Legend of Shapeshifters
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A falsis principiis proficisci
 
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 Elle court, elle court, la belette de Ewilem!

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Elv
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MessageSujet: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyDim 7 Mar 2021 - 20:11

Salut tout le monde! Cette petite histoire fait suite à la création du personnage de Oliver, alias l'hybride malgré lui.
C'est une petite fiction en deux parties qui expliquera le basculement de sa vie dans la rébellion hybride. Elle prend donc place pendant la guerre entre les puristes et les non-purs, juste après la contre-attaque à Aust.
Sur ce, j'espère qu'elle plaira à quiconque la lira  Laughing

                                                                                                         


ELLE COURT, ELLE COURT, LA BELETTE DE EWILEM!


"BAM ! Triple six ! J'vous démonte tous ! C'est qui l'patron maintenant, hein ? C'EST QUI LE PATRON ?!"
"Ferme ta grande bouche Oliv' ! Tu vas alerter tout Amarok !"
"Roh eh, si on peut même plus s'amuser..."
Mais Oliver ne se renfrogna pas pour autant. Il engloutit d'une traite le contenu de son verre et empocha tout le butin posé au milieu de la table, sous les yeux noirs de ses camarades de jeu. A l'entente de son cri, les autres joueurs et buveurs aux tables d'à côté s'étaient retournés, l'air effaré greffé au faciès, mais en comprenant que c'était encore le petit rouquin qui faisait des siennes, ils vaquèrent de nouveau à leurs occupations clandestines. Oliver rejeta sa tête vers l'arrière et huma cet air grisant de l'interdit et de l'amusement. Tous ces shapeshifters, étaient réunis dans cette pièce sombre creusée dans le sol, sous la demeure de l'organisateur, un sanglier pas farouche. C'était la planque. C'était ainsi que les connaisseurs l'appelaient. Les seuls qui connaissaient ce lieu de débauche où l'on buvait, jouait et écoutait de la musique digne de ce nom étaient bien sûr tous les uniques membres de ce club secret.
Enfin, au départ, l'association n'était pas secrète, loin de là. Elle était même très connue dans Ewilem ! Même certains politiciens s'y rendaient parfois, mais jamais ne pourraient l'avouer. Et si ses membres n'étaient pas allés aussi loin en manquant de faire flamber la ville l'année passée, le club serait encore public. Certes, Oliver ne jurait pas qu'il n'avait rien à voir dans cette histoire de séance-bûcher, mais tout de même ! C'était assez drôle, ce temps où les fêtes qui s'y déroulaient découlaient dans les rues jusqu'à réveiller tout le quartier. Mais il ne se plaignait pas. Maintenant que le club était interdit par les autorités, les réunions se déroulaient à l'abri des regards, en pleine nuit, et enfoui sous terre. Et il régnait ce petit air de trépassement des limites qui enhardissaient les fidèles du groupe. Et c'était ça que Oliver adorait. Il avait toujours adoré ça, en fait. Depuis sa petite enfance à aller piocher dans la boîte à gâteaux de sa mère pendant qu'elle regardait ailleurs. Mais ici, il fallait dire que les enjeux étaient bien plus costauds.
Alors voyons voir, qu'avait-il gagné cette fois-ci au jeu de dés ? Des pièces d'or, des babioles quelconques qu'il se ferait un plaisir d'échanger contre de nouvelles chaussures toutes neuves, mais surtout, un superbe pendentif terminé par une bille en nacre. Les yeux bruns du garçon s'illuminèrent. Quelle bonne affaire. Décidément, il avait bien fait d'échanger les dés contre des truqués juste avant son tour. Il glissa tout ce beau petit butin dans sa poche et accrocha le collier autour de son cou. Il avait fier allure ainsi. Il était sûr qu'en l'arborant devant la jolie loutre dans le coin, il pourrait repartir avec elle cette nuit.
Au dehors, la ville s'agitait et l'on parlait d'un parcage des hybrides aux périphéries, mais pour Oliver, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Il vint voir son amie-daim Mala assise au comptoir et déboutonna les premiers boutons de sa chemise pour lui montrer sa poitrine ornée de la perle de nacre avec fierté.
"Eh ! Mala ! Regarde-moi, j'suis pas beau comme ça ?"
Mala lorgna le torse du rouquin avec un sourcil levé, le nez dans son verre.
"T'as surtout toujours pas un pète de poil sur le torse mon pauv' gamin" commenta-t-elle nonchalamment.
"Mais on s'en fout d'mes poils, j'en ai déjà plein quand je suis belette ! Protesta Oliver, même s'il complexait bien sûr à propos de cette absence douteuse. Mate-moi plutôt ce bijou. La classe, non ? Eh Mala ! Tu m'écoutes, dis ?"
"Hein ?"
Oliver soupira et s'assit à côté d'elle. Certes Mala pouvait se montrer assez dédaigneuse et désintéressée quand elle n'était pas dans ses humeurs, mais que pouvait-il bien lui arriver ce soir ? Il n'y avait rien de mieux qu'une petite fête au chaud alors que le vent hurlait au dehors. Le regard dans le vague, la jeune femme lâcha :
"Je vais quitter Ewilem."
Oliver avala sa gorgée de travers. Après avoir calmé sa toux, il s'écria :
"Quoi ? Nononononon attends ! Tu peux pas me faire ça ! On est copains depuis si longtemps ! Et puis c'est toujours cool de se retrouver ici avec les autres, hein ? Me dis pas que t'aimes plus ça !"
"Mais Oliver bordel y'a que ça dans ta petite cervelle de moineau ?"
Oliver croisa les bras et se tassa dans sa chemise. Oui, bon, il n'avait pas inventé l'eau en poudre, mais il n'appréciait pas trop qu'on le traite d'abruti. Surtout lorsque cela venait de ses proches. Mais Mala, fidèle à elle-même, s'en foutait royal, et poursuivit :
"Ca devient la merde. Vraiment. T'es pas encore plongé de ce domaine, mais je te rappelle que j'ai des gosses. Trois p'tits faons qui m'attendent chez moi. Et même en étant purs, ça craint pour nous. Les armées hybrides de Aust ne vont pas tarder à débarquer, et ça va tomber sur notre gueule."
"Mais relax ! Soupira Oliver. Rainyd ne va pas laisser tomber la ville. Et ce mec est terrifiant. Ca m'étonnerait que..."
"Si tu écoutais un peu plus les nouvelles, tu saurais qu'une grande partie de son armée s'est fait massacrer à Aust la semaine dernière. Je ne crois pas qu'on devrait tenir ces infos à la légère."
Elle se leva, sous les yeux consternés de Oliver. Elle soupira et posa une main amicale sur son épaule.
"T'inquiète pas, va. On se reverra. Je pense aller à Varkens avec les mômes. T'auras qu'à venir nous faire un coucou."
Et elle disparut. Oliver n'ajouta rien, et se contenta de se resservir un verre. Ses pensées couvrirent le brouhaha dans la salle bondée. Il ne pensait même plus à son pendentif. Ni même à la jolie loutre. Les mots de Mala résonnaient dans sa petite caboche toute vide d'idées politiques et sociétales. Ses yeux descendaient sans le vouloir vers ses pieds enfouis dans des chaussures.
Quand Oliver avait revêti cette fausse identité de pur, il était persuadé que l'on le laisserait tranquille pour toujours. Les Purs avaient le pouvoir. Les Purs étaient en haut de l'échelle. Les Purs étaient respectés. Jamais il n'aurait goûté à tous ces plaisirs durant sa jeunesse débordante s'il avait affirmé sa véritable ethnie. Mais aux mots de son amie, il prit conscience qu'en ce temps de guerre, que jusqu'à maintenant il n'avait pas réellement considéré, tout pourrait basculer d'une seconde à l'autre. Il adorait les imprévus, là n'était pas le problème, il prit seulement peur que son petit bonheur s'effondre du tout au tout.
Il ne pensait pas que cela arriverait si vite.
Un énorme fracas couvrit le son des guitares et du saxophone. Des cris fusèrent. Des tables se renversèrent. La musique s'arrêta.
"TOUS LES MAINS SUR LA TÊTE !"
Personne n'obéit. Tous les petits se transformèrent à la hâte pour se glisser dans les trous de secours. La milice de Ewilem déferla comme une vague sur le groupe de fêtards. Il y eut un homme à terre. Il y eut des coups de baton sur les têtes qui dépassaient. Il y eut des hurlements, il y eut pleurs, il y eut chaos. Oliver, l'esprit embrumé par la sève de pin, s'était prépcipité vers les trous de souris sans penser à se transformer de suite. Ses mains avaient à peine rétréci qu'on le saisit aux bras et le plaqua à terre. Sa tête cogna contre le sol et son front gicla. Il tenta de se débattre mais c'était peine perdue. Il ne voyait que le sol et des pieds le fouler. Il hurla qu'on le lâche. Toute entreprise était vaine. Du sang dégoulinait de sa tempe. Il se tortillait, geignait, insultait. Mais surtout, il ne comprenait rien.
Les bruits s'atténuèrent. Soudain, on le redressa, les bras coincés en croix derrière son dos. Oliver vit nombreux de ses camarades de jeux ligotés par les miliciens. Certains restaient silencieux, d'autres pleuraient, et d'autres encore empruntaient dans leur vocabulaire le plus fleuri pour les insulter. Ca puait la mort. Dans la panique, tout le monde avait renversé les tonneaux de sève, et les effluves s'en échappaient pour monter à la tête de ceux qui l'inhalaient. Les tables étaient jetées à terre. Les cartes étaient déchirées et tous les verres brisés. Quand Oliver revint tout-à-fait à lui, il prit conscience de la merde dans laquelle il était plongé. Il tâchait tout de même de relativiser. Il fréquentait un bar clandestin, bon. Au pire, il risquerait d'être viré de la ville. Il n'y avait pas trop de poblème à cela : il n'aurait qu'à mettre les voiles pour Varkens avec Mala. D'ailleurs, où était-elle ? Avait-elle réussi à s'éclipser avant que les poulets ne débarquent ?
Un homme, probablement le chef de toute cette joyeuse bande de casseurs d'ambiance, s'approcha, une épée à la ceinture. Il lorgna chacun des captifs avec dédain.
"Tsst. Avec un peu moins de barouf, votre bar aurait pu tenir un peu plus longtemps."
Oliver songea à toutes ces fois où il avait beuglé pour célébrer ses victoires aux jeux. En y regardant de plus près, il connaissait bien cet homme. Quand il l'avait connu, il n'était pas encore chef de patrouille. C'était un pur-grizzly dont le beau-père était membre du Conseil. Une espèce de petit m'as-tu-vu qui pétait plus haut que son cul, selon Oliver. Jakob qu'il s'appelait. Ce dernier ordonna à sa troupe d'emmener tout ce petit monde aux cachots de la ville. Oliver fut soulagé de ne pas passer par la case 'torture'. Et il avait entendu dire qu'il était aisé de s'en enfuir si l'on était suffisamment petit pour cela. Il bénissait souvent sa forme animale, il fallait dire.
Les deux babouins qui le tenaient s'apprêtaient à partir avec lui à leur tour quand Jakob croisa le regard de Oliver. D'un mouvement de la main, il arrêta ses sous-fifres et se pencha vers ce petit homme au visage constellé de tâches de rousseur qui lui jetait des regards haineux. Jakob se mit à rire.
"Je te connais toi" dit-il.
"Mef. Je suis assez connu" lâcha Oliver en lançant un regard vers le ciel.
"C'est toi qui as organisé un combat de dindons clandestin dans la salle du Conseil."
Oliver haussa d'abord les sourcils, puis, se remémorant l'évènement, ne put s'empêcher d'éclater de rire.
"Oh ouais haha ! C'était mortel."
"Héhé, tu vois, je n'oublie jamais un visage. Ton nom c'est Oliver, c'est ça ?"
Son ton était amical. Il souriait de toutes ses dents de carnivore. Alors le rouquin ne put s'empêcher de partager son ton de la rigolade et de lui sourire à son tour.
"Ouep" répondit-il.
"Parfait, alors. Héhé... Déshabillez-le."
"Qu... ?!"
En deux temps trois mouvements, on lui arracha sa chemise, sous les regards interloqués et apeurés des derniers prisonniers qui restaient dans la salle. Habituellement, Oliver aimait bien ce genre de mise en scène, mais bizarrement, cette manière-là ne lui convint pas du tout. Il cria qu'on arrête. Mais c'est lorsque l'on le renversa au sol et que des paires de mains s'approchaient de ses chaussures qu'il se mit à hurler et à donner des coups à droite à gauche. Mais rien à faire, ses pieds apparurent à l'air libre. Jakob sourit de toutes ses dents.
"J'avais toujours eu un doute sur ta bonne foi, Oliver."
Lorsqu'à la vue de la corne noire à la plante de ses pieds le monde entier sut qu'il était hybride, Oliver sentit son intimité violée. Toute sa vie il avait réussi à cacher sa véritable identité. Toute sa vie il était parvenu à protéger l'intérieur de sa carapace, tout ce qui le rendait vulnérable au monde. Son cœur battait la chamade et il suait à grosses gouttes. Son visage autrefois si lumineux et enchanteur perdit toute couleur à mesure que les grilles du ghetto hybride s'approchait. Il était fini. C'était fini. Fini la vie de cocagne. Fini la vie de jouissance et de fête. Sa vie allait finir tout court. Il fut jeté dans la boue à l'entrée du quartier parqué, et les grilles se refermèrent derrière lui. Il se releva promptement, le visage dégoulinant de terre et de sang, et jeta un dernier regard vers sa liberté laissée derrière le portail du ghetto.

A SUIVRE
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyLun 8 Mar 2021 - 19:14

OH NON LE COMBAT DE DINDONS JE SUIS MORTE J'ADORE
En tout cas j'adore ! Ça s'annonce bien tout ça Laughing J'arrête pas de me dire qu'ils s'entendrait vachement bien avec Wade Elle court, elle court, la belette de Ewilem! 2741437346
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyMar 9 Mar 2021 - 21:52

MAIS OUI! J'ai pas arrêté de me dire ça quand j'ai fait sa présentation ! Il faudra absolument qu'ils se rencontrent  Elle court, elle court, la belette de Ewilem! 807832344
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyMer 10 Mar 2021 - 10:44

OUI ! Mais je suis persuadé qu'il aura envie de se taper le frère de sa meuf Elle court, elle court, la belette de Ewilem! 2056763096
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptySam 13 Mar 2021 - 23:25

Trois jours étaient passés. Trois horribles jours. Il ne se passait pas une minute sans que Oliver ne pense à sa jolie chambre perchée dans les hauteurs, sous le toit d'une énorme maison commune. Et où était-il à présent ? Il se le demandait bien !

Jamais il n'avait songé à quel point le ghetto des hybrides s'était différencié du reste des quartiers de Ewilem. La raison principale était que les palissades qui gardaient le lieu étaient si hautes et impénétrables qu'il était impossible de regarder ce qu'il se passait de l'autre côté. Les hybrides et les anomalies étaient tout bonnement enfermés entre des murs, dans une cellule où ils ne pouvaient se fier qu'à leur ouïe et leur odorat pour savoir ce qu'il se tramait à l'extérieur. Enfin, Oliver se rappelait bien de Ewilem et de ses beaux quartiers. Il se rappelait du joli duvet de neige qui recouvrait les rues, des échoppes fumantes et odorantes en hiver et des chalets du quartier de Fer. Ici, pas de neige. De la bouillasse. Pas d'échoppes, pas de boutiques, pas de taverne, seulement des bicoques plus misérables les unes que les autres qui puaient le torchis et la glaise. Et ça, c'était sans parler de ses habitants. Presque que des mendiants assis dos aux murs, des daronnes et leur portée serrée autour de leurs mollets, ou juste des vieux qui se tassaient dans leurs longs manteaux, s'ils en avaient un. Parfois, Oliver croisait un cadavre. Etendu sur le bas-côté, gelé, le visage bleu, mort de faim ou de froid. Ou même de maladie. Il avait entendu que le typhus circulait dans les foyers. Oliver n'avait jamais entendu parler de cette saloperie, mais à en voir la tronche du nom, cela devait être quelque chose de terrible. Alors il évitait les gens au visage un peu trop pâlot comme la peste pour éviter d'aggraver son cas.

Bien que le rouquin fût l'un des moins à plaindre dans le camp de la mort, puisqu'il était encore jeune et vigoureux, il maudissait cette vie, ces puristes qui l'avaient enfermé là, ce monde de merde. C'était bien la première fois de sa vie qu'il maudissait son existence. Mais il s'asseyait et regardait la plante de ses pieds en se demandant ce qui n'avait pas tourné rond. Que ce soit pour sa propre vie ou pour la politique dans ce putain de pays. C'était seulement maintenant, alors que l'on lui avait mis le nez dans la mouise qu'il avait pris conscience du détraquement de la Terre des Shapeshifters. Il avait revendu toutes ses babioles, sauf peut être son pendentif, pour se payer à manger. Il n'était même plus permis pour les prisonniers de sortir dans la forêt pour chasser. Alors bien sûr, certains craquaient. Ceux qui étaient là depuis des semaines, il voulait dire. Un chevreuil avait disparu. On n'avait retrouvé que ses os rongés au fin fond d'une ruelle.

Enfin, ce chevreuil, ce n'était pas le seul gaillard envolé de la circulation. Il n'y avait qu'un seul accès pour entrer et sortir du parc. Un grillage couvert de barbelés à l'Ouest du camp, constamment surveillé par la milice. Des purs y entraient parfois pour distribuer de la nourriture et de l'eau. C'était de bons gars qui s'inquiétaient pour les pauvres diables qu'ils étaient. Mais les autres ne voyaient pas cette porte comme le portail du paradis, au contraire. Pendant la nuit, il arrivait que des agents entrent et poursuivent les traînards dans les rues. Ceux-là, on les retrouvait au petit matin, égorgé ou poignardés.

Oliver avait beau faire le fier, l'impénétrable, le courageux qui gardait la tête haute, il ne pouvait s'empêcher de regarder cette porte avec terreur. Tous mouraient déjà à petit feu, mais cela ne devait pas être suffisant pour le combat puriste. Le jour viendrait où les soldats déferleraient sur le ghetto pour assassiner tout ce qu'il restait de la population non-pure de Ewilem. Et là, Oliver aurait beau nier sa forme chevaline, jamais il ne pourrait s'en sortir. Avant d'être arrivé là, jamais il n'avait accordé la moindre importance à la rébellion qui éclatait dans les autres villages. Jamais il n'avait rêvé à ce point qu'ils débarquent tous pour les sauver.




Ce matin-là, Oliver était emmitoufflé dans son manteau trop léger. Il approchait ses mains des flammes dans le brasero, avec trois ou quatre autres types. Tous grelottaient plus forts les uns que les autres. Le jeune homme tâchait de ne pas regarder les mains du gars à côté de lui, auxquelles il manquait deux doigts, tombés à cause du froid. Ils tapaient du pied pour faire circuler le sang et éviter de perdre des orteils en plus. Oliver se triturait l'esprit pour trouver une solution pour manger, quand soudain, une voix de vieillard l'interpela :

"Oliver c'est bien toi ?"

Le rouquin fit volte-face et soupira de soulagement en voyant pour la première fois en trois jours un visage familier. C'était Wohan, un vieil ours noir qui avait un jeu de carte terrible et en super état. C'était comme ça que les deux s'étaient rencontrés : autour d'une table à apprendre à jouer à la belotte. C'était un bon gars. Il était réglo et aidait toujours un camarade dans le besoin. Il habitait certes dans la bordure avant tout ce merdier, mais jamais Oliver n'aurait juré que ce vieil ours était hybride. Le garçon abandonna le brasero et s'approcha de lui. Enfin il avait une bonne raison de sourire.

"Si j'avais su que tu serais là-dedans..."
"Et toi alors ! Tu jurais à tout va que tu étais pur !"
Ria Wohan. "Comment diable t'ont-ils attrapé ?"
"Longue histoire", soupira Oliver.
"Allez viens, j'ai réussi à acheter un peu de lait à une biquette."

Oliver se lécha les lèvres une fois au chaud (enfin, c'était relatif) dans l'une des bicoques que Wohan partageait avec six autres shapeshifters, devant un petit verre fumant de lait de chèvre. Si bien qu'il n'attendit pas que son hôte soit servi pour se jeter sur sa part. Dieu que cette sensation lui fit du bien. Tout ce qu'il avait avalé en trois jours était de vieilles racines. Il soupira de contentement en reposant son verre, comme font les enfants lorsqu'ils ont fini leur assiette, et regarda son vieil ami. Wohan n'était déjà pas très beau à voir avant, avec sa grosse barbe noire et hirsute, mais ce jour-là, la disette l'y obligeant, c'était encore pire à regarder. Il était pâle comme un mort et traînait d'énormes valises sous ses yeux bruns. Enfin, Oliver ne s'était pas regardé dans la glace depuis longtemps, lui aussi devait faire peur.

"Depuis quand t'es là ?" Demanda Oliver.
"Bientôt un mois. J'étais dans le quartier qu'ils ont vidé en premier. Et toi ?"
"Trois jours."
"Tu tiens le coup ?"


Oliver haussa les épaules au lieu de se lamenter qu'il vivait un véritable calvaire, par peur de passer pour un sale môme pleurnichard devant un vétéran du camp. Il y eut un moment de flottement, durant lequel Oliver lapait le fond de son verre, et Wohan observait le garçon avec un intérêt particulier. Soudain, il se pencha vers l'avant et glissa à mi-voix :

"Dis-moi Oliver, tu es bien belette ?"


L'intéressé haussa les sourcils. C'était si difficile à deviner ? Il n'arrêtait pas de clamer sa fierté pour sa forme animale, sans parler de sa taille de lilliputien et de sa souplesse légendaire. Il hocha la tête d'un air suspicieux.

"Viens, ne parlons pas ici."

De plus en plus bizarre. Wohan lui attrapa la main et l'embarqua au fin fond d'une ruelle, où personne ne pouvait les entendre. En marchant, le visage de l'ours se tordait de douleur. Il se tenait le ventre comme s'il était à deux doigts de mettre bas.

"Ca va ?" S'inquiéta Oliver.

L'autre hocha la tête, le visage crispé.

"Mon état de santé importe peu. Ce qui compte, c'est ce que tu es prêt à faire pour sauver ta peau. Et celle de beaucoup d'autres."

Un frisson parcourut la poitrine de Oliver. Sauver sa peau ? Celle des autres ? De quoi parlait-il ? Avait-il un plan pour se barrer d'ici ? Mijotait-il quelque chose dans un laboratoire secret depuis ces deux mois ? Oliver se retint de l'attraper par le col et de le secouer comme un prunier.

"Je serais prêt à tout pour me faire la malle ! T'as un plan ? Dis-moi que t'as un plan ! Je veux pas finir ma vie dans ce trou !"
"Chht. Parle moins fort. Je vais tout t'expliquer. Mais avant, tu dois me promettre de tenir ta langue. Je sais que ce n'est pas ton fort, mais la vie de tous les habitants de ce ghetto en dépend."


Oliver soupira.

"Regarde-moi Wohan. Si j'ai réussi à cacher ma troisième forme toutes ces années, c'est bien parce que je sais garder un secret."
"Bien, alors ouvre grand tes oreilles."


Oliver ferma son clapet. Il ne fut jamais aussi attentif qu'à cet instant. Wohan commença :

"On n'est pas tous seuls ici. Il y a des gens, dehors, qui tendent l'oreille et qui veillent sur nous. Dans les marécages, dans les montagnes, et même ici dans la capitale. J'ai gardé de vieux rudiments d'écriture de quand j'étais jeune, et j'envoie des mots de l'autre côté pour des connaissances. Enfin tu vois ce que je veux dire. On prépare ça depuis des semaines. J'suis un vieil ours. Je passe pas inaperçu. Alors je cherche depuis quelques temps. Des gars fût-fût. Qui pourraient entrer dans le truc, tu vois. Mais je cherche des petits. Le plus petit qui a bien voulu, c'est un chat. Il est agile, mais peut être trop gros, il se fera voir. Alors que toi..."


Oliver comprit moins de la moitié de ce que lui déblatéra Wohan. Oliver se contenta de le regarder avec des yeux de merlan frit et espérant qu'il reprenne un discours clair et concis au bout d'un moment. Ce qui arriva au bout des explications :

"Bref Oli. On a besoin d'une belette suffisamment p'tiote pour se glisser sous les murs et faire le pont entre les taulards de Ewilem et les rebelles à l'extérieur."

Il avait dit ça d'une traite, à voix basse. Puis il releva la tête et jeta des regards furtifs autour de lui, comme un lapin pris dans un traquenard. Il devait prendre au pied de la lettre l'expression 'les murs ont des oreilles'. Mais leur seule compagnie pendant cette confession était la boue et les corbacs. Wohan tortilla ses mains, n'osant pas croiser le regard de son interlocuteur, puis il souffla :

"Je sais que cela paraît insensé. Complètement fou. Du suicide. Mais c'est peut être le seule moyen de..."
"J'vais le faire."
"Hein ?"


Wohan releva la tête et vit ce visage assuré d'un jeune gars plein d'espoir et d'assurance.

"Je vais l'faire. Si c'est le seul moyen de se tirer d'ici, j'vais le faire. Dis-moi où sont les planques où je peux passer, et..."
"Reste tranquille. Ce sera pas facile. Il va falloir que tu suives bien toutes les instructions."


Oliver se calma. C'est vrai qu'il avait accepté tout cela bien vite. Mais à l'entente du mot 'sortir', chaque recoin de son corps s'était emballé. Sortir, sortir, sortir... Sortir, c'était retrouver sa liberté, ne plus craindre d'être aligné face à un mur et avoir la carotide explosée. Sortir, c'était retrouver sa vie d'avant et ses plaisirs d'antan. Il était prêt à tout pour les retrouver.

"Alors voilà ce que tu vas faire..."




La nuit était noire. Une nuit sans lune. Le ciel était dégagé, et un froid glacial s'était abattu sur la ville. Ils étaient trois, Oliver, Wohan et un autre gars, au pied des remparts au-devant de la forêt de Ewilem. Oliver pouvait voir la lumière de braseros à l'extérieur qui éclairait les branches des arbres. Le garçon souffla dans ses mains, puis quitta tous ses habits un à un. Les deux autres le couvraient et suveillaient les alentours. Une fois complètement nu, Oliver se mit à grelotter et à frotter ses bras.

"Ne t'inquiète pas. Des alliés ont caché des vêtements dans la forêt." Lui murmura Wohan.

Oliver hocha la tête, puis revêtit sa peau de belette. Il aterrit aux pieds des deux hybrides, frêle et minuscule. Il capta très vite les sons de la marche des gardes au dehors. Son corps frissonna, l'adrénaline lui monta à la tête. Le gars avec eux s'accroupit et dégagea la neige qui avait recouvert un petit trou au pied du mur. Il le lui désigna. Oliver n'attendit pas une seconde de plus, et comme un serpent, il se faufila dans la cavité creusée dans le sol. La terre était presque aussi froide que la neige. Pire, elle était gelée. La belette eut la désagréable impression d'avancer dans de la roche. Mais au bout de quelques minutes, son nez capta enfin un vent froid. Il était dehors. Ses yeux nyctalopes perçurent les ombres et les mouvements des gardes. Un homme pour les armes, et un cabot pour le flair. L'adrénaline se inflitra chacune des artères de son corps, et son cœur s'affola. Attendant l'inattention des gardes autour de leur brasero, il mit une patte devant. Puis une autre. Puis la débandade. Silencieux comme une couleuvre sur du sable il coula sur la neige en ne laissant que d'infimes traces qu'il effaçait par les battements de sa queue. Il marchait, à la hâte, et pourtant, c'était comme si le temps était suspendu. Il n'y crut pas lorsqu'il atteint les premiers fourrés, signe qu'il était bel et bien sorti d'affaire. Une fois hors de la vue des gardes, sa première réaction fut de cavaler. L'adrénaline le saoûlait. Le vent de la liberté lui montait à la tête. Il ne pensait plus à rien si ce n'est cette forêt et cette neige fraîche et douce qui marquaient son retour à son état naturel.

Il allait partir, et ne plus jamais revenir.

Mais soudain, quelque chose en lui le fit freiner. Un craquage mental ? Que lui arrivait-il ? Il était libre ! Fini la vie de parasite dans le ghetto, il allait rejoindre Varkens et Mala. Oui mais... Mais il y avait des gens, derrière les murs. Des gens qui attendaient quelque chose de lui. En fait, il n'y avait pas songé, mais c'était bien la première fois que des gens attendaient quelque chose de lui. Qu'il soit le signe... D'un espoir ? Il se retourna vers la ville. Il avait parcouru une longue distance, elle était déjà loin. Mais même d'ici, c'était comme s'il arrivait encore à sentir l'odeur des cadavres des enfants morts de faim. Il dégluttit avec difficulté. C'était la première fois qu'il ressentait un poids sur les épaules.

"Eh ! Psssst... Par ici !"

Un long frisson parcourut le corps de la belette lorsqu'elle vit deux yeux jaunes la fixer dans l'obscurité. Il contint un cri qui aurait bien pu alerter les gardes, et se sentit minuscule lorsqu'un énorme lynx sortit des fourrés enneigés. D'un mouvement de tête, le félin, qui devait être au final un rebelle qui l'attendait, emmena Oliver avec lui. Il fit bien, car grâce à lui il trouva une souche dans laquelle étaient planqués des fringues. Oliver se transforma et les enfila à la hâte en grelottant.

"On te remercie mon frère, dit le lynx. Les belettes se font de plus en plus rares, mais elles sont les seules à être assez discrètes pour servir de messager entre les murs."
"Eh beh. Heureusement que j'étais là alors."


Le lynx montra les dents à l'entente de cet arrogant.

"On m'a dit qu't'étais un hybride qui se cachait parmi les purs avant de te faire gauler" ricana-t-il pour faire bonne figure.
"J'suis pas hybride" souffla froidement Oliver en enfilant les chaussures.
"Un gamin avec trois formes ? Ca r'ssemble vachement à un hybride quand même."
"Occupe-toi de ton cul un peu pour voir ?"


Maintenant que Oliver était sous forme humaine, si peu grand soit-il, il pouvait surplomber ce fouteur à merde cracheur de boules de poils. Jouer les héros en servant dans la rébellion ne lui donnait pas tous les droits. Surtout de se moquer de lui. Le lynx soupira. C'était pas un naïf ce félin, ça se voyait. Pour en avoir connu pas mal, c'était rarement des naïfs. Ils savaient lire dans la tête des gens ces cons-là. Et à en voir la tête pensive que tirait Oliver depuis qu'il avait repris forme humaine, il était évident que quelque chose n'allait pas chez ce fugitif couvé par les rebelles. Le lynx rôda autour de lui.

"Je sais ce que t'es en train de te dire. Tu te demandes si tu devrais pas te barrer. Là maintenant. Tous nous planter là pour aller mener ta vie tranquille dans un coin qui craint moins. Et ouais, au fond, je te comprendrais. T'es pas irremplaçable après tout. On prendra une hermine ou un furet pour faire le pigeon voyageur, et toi tu pourras te barrer et continuer de te voiler la face. Ils sont nombreux avant toi à avoir fait ça."

Oliver serra les poings. Il serrait si fort ses dents qu'elle grincèrent au point de lui faire mal. Le lynx continuait de rôder autour de lui en le provoquant, en provoquant son foutu instinct de fuyard qu'il avait hérité de la putain de troisième forme de son putain de géniteur. Soudain, le lynx s'arrêta et s'assit dans la neige. Il leva ses grands yeux jaunes vers le garçon, et soupira :

"Eh ben vas-y. Tire-toi. Fais en sorte que les gardes te chopent pas une deux..."
"Ferme-la tu veux ? Je le faire ton putain de pigeon voyageur."


Les oreilles du félin tressaillirent. Oliver se retourna vers lui et lui lança un regard de défi.

"On va le faire, détraquer ce putain de système."
FIN (et suite dans les prochains rps...)


Dernière édition par Elv le Lun 6 Déc 2021 - 22:16, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyDim 14 Mar 2021 - 21:11

Aaaaah j'ai hâte de voir la suiiiteuh ! En vrai j'aime trop le fait que tu développe cet aspect de la guerre. Parce qu'on connait les non-purs soldats mais pas les civils. Bien ouej Elle court, elle court, la belette de Ewilem! 807832344
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyDim 14 Mar 2021 - 23:33

Est-ce que je me suis inspirée du ghetto de Varsovie pour faire la description du camp? Nan. Pas du tout. Je vois pas DU TOUT ce qui vous fait dire ça.
Mais sinon merciiiiiii beaucoup!  Elle court, elle court, la belette de Ewilem! 579469711
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MessageSujet: Re: Elle court, elle court, la belette de Ewilem!   Elle court, elle court, la belette de Ewilem! EmptyDim 14 Mar 2021 - 23:50

J'y ai tellement pensé Elle court, elle court, la belette de Ewilem! 1993250082
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