La dernière fois que je les avais vus, ils étaient seuls. »

La jeune fille cala ses mains derrière sa tête et rit, se remémorant sûrement des souvenirs. Elle ressemblait diablement à sa sœur lorsqu'elle riait. Elles avaient presque les mêmes mimiques.

« Nan, en effet, c'est tout frais. En fait je partais de Ewilem moi aussi quand je les ai croisés. Je voulais absolument apprendre à faire quelque chose de mes mains. Alors ils m'ont proposé de venir avec eux dans les montagnes, et de m'apprendre la médecine. Et en échange, je les aide. Je vais à Ragnok faire leurs courses pour eux, je répare des trucs pour eux, je vais faire la cueillette dans la forêt. On dirait pas comme ça, mais ils commencent à se faire vieux.

-Et Rosalie, où est-elle ?

-Montée dans les hauteurs. Elle est partie à la recherche d'une fleur des altitudes. Elle devrait rentrer pour le dîner. »

Aaron hocha la tête. Que le couple accueille une jeune fille avide de savoir n'était pas étonnant. Ils avaient l'air incroyablement chaleureux et généreux.

« Mais, tu sais qu'ils ont un fils qui n'habite pas si loin ?

-Priam ? Ouais, je le sais. Un jour j'irai le voir pour lui apprendre la nouvelle. Que ses parents ne vivent plus à Ewilem, je veux dire. Pour pas qu'il s'inquiète, tu vois ? »

Elle tapota gentiment son épaule en souriant.

« Et toi aussi, 'faut pas que tu t'inquiètes. De ce que je vois, ils sont heureux ici. Au moins, on leur fout la paix. »

Aaron dévoila un petit sourire. Elle était bien gentille d'essayer de lui remonter le moral. Il se demanda si elle savait que le couple connaissait sa sœur. Oh, probablement. Il ne savait rien de sa situation familiale.

Les deux shapeshifters restèrent silencieux, jusqu'à ce que le soleil se soit complètement caché derrière les monts, plongeant la vallée dans la pénombre. Ces instants de calme firent le plus grand bien à Aaron. Il avait eu le temps d'ordonner ses idées et de se calmer. Il se secoua et se remit sur ses pieds, tâchant de ménager sa cheville à priori fragile. Il offrit sa main à Vaia pour l'aider à se relever.

« J'ai pris ma décision, dit-il.

-Ah ! Bonne nouvelle. Qu'est-ce que tu as décidé ? »

Il pénétra de nouveau dans la petite maison de roc, et se présenta à Isaac qui préparait le dîner. Mais le plafond était si bas que le garçon devait courber le dos, le rendant moins imposant. Isaac, une casserole dans les mains, se tourna vers son hôte, attentif.

« Je sais que vous m'avez pardonné. Mais moi je ne me suis toujours pas pardonné pour les ennuis que je vous ai causés. Alors veuillez accepter mes services. Pour la durée que vous souhaitez, peu m'importe. Je ferai les tâches ingrates, et je pourrai dormir dans la forêt, cela ne me pose pas de problème. »

Isaac demeura silencieux un instant, puis pour la première fois de sa vie, Aaron le vit sourire avec tendresse. Cette seule vision suffit à lui réchauffer le cœur. Il n'avait d'ailleurs pas remarqué, que quatre couverts étaient disposés sur la table.


BONUS: premiers grabouillages


Je vois la vie en rouge Img_2037
Essquisse de Vaia


Je vois la vie en rouge Img_2039
Maison troglodyte de Isaac et Rosalie


Dernière édition par Elv le Sam 18 Juin 2022 - 21:39, édité 5 fois
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyMer 17 Juin 2020 - 14:52

Oh mais tout est lié Je vois la vie en rouge 1372387614

Franchement ils sont trop chou j'adore l'ambiance ! Et les dessins sont cooools
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Elv
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyJeu 18 Juin 2020 - 21:29

JE VOIS LA VIE EN ROUGE
(Troisième partie)




« Steuplé !

-Non.

-Steuplé !

-Non.

-Allez, fais pas ton chieur !

-Vaia, c'est hors de question.

-Mais tu saoules à la fin !

-Tu vois pas que je suis un chouïa occupé là ? »

La jeune fille tourna le dos à Aaron, les bras croisés et la mine renfrognée, en bougonnant dans sa barbe.

Il faisait vraiment froid pour un matin de printemps. On aurait pu croire que les beaux jours avaient subitement décidé de faire marche arrière pour laisser de nouveau la place à l'hiver. Pendant son temps de convalescence, Aaron était forcé de rester humain, et donc de supporter cette peau sans poils. Il était donc enveloppé ce matin-là dans un pantalon, un épais pullover, et une énorme écharpe, si imposante que Vaia aurait pu s'en servir comme couverture. Cette dernière ne semblait jamais craindre le froid, car même sous cette température, elle restait dans sa petite tunique estivale.

Le grand hybride, hache et scie en main, était en train de tailler du bois. Depuis qu'il avait été pris sous l'aile des médecins, cinq jours auparavant, il s'occupait de toutes les corvées demandant beaucoup de force musculaire. Alors il s'attelait sans broncher aux taches telles que boucher les trous dans le plafond de la maison, couper du bois pour le feu, réparer les meubles, et autres transports de lourdes marchandises. Mais mine de rien, ce travail lui permettait de penser à autre chose. Petit-à-petit, il reprenait du poil de la bête, et lui qui avait tant maigri pendant son exil, retrouvait une musculature normale de jours en jours, grâce aux soins de Isaac et Rosalie.

Ces derniers se comportaient en véritables parents avec l'hybride fugitif. Le soir de son arrivée, Aaron avait dû lourdement insister pour que le couple ne lui lègue pas leur lit. Il allait plutôt dormir sous les étoiles, étendu sur le plateau d'herbe au-dessus de la maison. Rosalie, lorsqu'elle fut rentrée de son expédition dans les hauteurs, avait jappé de surprise en trouvant cet invité surprise dans sa propre maison.

Et devant ces yeux interloqués, Aaron s'était senti obligé de tout leur raconter.

Tout, ou du moins l'essentiel. Pas un mot sur le passé de Kale et de Callisto. Mais plutôt sur leur quête à Ewilem, la tuerie, la fuite et le refuge chez les médecins, la traque de Wade, et pour finir, l'abandon des Cavaliers de l'Apocalypse. Il avait tout déballé sur un plateau d'argent, le regard baissé et la voix calme. Isaac et Rosalie avaient compris. Ils n'avaient d'abord rien répondu, se contentant de tapes amicales dans le dos et d'une grande boisson chaude. Ils étaient intelligents, et savaient que Aaron était déjà au bord de la dépression. Il était inutile d'enfoncer le bouchon plus loin en l'assenant de reproches. Mais Vaia ne l'avait pas vu de cet œil-là. Lorsqu'il était parti se coucher, elle l'avait rattrapé et parlé entre les quatre yeux.

« C'est vraiment le truc le plus débile du monde. Tes amis, tout ce qu'ils vont faire, c'est partir à ta recherche. Ils seront bien plus malheureux que si tu étais avec eux.

-Au moins, ils auront une vie. Vaia, excuse-moi, mais tu ne sais pas dans quelle situation je suis.

-Bien sûr que si. T'es un fugitif, recherché par des assassins parce que soi-disant tu pourrais représenter une menace pour les puristes. Sauf que, flash spécial, t'es pas tout seul dans ce cas. Isaac et Rosalie aussi sont en danger s'ils reviennent à Ewilem. Et pourtant, ils restent forts. Et ils ne tournent pas le dos à leur famille, eux.

-Aux dernière nouvelles, Isaac et Rosalie ont un physique et une forme animale passe-partout. Et ils n'ont pas une espèce de taré de tigre à leurs trousses. »

Vaia s'était tue. Principalement parce que Aaron la surplombait de ses deux mètres et parce qu'elle ne savait pas quelle était sa limite avant qu'il n'en vienne aux mains.

Mais mise à part cette altercation, qui ne dura qu'une minute, Vaia semblait très heureuse que Aaron ait décidé de rester avec eux. Sûrement parce qu'elle s'ennuyait un peu dans cet endroit. Isaac et Rosalie avaient beau être d'une compagnie délicieuse, ce n'était pas la même chose que d'avoir un copain d'à peu près son âge. Elle passait le plus clair de son temps aux côtés de l'hybride, lorsqu'elle était libérée de ses heures d'études avec Isaac. Oui, elle était collante, mais Aaron ne s'en offusquait pas. Ce n'était pas le même pot de colle que Elv. Vaia aimait bien parler, mais savait se retenir face à un taciturne. Elle était calme et plus réfléchie. Au final, il fallait avouer qu'elle était elle aussi d'agréable compagnie. A eux trois, ils étaient devenus les antis-dépresseurs de Aaron.

Mais ce matin, la rouquine avait une mission : partir pour Ragnok et retrouver Priam. Isaac et Rosalie avaient bien laissé un mot à son adresse gravé dans le mur de leur ex-maison, mais ils préféraient qu'une personne en chair et en os aille le prévenir. Mais Vaia s'était mis en quête de convaincre Aaron de l'accompagner dans son expédition, ce qu'il avait catégoriquement refusé.
« Je te l'ai déjà dit, personne ne doit me voir. Sinon je suis bon pour m'exiler à l'autre bout du pays, se justifia-t-il en abattant sa hache sur la bûche qui éclata en deux morceaux.

-Mais tu peux te déguiser ! Personne ne te reconnaîtra, tu verras.

-Génial. Tu vas me mettre un postiche aussi ?

-Arrête d'être sarcastique. Allez Aaron ! Ça va te faire du bien de voir des gens ! »

Puis elle bondit et s'accrocha aux épaules du colosse comme un koala, en faisant mine de geindre comme un chiot. Aaron soupira et la suspendit par le bras sans ménagements.

« Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans 'espace personnel' ?

-Espace quoi ? 'Connais pas. »

La pique eut le mérite d'arracher un sourire à l'albinos. Pendant qu'il la reposait au sol, elle se mit à sourire béatement : l'un de ses objectifs de la journée avait été rempli. Alors qu'ils chahutaient, Rosalie, chevrette, passa à proximité, nonchalante.

« Allons Vaia, ne le force pas, susurra-t-elle au duo.

-Ah non hein ! Ne l'encouragez pas !

-Aaron, vous pouvez vous arrêter là. On a assez de bois pour toute la semaine. »

Aaron reposa sa hache et jeta un coup d'œil à l'énorme tas de bûches alimenté par le labeur de l'albinos durant toute la matinée. Il était tellement concentré dans ses tâches qu'il ne s'en était pas rendu compte.

« Et je vous rappelle que vous êtes blessé. Vous devez vous ménager, ajouta la chevrette.

-Ça va Rosalie, je vais bien, rassura l'hybride avec un sourire.

-Alors si ça va, tu pourrais m'accompagner à Ragnok ?

-Mais tu vas me lâcher, oui ? »

Aaron leva les yeux au ciel devant cet air de cocker abandonné. Rosalie pouffa.

« Vous savez Aaron, les gens à Ragnok ont autre chose à faire que jouer les curieux. Avec une bonne cape, vous passerez inaperçu.

-Ha ! Elle a to-ta-le-ment raison. »

Aaron souffla du nez. Encore une cape. Mais cette fois, il ne se roulerait pas dans la boue, pour sûr. Il regarda un instant sa comparse. Elle se coulait autour de lui comme un serpent aux yeux suppliants, les mains jointes telle une sainte. Aaron ne put s'empêcher de sourire d'amusement devant cette comédie enfantine. Il soupira en secouant la tête, puis lui dit :
« Si on se fait remarquer, gare à ton c...

-OOOUUUUUIIIIIIIIIIII ! »

Après trois bonds de kangourou, elle enlaça le gentil géant, et fila dans la maison en piaillant :

« Je vais te trouver la meilleure cape du monde ! »

Il la regarda disparaître dans la demeure, les sourcils haussés et un sourire en coin. Rosalie, elle, se mit à rire franchement. Aaron n'était là que depuis trois jours, elle avait dû en faire voir des vertes et des pas mûres à ce vieux couple. Oui, Vaia était plus posée, mais lorsqu'elle était lancée dans ses jeux, elle ne s'arrêtait plus.

« Une boule d'énergie quand elle s'y met, hein ? Commenta Rosalie.

-C'est sûr. Elle a dû vous mener la vie dure ces dernières semaines.

-Oh, elle n'était pas dans cet état quand nous l'avons accueillie. Elle bien repris des couleurs depuis.

-Ah bon ? »

Aaron regarda la chevrette, perplexe. Les oreilles de la shapeshifter se tournèrent vers l'arrière, l'air de chercher ses mots. Mais elle ne trouva pas le temps de s'expliquer, car la jeune fille revint, un grand drap dans les bras. Dans un tourbillon, elle le disposa sur les épaules de Aaron, rabattant la capuche sur sa tête, le sourire aux lèvres.

« Allez l'aventurier ! En route ! »

A deux, l'un drapé jusqu'au bout des pieds, l'autre légère et virevoltant, ils descendirent du calme plateau de la colline, pour aller se mêler aux autres shapeshifters. Rosalie avait donné des instructions très précises quant à la position géographique du foyer de Priam. Sur le flanc de la montagne, perdu dans la forêt et gardé par de féroces oiseaux. A l'en croire, Priam vivait dans un petit coin de paradis, seul avec ses plantes, ses recherches et ses oies. Même méfiant vis-à-vis de ce retour à la civilisation, Aaron trépignait d'impatience à l'idée de voir cette charmante cabane, et retrouver ce sympathique garçon.

« Je me pose une question, fit l'albinos sur le chemin.

-Laquelle ?

-Depuis combien de temps tu n'as pas revu ta sœur ?

-Bien longtemps j'en ai peur. Depuis que j'ai quinze ans en fait, quand Maman est morte. Après la tragédie, la famille s'est séparée. Je suis la première à être partie. Je voulais m'en aller seule.

-Pourquoi donc ?

-Je voulais juste m'émanciper. Vivre toute seule comme une grande. »

Elle soupira.

« Mais si Elv est tombée dans les bras d'un meurtrier... Elle est tellement naïve en même temps...

-Je me demande s'il n'y a pas quelque chose de vraiment spécial entre eux. En tout cas, c'est grâce à elle si Wade m'a laissé un sursis. »

Il hocha la tête avec conviction lorsque Vaia tourna de grands yeux surpris vers lui. Elv avait beau posséder une âme candide, elle n'en gardait pas moins une bravoure à toute épreuve. Aaron se demandait bien toutefois ce que Vaia avait fait de sa vie entre son émancipation, et le départ de ses études de médecine avec Isaac et Rosalie. Mais il n'osa pas poser la question. La jeune fille était assez discrète sur son passé.

Et enfin, Ragnok. Ragnok et ses maisons de roc et de bois. Ragnok et son torrent aux flots tumultueux. Ragnok et son marché de fourrures et de poissons d'eau douce. Ragnok et son air piquant de fumée et de vapeur. Ragnok, la ville de la montagne. Aaron rabattit sa capuche, et, restant proche de sa comparse, traversa les rues marchandes. Son estomac se tortillait dans tous les sens, criant au danger, mais Aaron se sentait apaisé par la présence joyeuse et tranquille de Vaia. Elle devait bien connaître la ville, car elle savait exactement quels étaient les quartiers à éviter et ceux qui en valaient le détour. Devant les étals du marché, elle vira de bord et se jeta sur l'étalage de viandes. Elle acheta deux lambeaux de viande de bison séchée et les brandit devant le nez de son nouvel ami.

« Goutte-moi ça, c'est un délice !

-Non merci Vaia, je suis végétarien.

-Tu veux pas faire une petite transgression pour moi ? Personne ne te dira rien.

-Ce n'est pas une question de regards. Je ne touche pas à la chair d'un autre animal, c'est tout. »

Elle haussa les épaules et engloutit sa trouvaille. C'est vrai qu'elle ne savait toujours pas quelles étaient les formes animales de Aaron. Mais elle finirait bien par l'apprendre un jour. Quoi qu'il en soit, Aaron devait rester humain pour le moment, le temps que sa cheville se rétablisse totalement.

Lorsqu'ils abordèrent l'orée de la ville, du côté des habitations des Hybrides, Vaia s'arrêta un instant et tendit l'oreille. D'un mouvement de main, elle arrêta aussi son acolyte. Aaron se tut, et jeta à son tour des regards perplexes autour de lui. Soudain, Vaia lui attrapa la main et l'entraîna avec elle dans une course effrénée. Le visage crispé, elle l'emmena à l'écart, dans une ruelle.

« Mais qu'est-ce qu'il se passe ? »

Aaron retrouva son souffle et scruta la jeune fille penchée sur le coin du mur, observant attentivement la rue passante. Si elle était belette, tout son pelage serait hérissé.

« Y'a un type que j'ai pas envie de croiser. »

Elle pointa du doigt un gros mouflon dodu au milieu de la rue, occupé à discuter le bout de gras avec un petit bouc. Il n'avait pas l'air menaçant vu comme ça, mais Vaia ne semblait vraiment pas rassurée. Aaron soupira profondément, ajustant sa cape sur sa tête.

« Et qu'est-ce que tu lui as fait, qu'on rigole ?

-Il se pourrait que je l'ai... Euh... Un peu arnaqué aux jeux, et que je l'ai un peu plumé... BON OK ! Beaucoup arnaqué ! Mais c'est pas de ma faute si c'est un pigeon ! Mais les pigeons sont faits pour être plumés, non ? »

Elle fuit le regard consterné de Aaron. Il savait que ça allait mal finir. Il le savait ! Pourquoi faisait-il toujours les pires choix possibles ? D'accord, peut être parce que Vaia lui avait fait les yeux doux. Il se tourna vers l'autre côté de la ruelle, et bénit le Ciel d'avoir laissé une ouverture dans le mur qui la bouchait. Il s'avança vers cette petite porte de sortie, mais s'arrêta de suite. Vaia ne suivait pas.

Aaron roula des yeux lorsqu'il la retrouva en plein milieu de l'avenue, traînée de force par deux types devant le mouflon. L'ongulé se mit à gonfler le poitrail, brandissant fièrement ses cornes comme un trophée de guerre. Il clama à la jeune fille, théâtral :

« Vaiaaaaaaa ! Tu sais que cela fait des jours que je te cherche ?

-Alors c'est-à-dire que...

-Et sinon je te tabasse maintenant, ou j'attends que tu me rendes mon pognon ? »

Aaron ne put s'empêcher de pouffer. La scène ressemblait diablement à une autre, avec un élan et une ânesse. Vaia souffla sur une mèche de cheveux qui tombait devant ses yeux, et lui répondit, le regard en l'air :

« Ah, ça c'est un peu tard, j'ai tout investi en viande de bison. »

La mine de la chèvre des montagnes se tordit de colère. Il se cabra, ce qui aurait pu être très impressionnant s'il avait été un bel étalon, mais qui là était plus burlesque qu'autre chose. Puis il chargea, toutes cornes en dehors, vers la jeune fille si menue.

Mais sans soucis, Vaia fit un pas de côté, et le mouflon fonça dans le mur derrière elle. Il s'encastra dans la pierre, et tituba quelques secondes, sous les rires de la foule attirée par le semblant de baston. On aurait presque pu voir les petites étoiles tournoyer au-dessus de sa tête. Pendant qu'il reprenait ses esprits, Vaia envoyait révérences et saluts au public, tel le torero dans l'arène. Mais son petit show ne fit pas long feu, car les amis du mouflon entrèrent sur la piste, et tentèrent d'immobiliser l'acrobate. 'Acrobate' était un nom bien approprié, car à la force de pirouettes, de bonds et de cabrioles, elle esquiva la plupart des coups, avec la même nonchalance que si elle préparait le dîner.

Mais un coup atteignit son épaule pendant un saut, et elle bascula sur le côté, roulant dans la poussière sur plusieurs mètres. Elle essaya de se relever, mais on l'immobilisa. Le mouflon revint sur Terre et s'approcha, aussi triomphant qu'un conquérant. La foule qui applaudissait la jeune fille retint son souffle, fuyant le spectacle pour la plupart pour ne pas être mêlé à l'histoire. L'ongulé recula la tête, comme un marteau qu'on allait abattre sur des doigts.

Il allait cogner la fille, quand une main blanche surgit de nulle part et attrapa les cornes du mouflon, le tirant en arrière et le faisant basculer sur le dos, aussi aisément que s'il était un chevreau.

« Aaron ! » Souffla Vaia dans un sourire.

Le mouflon à l'honneur bafoué toisa cet inconnu drapé, les naseaux fumant. Il se remit sur ses pieds, et chargea. Mais l'hybride se baissa et encaissa le coup, tenant le taureau par les cornes dans une lutte acharnée. Il manqua de recevoir un coup à la tête de la part de l'un des ravisseurs de Vaia. Il rata son coup, mais en revanche, sa cape tomba, et la blancheur de sa peau éclata au soleil.

Aaron commençait à fatiguer. Le mouflon avait de la force et était plus lourd qu'il ne le pensait. Il poussait sur ses cornes, retenues prisonnières par les mains de l'albinos. Il allait lâcher. D'autant plus qu'un homme derrière lui préparait un nouveau coup à la tête. Mais soudain, une pluie de cailloux s'abattit sur les combattants. Le mouflon piailla et bondit lorsque l'un des projectiles lui botta les fesses. Il décampa sans se faire prier, suivi de près par ses amis, libérant par la même occasion Vaia de leur joug. Lorsque les deux shapeshifters furent les derniers présents dans la rue, la pluie s'arrêta, et des têtes apparurent sur les toits, dévisageant avec enthousiasme nos deux héros.

Le cœur de Aaron se mit à battre plus fort. Il faillit reculer d'un pas lorsqu'un grand loup noir sauta de la toiture, venant à la rencontre de Aaron et Vaia. Lui voulait partir en courant, mais elle regardait le canidé avec beaucoup de fascination.

« C'est vous qui avez fait ça ? Dit-elle chaleureusement en regardant les tireurs. Merci beaucoup, il nous aurait réduits en charpies.

-De rien, assura le loup. Quand nous avons vu que c'était vous, nous n'avons pas hésité à vous venir en aide. »

Mais lorsqu'il parlait, il ne regardait qu'une personne : Aaron. Ce dernier ne remarqua qu'à cet instant que sa cape était tombée. Son cœur se mit à cogner toujours plus frénétiquement dans sa poitrine, si fort qu'il pouvait l'entendre. D'autres shapeshifters, des hybrides, apparurent sur le seuil des modestes maisons, formant un cercle autour de Aaron, Vaia, et le loup. Celui-ci s'avança, solennel, et fit face à l'albinos.

« C'est un très grand honneur de vous rencontrer, Aaron, Terreur des Purs. »


NdA: Je m'adresse aux administrateurs du forum: si je prends trop de liberté sur la tournure des événements à propos du conflit purs/hybrides, n'hésitez pas à me le dire, je changerai le texte sans aucun problème. Je vois la vie en rouge 1080878880


BONUS:

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Dernière édition par Elv le Sam 18 Juin 2022 - 21:50, édité 3 fois
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyJeu 18 Juin 2020 - 22:01

J'ai l'impression d'être une groupie à guetter les prochains chapitres Je vois la vie en rouge 51874024

Le dessin est vraiment superbe ** En tout cas pas de soucis pour tout ce qui est lié à l'event ça ne pose aucun problème !
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Elv
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyJeu 18 Juin 2020 - 22:11

Ça me fait plaisir de l'entendre !
Oui je me lance dans des trucs mais je flippe à l'idée de prendre beaaauuucoup trop de libertés avec le combat de Aaron ^^'
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Elv
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyVen 19 Juin 2020 - 22:22

JE VOIS LA VIE EN ROUGE
(Dernière partie)




C'était comme si Aaron avait perdu sa voix. Plus rien. Niet. Nada. Sous le choc, il dévisageait le loup noir, complètement pétrifié. Les hybrides s'amassaient autour de lui, et avec ceci, les murmures, les sourires, les doigts pointés. C'était comme une onde d'espoir qui se propageait dans la foule, tournoyant autour de l'albinos. Le sang de Aaron battait dans ses tempes. Il aurait tout donné pour être à mille lieues d'ici. Ils aurait fui ces regards débordant d'admiration et de fascination morbide. Vaia fut peut être la seule à remarquer son mal-être, puisqu'elle toucha doucement le bras de son compagnon.

« Aaron, tout va bien ?

-Allons à l'intérieur, décida le loup. Il fait froid, vous serez mieux autour d'un bon feu. »

Aaron se laissa emmener, suivi de près par la rouquine. Le canidé les mena dans une cabane à l'écart, suivis par les yeux indiscrets des gens. Vaia était soufflée par l'effet que procurait la présence de Aaron, lui n'en était que plus effrayé. Mais il se sentit légèrement mieux lorsque la porte se referma derrière eux. La belette et l'élan s'assirent sur le banc faisant face à un brasero fumant. Le loup prit place à son tour derrière le rond de braises. Même avec des touffes de poils en moins, une oreille déchiquetée et un museau cisaillé de cicatrices, il était très charismatique. Ses yeux jaunes semblaient pouvoir percer l'acier, et il se tenait toujours avec beaucoup de droiture, le poitrail en avant et le museau haut, comme s'il s'adressait toujours à un être plus puissant. 

« Lorsque les nouvelles de Ewilem sont venues à Ragnok, commença-t-il d'une voix chaude, ç'a été l'euphorie générale. Personne ne pouvait croire qu'un tel acte de rébellion ait pu avoir lieu sur cette terre, surtout en pleine capitale. Oh, veuillez m'excuser, je ne me suis pas présenté. Je suis une anomalie. Je vis avec les hybrides de cette cité. Les gens me nomment Oméga. »

Aaron ne répondit rien, se contentant de serrer la patte que Oméga lui tendait au-dessus du feu. Il gardait les sourcils froncés, les yeux plongés dans ceux du loup, tentant de cerner les intentions de son interlocuteur. Pour le moment, la conversation ne s'orientait pas sur un sujet qui lui plaisait. Et pas de la bonne façon, qui plus est.

« Alors apprendre que vous êtes maintenant à Ragnok, parmi nous, je ne sais comment vous montrer mon excita...

-Ecoutez, Oméga, je ne vais pas passer par quatre chemins. »

La voix calme de Aaron avait résonné comme un coup de tambour dans la sombre pièce. Vaia avait frémi, Oméga s'était tu. Irrité, Aaron poursuivit, le regard sombre.

« Je ne suis pas l'auteur de la tuerie de Ewilem. Pas directement du moins. Je suis seulement tombé dans un traquenard du coyote Salomon, et mes amis m'ont sauvé la vie. Et maintenant, les gens veulent ma peau parce que j'ai été là au mauvais endroit au mauvais moment. Si vous cherchez un drapeau pour rallier tous les hybrides persécutés, allez chercher quelqu'un qui sait réellement ce qu'est le meurtre. »

Un silence de plomb s'abattit sur la pièce. Un silence où personne ne bougea ou ne frémit. Aaron était aussi immobile qu'une statue de plomb, dardant son regard sombre sur l'anomalie. Celle-ci, contre toute attente, se mit à sourire. Il se leva, et invita les autres à le suivre. Ils plongèrent de nouveau dans la fraîcheur de la rue.

« Avant que vous ne partiez, Aaron, laissez-moi vous montrer. »

Ils débouchèrent à la limite de la ville, sur une place dont un côté s'était effondré suite à un éboulement. Sur cette place, des hybrides s'amassaient autour de braseros, soufflant dans leurs mains et grelottant. Ils tournèrent tous la tête à la venue du loup et de l'albinos, et des sourires apparurent. Ils saluèrent l'anomalie comme si elle était leur meilleur ami, voire leur frère, et jetèrent des regards chaleureux à Aaron. Ils lui adressaient des signes de main, mais avaient la politesse de lui laisser un espace personnel. Vaia collait Aaron. Elle semblait à mi-chemin entre l'appréhension et l'excitation, jetant des regards tout autour d'elle. Oméga s'arrêta au milieu de la place, et se tourna vers ses invités.

« Vous n'êtes pas le seul à avoir eu affaire au braconnier Salomon. Ici, à Ragnok, il est connu pour ses crimes et ses atrocités envers les shapeshifters. »

De sa truffe, il désigna l'un des passants. C'était une génisse blanche au mufle brun. Mais à la place de ses cornes, on ne voyait que deux trous brunâtres et couverts de croûtes.

« C'est Olga, hybride vache et daim. Salomon a arraché ses cornes blanches. Elle a agonisé pendant des jours avant qu'on ne la trouve dans la forêt. Et là-bas, le petit vison, c'est Connor. Son compagnon s'est fait tuer et dépecer par ce coyote. »

Aaron sentait Vaia se mettre à frémir et se terrer plus encore contre ses flancs.

« Comprenez maintenant à quel point la mort de Salomon nous a tous réjouis. En plus d'avoir provoqué un grand coup de tonnerre sur la terre des purs, elle nous a débarrassé du chasseur le plus abominable de ces contrées. »

Aaron resta sans voix devant ce spectacle affligeant. Il se rendit enfin compte à quel point il put s'estimer heureux d'être encore en vie avec un crâne et un pelage intact après ses altercations avec Salomon. Il massa son front, troublé.

« Je suis désolé. Je ne savais pas.

-Vous n'avez pas à être désolé. Vous n'êtes peut être pas l'auteur de son meurtre, mais vous n'en êtes pas moins célèbre. A force de bouche à oreille, vous êtes devenu la lueur d'espoir des hybrides. Vous êtes devenu la preuve qu'ils n'ont pas à rester terrés dans l'ombre des purs. Aaron, ils reprennent espoir grâce à vous. »

Le poids sur les épaules de Aaron, qui était déjà lourd, devint insupportable. Il regardait tous ces hybrides, et voyait à quel point leur communauté était magnifique. Ce n'était pas comme à Aust, où la loi du plus fort régnait. Ici, les hybrides se serraient entre eux pour se tenir chaud, partageaient leur bol de soupe et se soutenaient. A chaque regard compatissant jeté vers lui, il sentait un nouveau coup de marteau s'abattre sur ses épaules.

« Vous voulez que je sois leur égérie pour mener une révolte, souffla Aaron.

-Je comprends que ce soit dur à accepter, asséna Oméga. Mais l'heure est grave. Voyez les ghettos repoussés aux limites des villes. Essayez de compter sur vos doigts le nombre d'hybrides et d'anomalies dont la vie a été détruite par la haine des purs. Essayez, vous n'y arriverez pas. Ici, nous sommes tous des parias, des monstres aux yeux de la société. Dans les montagnes, tout là-haut, il y a un ours qui se terre, qui a complètement perdu la raison. Savez-vous pourquoi ? Il a été l'esclave et le souffre-douleur d'un pur pendant toute sa vie. Pensez-vous que ce genre de comportement est acceptable de la part d'êtres dotés de raison ? »

Aaron jeta un regard vers Vaia. La pauvre devait être la seul pure présente. Et elle le savait. Ses yeux se vidaient de toute expression. Attristé, le jeune homme lui caressa la tête d'une main douce.

Mais Oméga porta le coup de grâce.

« A Ewilem, il y a quatre jours, une jeune hybride de quinze ans s'est fait décapiter sur la place publique. Rainyd a pris la parole. Il entre en guerre contre les hybrides et les anomalies. »

Terrassé par le discours du loup, Aaron massa ses tempes. Un vent mordant souffla sur la ville et ébranla tous les présents. Le ciel commençait à se couvrir de nuages noirs comme de la suie. Même les éléments participaient à ce théâtre de la rébellion. Mais l'albinos ne savait pas quoi faire. Il ne voulait pas prendre part aux combats. Il était un pacifiste. « Je ne touche pas à la chair d'un autre animal », avait-il clamé face à Vaia une heure plus tôt. Pourtant, face aux événements, face à ces visages brisés mais souriants, il se sentait tellement coupable. Sa présence seule réchauffait leur cœur meurtri. Oméga le voyait comme leur espoir. Il devait avoir un rôle à jouer. D'ailleurs, lui-même avait mené une vie de misère à cause de sa condition. Il était craint. Il était le fantôme, le spectre aux yeux rouges.

Oméga voyait qu'il hésitait, et que Vaia était prête à se liquéfier sur place. Alors, il dit avec douceur :

« Je vous laisse le choix. Mais réfléchissez bien Aaron. Ne nous oubliez pas. Ne m'oublies pas. »

Aaron hocha la tête, toutefois un peu troublé par sa dernière phrase. Oméga leur lança un dernier regard, et tourna les talons, rejoignant les siens. Aaron soupira.

« Viens, il faut trouver Priam.

-Mais Aaron attends...

-Plus tard. »

Silencieux, ils sortirent de la ville et se rendirent plus haut dans les montagnes, suivant l'étroit sentier de terre. Aaron marchait rapidement, le visage fermé, pendant que Vaia traînait à l'arrière, mal à l'aise. Après une bonne demi-heure de marche, il arrivèrent aux abords d'une petite cabane recouverte de lierre, et apostrophés par des croassement de colère. Avant qu'ils ne puissent faire un pas sur la propriété du garçon, des espèces de chiens de garde ailés fondirent sur eux, criant comme des cochons qu'on égorgeait. Vaia jappa devant les oies et fit demi-tour fissa, de peur de se faire pincer les cuisses. Aaron s'arrêta et tenta de chasser les oiseaux en appelant Priam. Mais personne ne répondit.

« Il est peut être sorti. Isaac m'a dit qu'il partait souvent en expédition dans les montagnes.

-Alors on va l'attendre. » Répondit froidement Aaron.

Il sortit du sentier, enfin délaissé par les oies, et vint s'asseoir sur un tronc en suspension. Vaia frotta son bras, les yeux baissés et se mordant la lèvre. Elle finit par se décider à se poser délicatement aux côtés de Aaron. Elle hésita quelques minutes, puis lâcha :

« Tu ne vas pas les rejoindre je suppose...

-Probablement pas, trancha-t-il toujours sur un ton glacial.

-Mais leur combat est noble et courageux...

-C'est pas du courage, c'est du suicide. Rainyd est à la tête de Ewilem et de ses autorités. Il ne fera qu'une bouchée de la révolte. »

C'était probablement Rainyd qui avait envoyé Wade aux trousses de Aaron. Il aurait dû s'en douter.

« Mais s'il a déclaré la guerre aux hybrides, ils ne font que se défendre.

-Dans ce cas je leur souhaite de fuir et de se cacher.

-Et c'est ce que tu vas faire ? »

Lorsque Aaron se tourna vers son amie, toute sa colère s'évapora. Tout le malheur du monde se reflétait dans ses yeux. Elle fixait l'horizon, la mine décomposée. Il bégaya, perdant ses moyens :

« Oui... Oui je pense. Je ne suis en sécurité nulle part.

-Et si moi je ne le veux pas ? »

Elle leva les yeux vers lui, inondés de larmes, le menton tremblant. Le cœur de Aaron se serra.

« Je ne veux pas que tu t'en ailles. Tu ne peux pas me laisser.

-Mais tu as Isaac et Rosalie, non ? »

Vaia souffla du nez.

« Ce n'est pas la même chose. Ils sont gentils et généreux, mais... Mais avec toi c'est encore mieux. Je... Me sens mieux depuis que tu es là. J'ai besoin que tu sois là. »

Et elle posa sa tête contre le bras de Aaron, essuyant ses yeux mouillés. Trop hébété pour savoir quoi faire de ses mains, Aaron lui caressa le dos. Il sentait qu'il lui briserait le cœur s'il s'en allait, et pourtant, il n'avait pas d'autre choix. Il était venu chez Isaac et Rosalie dans l'idée que de ne rester que quelques jours. Il serait reparti aussi sec le plus rapidement possible, pour laisser les médecins tranquilles dans leur cachette. Aaron ne pouvait pas se permettre de rester trop longtemps au même endroit. Mais il devrait encore abandonner quelqu'un derrière lui. Il se sentit si faible. Comme face à Kale lors de ses crises d'angoisse. Il n'avait aucune idée de ce que Vaia avait vécu avant d'arriver à Ragnok, mais il avait peur de le savoir. Il avait envie, de n'importe quelle façon, de la réconforter, mais encore plus de la mettre en sécurité. Comme Kale, comme Lyanna, Callisto, les parents de Priam.

« Vaia, je... »

Quelque chose siffla près de son oreille. CHTAK ! Une flèche vint se planter sur le tronc de l'arbre d'à côté. Aaron et Vaia et se figèrent, tournèrent la tête à l'unisson vers la source du projectile. Le cœur de Aaron rata un battement.

« Ils m'ont retrouvés. » Fit-il à mi-voix.

Les chasseurs, les amis de Salomon qui l'avaient poursuivi une semaine auparavant, bandèrent leur arc et visèrent le duo. Aaron et Vaia n'attendirent pas une seconde de plus, et filèrent, évitant la nouvelle salve de flèches.

Aaron était parti pour une nouvelle course-poursuite, avec à la clé sa survie, mais aussi celle de Vaia. A deux, tâchant de rester côte-à-côte, ils dévalaient la pente vertigineuse comme des dératés. A pas de géants, ils perdaient à chaque instant leur équilibre, handicapés par les pierres glissantes et les racines apparentes. Aaron entendait la respiration de ses propres poursuivants. Une maladresse, et c'était fini. Vaia n'était pas à l'aise sur ce terrain accidenté et manquait de basculer à chaque avancée.

« Vaia ! Grimpe ! »

Heureusement, à cette main tendue, la jeune fille comprit immédiatement. Elle sauta sur Aaron, et atterrit dans la paume de sa main, minuscule et recouverte de poils. Aaron glissa la petite belette dans son écharpe bouffante, et jeta un œil par-dessus son épaule. L'albinos prenait de l'avance sur ses assaillants. Les arbres défilaient et leurs branches griffaient les joues de l'hybride. La pente ne semblait jamais prendre fin, comme si elle descendait jusqu'au centre de la Terre. Les rochers étaient toujours plus glissants et imposants, bloquant le passage de Aaron. Il sentait le petit corps chaud de Vaia haleter contre la peau de son cou. CHTAK ! CHTAK ! Deux flèches frôlèrent sa tête. Ils étaient tout près.

Ses oreilles bourdonnant, Aaron n'avait pas entendu le vacarme du torrent se rapprochant petit-à-petit. Quand soudain, la course des arbres s'arrêta, laissant place à une surface rocheuse et glissante, jusqu'au... Vide. Un ravin se rapprochait dangereusement. Et Aaron ne pouvait pas s'arrêter. Alors, il retint sa respiration, tint fermement son écharpe dans laquelle se blottissait la petite Vaia, et alors que les cieux grondèrent, il sauta dans le vide.

D'abord, rien. Seulement l'adrénaline s'acheminant dans son sang, le vent sifflant dans ses oreilles, puis soudain, une gifle cuisante sur tout son flanc droit, suivi par des dents mordant avec hargne tout son corps immergé. Ses pieds frôlèrent les galets au fond de l'eau, et il sentit sa tête gonfler comme un ballon. Seules quelques secondes défilèrent, pourtant, elles parurent comme étant des jours et des jours. Un battement de jambes, et la tête de Aaron sortit de l'eau. Il reçut quelques gifles des vagues, et toussa. Nouveau grondement au-dessus des nuages, et la pluie se mit à tomber.

Aaron nagea péniblement jusqu'à la berge, les poumons gorgés d'eau et sa peau ayant percuté la surface criant de douleur. Il attrapa une première pierre, puis se hissa, agrippant les brins d'herbe à sa portée. Puis, sous la pluie battante, il se traîna lamentablement sur la pelouse, crachant toute l'eau qu'il pouvait. Il retira son écharpe trempée, et la déroula avec délicatesse, les membres tremblants, et le cœur affolé. Il trouva Vaia, roulée en boule, trempée jusqu'aux os et grelottante. Elle semblait à peine consciente. Le choc de la chute avait dû l'assommer. Aaron souffla sur son corps, pendant que le ciel s'éclairait par flashs lumineux.

Vaia ne reprit connaissance qu'une heure plus tard, lorsque Aaron eut trouvé un renfoncement dans la roche, leur offrant un abri pour la nuit. Elle se trouva enroulée dans l'écharpe séchée par le grand feu allumé près d'elle. Elle s'ébroua et se tourna vers Aaron, assis devant les flammes et l'air interdit. Il était plongé dans ses pensées, mais revint à la réalité lorsque sa protégée se réveilla. Il lui sourit.

« Tu vas mieux ?

-Je sais pas... J'ai l'impression d'avoir dormi des jours.

-Juste une heure. Repose-toi. Tout va bien. »

Non, rien n'allait. Rien du tout. Aaron avait embarqué Vaia avec lui dans la chasse infinie. Car maintenant, les chasseurs savaient qu'elle était de son côté. Si elle retournait chez Isaac et Rosalie, elle risquerait aussi leur peau. L'hybride prit sa tête dans ses mains et soupira.

« Putain de merde » jura-t-il dans un murmure.

Elle descendit du petit tas de tissu que formait l'écharpe et vint s'installer confortablement sur le genou de Aaron.

« Je suis désolé Vaia, souffla ce dernier.

-Non, c'est moi qui suis désolée. Si j'avais pas insisté pour que tu viennes, rien de tout ça ne se serait passé... Oh mon Dieu... Je ne peux pas retourner chez Isaac... »

Elle venait de comprendre ce que leur course avait impliqué. Elle prit son museau dans ses pattes, l'air désespéré. A l'heure qu'il était, les chevreuils devaient se demander pourquoi leurs invités n'étaient toujours pas de retour. Elle regarda un instant les flammes danser, puis lâcha :

« Où iras-tu à présent ?

-Je ne sais pas. Peut être me terrer dans les montagnes. Qui sait, peut être que j'arriverai à me fondre dans le décor des neiges éternelles.

-Pft. »

A travers les dernières gouttes de pluie, les rayons du soleil perçaient les nuages et berçait la forêt dans sa lumière orangée et étincelante. Aaron sourit en sentant la chaleur caresser ses joues, et souffla à la belette sur le ton de la complicité :

« Et toi aussi, avec ton pelage blanc d'hiver, tu pourras aisément te camoufler.

-T'es bête, ce sont les hermines qui changent de pelage selon les saisons, les belettes restent brunes toute l'an... Oh ! »

Tiltant enfin le sens caché de ses mots, un immense sourire éclaira la mine de la belette. Elle bondit sur ses pattes et vint frotter sa tête contre la main du géant.

« Merci Aaron ! Merci merci merci ! T'es génial ! Tu vas voir, je suis une super compagne de voyage : je sais faire des pansements, quelles plantes avaler quand on est ballonné, reconnaître un terrier quand il est habité, et aussi... »

Aaron prit l'écharpe délaissée et la jeta sur la tête de Vaia, sous les cris de protestation de cette dernière.

C'était peut être le premier pas de Aaron dans son acheminement vers sa rédemption. Il ne savait pas encore s'il devait retrouver les Cavaliers ou même choisir son camp dans le combat de sa propre race. 


FIN



[Eh voilà c'est la fin de cette petite nouvelle! Je vois la vie en rouge 2992942001  ('Va absolument falloir que je dresse une liste de mes pnj récurrents ^^'). Je remercie chaleureusement ceux qui ont lu jusqu'au bout Je vois la vie en rouge 579469711, c'était un vrai plaisir d'écrire ce passage dans le périple de mon personnage, et pareil, si jamais je prends un peu trop de libertés, dîtes-le moi. A la prochaine!]


Dernière édition par Elv le Sam 18 Juin 2022 - 22:01, édité 1 fois
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Je vois la vie en rouge   Je vois la vie en rouge EmptyVen 19 Juin 2020 - 23:25

Aaron is the new Katniss Everdeen Cool

Et beh j'ai adoré lire cette histoire ! Du coup j'ai vraiment hâte que les cavaliers le retrouve. Si ils le retrouvent un jour Je vois la vie en rouge 879746112
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