Legend of Shapeshifters
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A falsis principiis proficisci
 
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 A contre-courant

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Ra' Aden
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Ra' Aden


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MessageSujet: A contre-courant   A contre-courant EmptySam 20 Nov 2021 - 22:19

A contre-courant
Wade




A contre-courant 910


Décembre 39


Sur une table en bois brut reposait un panier. L’objet en osier, de couleur claire, dénotait avec le reste de la pièce façonnée de pierres sombre. Deux yeux bleus d’enfant fixaient son tressage. Ils semblaient réfléchir. Un jeune garçon, pas plus de dix étés, était assis en tailleur, sur un grand canapé troué. Il avait l’air agité, la mâchoire serrée. Ses yeux ne se décollaient pas du panier, comme s’il allait se mettre à parler pour répondre à ses questions. L’enfant semblait peser le pour et le contre et le silence enveloppait la grande bâtisse. Puis soudain, il se jeta sur le panier. Il l’attrapa par la anse et sortit de la maison.
L’air était frais et l’enfant, peu couvert, grelottait de ce rude climat d’hiver. Quelques boucles brunes dépassaient du bonnet en laine qu’il avait vissé sur sa tête. A grandes enjambées, il traversa le village des montagnes. Assez petit pour son âge, il se faufila entre les passants qui ne faisaient plus attention à lui. Plus personne ne se retournait sur cet enfant au regard éteint et au visage sans espoir. Il s’arrêta enfin devant une maison. La neige se mit à tomber.
Rougie par le froid, une petite main frappa contre le bois massif de la porte. Un grand homme ouvrit et dut s’abaisser à la hauteur du gamin. L’expression de celui-ci changea du tout au tout. Il brandit joyeusement son panier, et tâcha d’allumer un éclat de sincérité dans ses yeux bleus.
« Bonjour monsieur, clama-t-il, vous auriez quelque chose à échanger contre du bois ? L’hiver est difficile cette année. »
Le bonhomme le regarda de haut en bas, puis sembla le reconnaître.
« Ah, c’est toi l’orphelin c’est ça ? »
Le petit hocha vivement la tête et l’homme lorgna ses brindilles, mouillées par la neige. La pitié s’empara de son cœur.
« Je peux te proposer de la viande. Faut que je regarde dans mes réserves. »
Le visage de l’enfant s’éclaira et il proposa aussitôt :
« Je peux rentrer ? Il fait froid dehors. »
L’homme soupira puis, en voyant la neige tomber, capitula une nouvelle fois. Il l’invita à le suivre d’un geste de la main. A l’intérieur, tous les sens de l’enfant se mirent en alerte. Son cœur se mit à palpiter, ses poumons se contracter, ses doigts s’agiter. Son regard balaya la pièce tandis que la panique commençait à le gagner. Une voix résonna soudain.
« Un jambon, ça te suffirait ? »
Le souffle court, le gamin fit un pas, tremblant. La silhouette de l’homme se découpait dans l’encadrement de la porte du cellier. Il fit glisser ce qu’il tenait dans sa manche et serra ses doigts autour. Lorsque l’homme, n’entendant pas de réponse, se pencha vers lui, l’enfant serra les dents et, le visage déformé par la terreur, envoya son bras aussi fort qu’il le put vers la gorge de l’adulte. Il ne put retenir un cri lorsque la lame perfora la chair.
L’homme se redressa, recula de plusieurs pas sous le coup de la douleur, tâtonnant pour extraire le poignard qui le vidait de son sang. Il s’écroula sur le sol devant la petite silhouette tremblante. Le cœur du garçon battait à tout rompre. Il ne prit pas le temps de constater la scène. Rapide comme l’éclair, il dévalisa les quelques placards qui étaient à sa hauteur et fila à l’extérieur.

« Et c’est tout ce que tu me rapportes Wade ? »
Un grand loup gris était assis sur une caisse, ses acolytes autour de lui. L’enfant, le corps toujours agité de tremblements, protesta, la tête néanmoins baissée.
« Je devais m’en débarrasser, pas voler ce qu’il y avait chez lui.
- Alors c’est que t’as pas encore compris comment on bosse ici. »

Il fit un signe de la tête et un de ses subordonnés arracha le panier des mains du petit.
« C’est à moi !
- A toi ?
Se moqua le loup. C’est mon panier et ce que t’as mis dedans, tu l'as volé. »
Le gamin se mit à sauter pour essayer de récupérer son butin.
« Mais rend le moi ! »
Les dents serrées, il tremblait de colère. Il se mit à crier.
« Jamais j’aurais dû bosser pour toi t’es qu’un sale enfoiré ! »
Mais il lâcha un cri étranglé lorsqu’on le saisit à la gorge. Le loup s’était transformé et le portait devant son visage. L’homme, d’âge mûr, aux cheveux filasses et ternes, planta son regard gris dans celui de Wade qui se débattait.
« Et toi rien. Une raclure des rues. »
Une larme roula sur la joue de l’enfant tandis que les acolytes du loup se jetaient des coups de coude en ricanant. Avec un petit sourire, l’homme reprit :
« C’est moi qui décide ce que tu fais, ce que tu gardes. N’oublie pas que sans ma générosité tu serais en train de bouffer les pissenlits par la racine.
- C’est pas vrai… »
Protesta-t-il d’une petite voix étranglée.
Il retomba au sol contre une pierre. L’autre le toisa.
« Allez dégage. J’aurais peut-être besoin de toi demain. »
L’enfant déguerpit, laissant ses maigres provisions.

Ce petit manège durait depuis l’automne. Wade était seul. Il habitait dans cette grande maison qui avait appartenu à ses parents, décédés alors qu’il n’avait que deux étés. Après cette tragédie, une femme du village s’était dévouée pour prendre soin de lui. Mais le sort s’était une fois de plus acharné et au septième hiver du tigron, la vieillesse avait emporté la nourrice. La solitude d’un aussi jeune garçon n’avait plus alerté personne. Jusqu’à cet automne.
Le petit étaits livré à lui-même, mais il ne passait pas inaperçu. Et encore moins sous sa forme animale. Langor, le grand loup gris, le mercenaire du Nord de Ragnok, avait repéré ses allers et venus. Il n’était pas idiot et savait saisir les opportunité. Lorsque ce petit atteindrait l’âge adulte, il pourrait lui être utile. Un fauve de cette stature, était préférable à ses côtés.
L’automne avait été rude cette année-là, et depuis son poste d’observation, Langor avait vu le corps du tigre s’amaigrir. Il était venu le trouver, lui proposant de la nourriture en échange de quelques services. Wade l’avait d’abord envoyé bouler, mais la faim lui creusant le ventre, il avait fini par revenir sur sa décision quelques temps plus tard.
Pourtant, ce que Langor lui avait fait commettre cette après-midi, n’avait encore jamais fait partie de ses missions. D’habitude, on l’envoyait chaparder à droite à gauche, délivrer des messages, mais ça… Wade ne pouvait s’enlever ces images de la tête.
Il était roulé en boule sur ce grand canapé, devant un petit feu qui crépitait dans la cheminée. Son pelage de tigre le protégeait tout juste du froid que laissait entrer les quelques brèches dans le mur. Mais de part son esprit d’enfant à l'innocence volée, il commençait à comprendre. Langor l’utilisait. Il avait l’air inoffensif, insoupçonnable. Et ce genre de services allaient continuer de se multiplier.

Le matin suivant, Wade traversait le village couvert de neige d’une humeur massacrante. Il était affamé, irrité par le peu que lui cédait Langor en dépit de ses efforts. Décidé, il se dirigeait vers le Nord lorsqu’une silhouette connue l’arrêta.
« Salut Wade comment ça va ? Je m’apprêtais à aller chasser, tu veux m’accompagner ? »
C’était Tara, une jeune puma qui avait toujours fait preuve de bienveillance à son égard. Elle devait le prendre en pitié.
« On partagerait la prise et je pourrais te montrer quelques techniques, poursuivit-elle.
- J’ai pas besoin d’aide ! » Cracha Wade, poursuivant son chemin.
Tara n’insista pas et le regarda disparaître dans les ruelles. Si Wade restait dépendant de Langor, c’était parce qu’en plus de l’ascendant du loup sur lui, il ne savait pas chasser. Il avait pourtant essayé, de nombreuses fois. Iil était mauvais, et jamais on ne lui avait appris les fondamentaux. Mais trop fier pour demander de l’aide, l’enfant préférait se jeter dans la gueule du loup.
Wade arriva enfin devant le périmètre de Langor. L’homme était installé à une table, comptant les prises qu’une renarde venait de lui ramener. Les poings serrés, Wade se posta devant lui, une lueur de défi au fond des yeux. Langor ne daigna même pas se tourner.
« Qu’est-ce que tu veux minus ? »
Porté par l’insolence et la faim, le garçon se grandit, leva le menton, puis répondit :
« Mon salaire.
- Rien que ça !
S’esclaffa Langor. T’as du cran pour un moucheron.
- Donne-moi ce que j’ai gagné ou tu me reverra plus jamais. »

Cette fois Langor lui fit face, un sourire naissant au coin de ses lèvres.
« Tiens. »
Un glaire s’écrasa à ses pieds. Wade le regarda un instant, les sourcils froncés, puis, sans perdre une seconde, il ramassa la pierre où avait atterri le crachat et l’envoya dans le visage de Langor. Alors que les acolytes du mercenaire soufflaient de stupeur, le garçon prit ses jambes à son cou. Le cœur au bord des lèvres, il entendit les insultes de Langor fuser.
« Attrapez-moi ce fils de pute ! »

Ventre à terre, Wade dérapa dans la neige. Il courait à en vomir ses poumons. Essoufflé, le garçon risqua un coup d’œil derrière lui. Un chien était sur ses talons. Rapide, il tourna dans une ruelle et sauta sur un tas de bois. Le canin glissa sur le sol verglacé mais Wade avait déjà escaladé la toiture. Il toisa son poursuivant à qui il accorda un joli doigt d’honneur avant de continuer sa course. La tôle résonnait sous ses pas et les cris de ses suiveurs le faisaient toujours plus forcer l’allure.
« Il est là ! »
Ses pulsations s'accélèrent. Wade fit volte-face. Une main agrippait le toit de la maison pour s’y hisser. L’enfant ravala un hoquet de peur et vira de direction. Il avisa la rue en contrebas et sauta pour tenter de rejoindre l’autre côté. Mais sa main frôla la tôle sans pouvoir l’attraper. Avec un cri de douleur, il percuta le sol gelé.
Sonné, il resta un instant étendu, à chercher son souffle. Tant bien que mal, il se mit sur ses jambes, titubant alors que trois des sbires de Langor arrivaient de l’autre côté de la rue. Wade essaya de se mettre à courir. Mais soudain, on lui attrapa le bras. Une main glissa devant sa bouche, et il disparut dans une ruelle. Il se mit à donner des coups dans le vide car, plongé dans la pénombre d’un cabanon, il était fermement ceinturé par l’arrière.
« Qu’est-ce que tu fous à faire affaire avec Langor ? T’es complètement malade ! »
On décolla alors la main de sa bouche et le petit hoqueta de surprise.
« Tara ?
- Je t’ai suivi Wade,
poursuivit-elle, le regard furieux. T’aurais pu me demander de t’aider au lieu d’aller te frotter à Langor ! »
La jeune femme blonde fronça les sourcils, le visage déformé par la rage et l’inquiétude. De mauvaise foi, Wade croisa les bras.
« J’ai besoin de personne.
- Ah je vois ça oui ! »
Ricana-t-elle.
Mais devant l’air boudeur du garçon et la bosse qui apparaissait sur son front, elle se radoucit.
« On va rester ici le temps que ça se calme. »

Lorsque le silence baigna à nouveau la rue, Wade et Tara sortirent du petit cabanon. Discrètement, ils rejoignirent la demeure du puma. Wade ne put s’empêcher de souffler de contentement lorsqu’il gagna enfin une maison correctement chauffée. Tara le fit s’asseoir à une table et lui flanqua un demi poulet entre les mains. L’enfant se mit à dévorer la viande sous le regard médusé de la chasseuse.
« Ça fait combien de temps que t’as pas mangé ?
- T’inquiètes, j’ai bouffé de la viande séchée hier soir.
- J’appelle pas ça un repas. »
Soupira-t-elle, croisant les bras.
Tara le détailla du regard et se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Elle avait de la peine pour ce jeune garçon, trop brisé pour accepter l’aide de quiconque. Elle avait respecté ses refus, mais n’avait jamais cessé de le surveiller du coin de l'œil. Et ce qu’elle observait depuis l’automne ne lui plaisait pas du tout.
« Wade, reprit-elle. Je sais que t’es trop fier pour accepter qu’on t’aide mais faut pas t’attirer des ennuis comme ça. Demain je t’emmène chasser et tu pourras te débrouiller sans cette enflure. T’es un tigre enfin, quand tu sera grand tu sera sûrement un des shapeshifters les plus puissants de cette ville. Tu vaut mieux que ça. »
Wade ne répondit rien, occupé à dévorer son repas, si bien qu’elle poursuivit.
« Je sais pas ce qu’il t’as fait faire mais ce type trempe dans des trucs pas nets, crois moi. »
Wade ne dit toujours rien mais un sourire nerveux naquit au coin de ses lèvres.
« Ah parce que ça te fait rire en plus ? C’est sérieux ce que je te dis. Traîne pas la bas, c’est dangereux.
- Ouais ouais.
- T’es vraiment un petit con. »

Mais cette remarque acheva de le faire rire. Wade lui accorda un grand sourire sincère comme il le faisait si peu souvent. Il laissa son rire gagner la pièce, un rire qui avait peu d’occasions d’éclater. C’était sa façon à lui de la remercier. Tara soupira avec un sourire puis lui ébouriffa les cheveux. Elle se fit la promesse silencieuse que plus jamais cet enfant ne se coucherai le ventre vide.


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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyDim 21 Nov 2021 - 0:15

Ah ouaaiis je pensais pas qu'il avait commencé à un âge aussi précoce  A contre-courant 1f62d 
D'ailleurs c'est vrai que je me pose des questions sur la psychologie de Wade et plus j'y pense, plus j'en convaincs qu'il est sociopathe  A contre-courant 2348422319
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyDim 21 Nov 2021 - 0:32

Je suis convaincue que si il avait eu des parents, ça aurait été quelqu'un de bien tongue
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyDim 21 Nov 2021 - 12:09

Mars 40

Le temps avait passé et le printemps s’était installé à Ragnok. L’apprentissage de Wade aux côtés de Tara avait été fructueux. Le jeune tigre s’était révélé un bien meilleur chasseur que prévu. Plutôt non. Au départ, il avait été très mauvais. Mais passé les premières séances désastreuses, il avait appris à une vitesse fulgurante et la jeune puma était ravie de voir son élève progresser.
Elle lui avait proposé de s’installer avec elle mais il avait refusé. Le petit était indépendant et trop fier pour accepter de l’aide à plein temps. Ce que Tara ne savait pas, c’était que Wade n’avait jamais coupé contact avec Langor.
La nuit suivant leur altercation, il avait reçu une visite. Mielleux au départ, lui exposant tout ce que Wade avait à gagner à rester à ses côtés, Langor avait rapidement perdu patience. L’enfant se montrait buté, insolent. C’est alors que les menaces fusèrent. Si Langor était réputé pour son audace, il était encore assez lâche pour s’en prendre à un enfant. Mais un enfant qui pouvait l’envoyer au cachot.
Ainsi, Wade jonglait entre les obligations des mercenaires, et les enseignements de la chasseuse. Il apprenait à plaire aux gens avec Tara puis de les tenir au creux de sa main avec Langor.
Mais ce jour-là, alors que les arbres se mettaient à fleurir, Wade remonta le Nord de Ragnok, soucieux. Le regard fuyant, il se posta devant Langor.
« Je ferais pas ce que tu me demandes. »
L’homme au visage creusé se détourna de l’aiguisage de son poignard. Il fronça ses sourcils gris et se tourna vers lui.
« Ah oui ? Et pourquoi ça ? »
Wade détourna fièrement le regard.
« J’ai pas envie. »
Langor retint un sifflement. Il posa son arme et fit un pas vers Wade.
« C’est trop facile ça. Il va me falloir une meilleure raison.
- J’ai pas envie de le faire. »
Souffla Wade.
Langor s’accroupit à sa hauteur, le regard venimeux. Wade n’osa pas l’affronter, la voix faible, il lâcha :
« J’aime pas. La dernière fois c’était ... bizarre. »
Langor le poignarda d’un sourire.
« Ah je vois ! T’as peur en fait. Petite merde. C’est pas bien compliqué ce que je te demande pourtant.
- Mais j’ai pas peur !
Repliqua Wade, l’ego meurtri. C’est juste que c’est sale. C’est carrément crade et j’aime pas ça.
- Oh, on a peur de se salir les mains ? Susurra Langor. Un tigre qui a peur du sang, on aura tout vu. »

Il éclata de rire et saisit le menton du petit entre ses doigts crasseux. L’enfant se débattit mais Langor resserra sa poigne. Il le fixa de ses petits yeux ternes.
« C’est de la viande Wade. De la putain de viande. »
Wade frémit lorsque le souffle chaud du prédateur lui caressa le visage.
« Que ce soit le porc que t’as découpé ce matin, ou le type que tu croises tous les jours dans la rue. C’est la même chose. De la viande. Alors rentre toi ça dans le crâne. »
Son visage se tordit en un affreux sourire.
« De toute façon, tu finiras par crever toi aussi. Comme moi. Comme ces gars que je te demande de buter. Ça arrive juste un peu plus tôt. Et d’une façon moins agréable. »
Wade serra les dents et se débattit, les yeux rouges. Langor le lâcha finalement.
« Arrête de gémir et prouve moi que j’ai eu raison de te garder ici. Je t’ai rendu service en te donnant une deuxième chance. Parce que Wade, crois moi, si tu fais pas ce que je dis c’est même pas te tuer que je vais te faire. »
L’enfant recula lorsque le regard du mercenaire s’assombrit.
« Non, je vais te traquer. Te ronger. Tu n’oseras plus sortir de chez toi, et lorsque tu tomberas enfin entre mes griffes… Tu me supplieras de t’achever. Alors prends ton petit panier, et va buter ce gars. »
L’enfant fit demi-tour sans demander son reste, la boule au ventre. Hors de portée Langor, il s’arrêta, la respiration sifflante. Inlassablement, il se répétait cette phrase. C’est de la viande, c’est de la viande.


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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyLun 22 Nov 2021 - 20:00

Aaaah oui je comprends avec le chapitre que tu viens de poster  A contre-courant 1226419053 tu veux dire que Wade est devenu ce qu'il est aujourd'hui par la façon dont il a été éduqué et qui il a fréquenté dans son enfance  A contre-courant 1369532758
Très intéressants ces éclairages sur son enfance!
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyMar 23 Nov 2021 - 20:04

Voui c'est ça !
Ben écoute j'avais jamais eu envie de le faire mais finalement ça me permet moi aussi de mieux cerner son personnage Laughing
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyMer 24 Nov 2021 - 15:18

Aout 42

«… car l’union fait la force, et c’est ainsi que les premiers shapeshifters bâtirent la cité que nous appelons aujourd’hui Ewilem. »
Les oreilles de Wade s’agitèrent tandis qu’autour de lui s’élevaient les murmures impressionnés de la foule. Après une partie de chasse en montagne, il avait croisé ce conteur et, curieux, s’était arrêté pour l’écouter. Depuis qu’il ne fréquentait plus uniquement la périphérie de la ville, un tout nouveau monde s’était offert à lui.
Personne n’avait jamais bercé son enfance d’histoires, de récits et de contes. Après la mort de ses parents, la vieille femme qui s’était occupée de lui le nourrissait et chauffait sa maison, mais rien de plus. Elle n’avait pas eu une posture d’éducatrice. Wade découvrait donc, à l’âge de treize étés, qu’il adorait les histoires.
Il pouvait passer ses journées à se balader dans les rues, à écouter les plus âgés raconter leur jeunesse, les carnivores leurs parties de chasse et les artistes leurs fictions. Mais ce qu’il préférait, c’était les récits des voyageurs. Il avait toujours eu envie de sortir de Ragnok, aller voir ailleurs. Et tout ce qu’il entendait flattait son imagination. Mais les touristes qui s’aventuraient jusqu’à l’Est étaient rares.

L’histoire terminée, les gens commencèrent à s’éloigner.
« C’était… intéressant. Je savais pas que les derniers humains avaient participé à la naissance d’Ewilem. » Fit une voix à ses côtés.
C’était Iris, une petite brune au regard pétillant qui depuis quelques mois, s’était mise à le suivre comme son ombre. Aussitôt qu’elle l’avait vu revenir de sa chasse, elle s’était empressé de s’asseoir avec lui pour écouter la leçon d’histoire. Soudain, elle eut une mine dégoûtée.
« Tu devrais t’en occuper je crois. »
Wade baissa les yeux. A sa gauche, gisait la carcasse d’un énorme cerf. C’était son trophée de chasse, sa prise de la matinée. Mais distrait par le conteur, il avait lâché son gibier qui, sous le soleil de l’été, avait commencé à attirer les mouches. Lacérée et sanguinolente, la bête aurait fait tourner de l'œil plus d’un herbivore. Il fronça le museau.
« ‘Faut croire.
- C’est à Vala que tu devrais l’amener,
fit Iris, pleine d’entrain. La boucherie est…
- Je sais. »
Coupa Wade.
Le regard noir, il se mit sur ses pattes, visiblement agacé.
« J’ai pas besoin que tu me dises quoi faire. » Renchérit-il.
La petite brune ravala un soupir mais suivit le tigre qui se mit à traîner sa prise. Iris n’abandonnait jamais. Nullement dissuadée par son air terrible, elle reprit :
« Je peux peut-être t’accompagner. »
Wade poussa un grognement, utilisant l’excuse de la carcasse pour ne pas lui adresser un mot. Iris mit ses mains dans son dos, ses yeux parcourant la rue.
« Si tu veux, je peux t’aider à le tirer. »
Cette fois-ci, Wade lâcha son cerf. Le cadavre retomba dans la boue, sur les pieds de la jeune fille qui, malgré elle, lâcha une exclamation dégoutée. Impudent, d’un ton presque cruel, le tigre feula :
« Et bah vas-y ! Fous tes mains dedans. J’regarde. »
La dépouille écorchée fit blêmir Iris, qui, du sang sur les pieds, n’osa plus faire un geste. Wade leva les yeux au ciel.
« Tous les mêmes ces herbivores, siffla-t-il.
- Attends Wade je..
- Tu peux pas me foutre la paix ? Je te sonnerai quand j’aurais envie de te voir. »

Et il repartit en traînant sa carcasse, plantant la jeune fille au beau milieu de la rue. Malheureusement, cette scène était loin d’être inédite, car Wade ne faisait jamais d’effort quant à son comportement.

Plus tard, sous les lueurs orangées du soleil du soir, Wade, sous forme humaine, était assis sur une table, dans le quartier des mercenaires. Il attendait. Enfin, la silhouette maigre de Langor apparue.
« T’es en retard. » Lâcha Wade.
Du haut de sa table, il toisait le prédateur. C’était un petit stratagème qu’il adorait mettre en place pour l’obliger à lever les yeux lorsqu’il s’adressait à lui.
« Wade, siffla ce dernier, secouant la tête. Tu m’a bien foutu dans la merde. »
Le jeune homme aux boucles brunes se redressa et croisa les bras.
« Je te l’ai déjà dit, je bosse en solo.
- Si je t’ai mis du renfort c’était pour une raison. Tu pouvais pas faire ce boulot tout seul. »

Un sourire creusa la joue du garçon. Insolent, il haussa un sourcil.
« Et pourtant. »
Le loup s’esclaffa et grimpa sur une caisse pour se mettre à sa hauteur. Les crocs jaunis du canidé luisaient derrière ses babines découvertes.
« Je dois admettre que tu te débrouilles pas trop mal pour un gosse. »
Wade sursauta et son front se plissa. Langor s’esclaffa, ne se lassant jamais de jouer avec la susceptibilité du garçon.
« En tout cas p’tit con, poursuivit-il, crocs découverts. On ligote pas sa collègue dans un placard.
- Je te l’ai déjà dit. Je bosse solo. »
Se défendit Wade, une teinte de fierté au fond des yeux.
Mais Langor se mit à grogner.
« C’est pas toi qui décide. Je peux pas me permettre de me mettre un clan à dos, donc les bavures ça suffit.
- Alors t’as qu’à arrêter de me coller des abrutis dans les pattes. »

Les deux se toisèrent quelques instants du regard, l’un insolent, l’autre excédé. Langor laissa échapper un sifflement.
« Je t’aime bien Wade. Ça fait un moment qu’on bosse ensemble, mais t’as le don de me taper sur les nerfs. »
Le compliment flatta visiblement l’importun.
« C’est mes conditions, se gaussa-t-il. De toute façon je suis plus doué que tout le monde ici. »
Langor demeura un instant stupéfait puis finit par sauter de la caisse.
« Très bien, comme vous voulez, votre altesse. Mais c’est pas à moi qu’il faudra se plaindre quand ça va mal tourner.
- Ça n’arrivera pas. »


Le soir tombait, et Wade avait regagné le centre-ville du Ragnok. Mains dans les poches, il suivait le chant des grillons. Il s’arrêta devant une maison aux fenêtres éclairées et poussa la porte. Tara le salua avec entrain, occupée à faire rôtir du gibier. Avec un immense soupir, il se laissa tomber sur le banc devant la table.
« J’ai même pas le droit à un bonjour ? Railla-t-elle.
- Je t’ai déjà vu ce matin, maugréa Wade, la tête dans les bras.
- Certes mais la politesse c’est pas ton fort. »

Wade grommela quelque chose d’inaudible et elle reporta son attention sur sa marmite. Son visage s’assombrit pourtant.
« J’ai croisé Iris tout à l’heure. En train de pleurer. »
Avec effarement, Tara le vit hausser les épaules.
«Et ? » Siffla-t-il.
Elle fit un pas vers lui, perplexe.
« T’as pas une petite idée de pourquoi ?
- Elle passe son temps à chialer !
- Wade !
- Tara c’est pas mes affaires ! Je m’en fous. »

Elle se retint de lui envoyer sa spatule à la figure. Les bras croisés, furieuse, elle s’approcha de lui.
« C’est ton problème puisque c’est toi qui la mène en bateau. Le monde ne tourne pas autour de toi, tu ne peux pas lui faire subir tes humeurs comme tu le fais. »
Mais insolent, un petit sourire vint éclairer le visage de Wade.
« Au moins je lui apprends la vie. »

Cette fois-ci, la spatule vola. Wade se baissa de justesse mais avant qu’il ne s’offusque, Tara hurla :
« Mais redescend sur terre ! »
Wade la défia du regard, mais tenace, elle se pencha vers lui.
« Si tu ne l’apprécie pas, tu devrais arrêter de la voir. Tu la fais souffrir, elle est amoureuse de toi ça crève les yeux. »
Wade croisa les bras. C’était justement ce paramètre qui rendait le jeu intéressant. Pourquoi l’ignorer quand elle l’admirait et lui pardonnait tous ses écarts de comportement ? Narquois, au comble de l’arrogance, il rit :
« Tu sais quoi ? Ça lui rendra service le jour où elle apprendra à me dire merde toute seule sans avoir besoin de venir pleurer dans tes bras. C’est son problème, pas le mien. »
Tara resta bouche bée, scandalisée de l’entendre proférer de telles horreurs.
« J’y crois pas. »
En vérité, l’éthique de Wade l’inquiétait. Il était de bonne compagnie, charmant, drôle, mais parfois, ses raisonnements pouvaient se révéler plutôt dérangeants. Il était seul depuis sa plus tendre enfance, habitué à ne compter que sur lui-même ou à se servir des autres. Mais toutes les excuses du monde ne sauraient pardonner un tel comportement.
Alors, Tara essayait tant bien que mal de rectifier le tir. Wade et elles partagent leurs repas ensemble, ils évoluaient comme une famille à la seule différence que leurs foyers étaient séparés. Mais il était sans doute déjà trop tard.


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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyVen 26 Nov 2021 - 17:56

Hahaha là je le reconnais le tigrounet  Cool
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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptyVen 26 Nov 2021 - 18:44

Le palier sale gosse est franchi Laughing
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MessageSujet: Re: A contre-courant   A contre-courant EmptySam 27 Nov 2021 - 13:47

Aout 44


Les vents chauds de la belle saison soufflaient sur les monts de Ragnok. L’été approchait, le quinzième du jeune tigre qui arpentait les quartiers Nord, fier au milieu de ces ruelles sales et poisseuses. Le repaire des mercenaires qui, quelques années auparavant le terrifiait, lui semblait désormais d’un ridicule accablant. Mais Wade continuait de s’y enfoncer, enchaîné à Langor.
Le tigre trouva enfin la ruelle où il retrouvait son précepteur depuis des années. Mais rien. Pas une trace du mercenaire. Et ce depuis plusieurs semaines. Wade soupira. Il avait complété une tâche depuis un moment déjà. Chaque jour, il venait ici afin d’espérer toucher sa prime.
Une renarde montra les crocs à son approche. Elle était elle aussi sous les ordres de Langor, et ne l’avait jamais apprécié. Mais, le voyant prêt à s’en aller, elle s’approcha de lui.
« Tu cherches Langor ? »
Wade hocha la tête. La renarde sembla hésiter, mal à l’aise. Elle fit un pas en direction de la sortie et lâcha seulement :
« Il est mort. La grippe. »
Wade se figea. Mort ? Il n’avait jamais été capable d’identifier l’âge de Langor, trop abîmé par la vie. Naïvement, il s’était convaincu que le loup avait encore de nombreuses années devant lui. Il était mort. Et d’une fin si miséreuse. Une épidémie de fièvre ravageait Ragnok depuis l’hiver. Les corps s’étaient entassés sans qu’on ait le temps de les enterrer. Et Langor devait désormais lui aussi attendre son tour.
Wade resta planté dans la boue. La mort de Langor signifiait pour lui la fin d’une ère. Ses missions étaient terminées, il était délivré de son joug. Un étrange sentiment lui gonfla la poitrine. Il était libre. Plus rien ne l’enchainait à Langor. Pourtant, il ne réussit à s’en sentir satisfait.

« Hé crache tes microbes ailleurs ! »
Attablé chez Tara, Wade écarta son assiette lorsqu’elle se tordit dans une quinte de toux. Le calme revenu, il reposa son plat et leva un sourcil.
« Tu tousses beaucoup en ce moment non ? »
En vérité, il n’y avait jamais fait attention. Seulement, la disparition brutale de Langor l’avait amené à réfléchir.
« Depuis quand tu te préoccupe de ma santé toi ? Ricana la jeune puma.
- Depuis que tu me nourris. Tu te rends compte ? Si tu crèves, je vais mourir de faim moi.
- Affreux. »

Il fronça un instant les sourcils en observant Tara. L’épidémie avait terrassé Langor, mais il était vieux et affaibli. Tara ne devait avoir qu’une dizaine d’étés de plus que Wade. Le coeur battant, il osa :
« Tu penses pas que c’est…
- Non,
trancha-t-elle. Je vais très bien Wade, occupe-toi de tes affaires comme tu le fais si bien d’habitude. »
Wade haussa les sourcils et se renfonça contre le dossier de sa chaise. Visiblement irritée, Tara se remit à manger sans un mot. Tout en débarrassant les plats, il ne put s’empêcher d’observer Tara. Son front était luisant de sueur et ce matin, à la chasse, il l’avait trouvé particulièrement lente. Elle tentait de le lui cacher mais il avait bien vu qu’elle s’épuisait vite et soufflait sous l’effort. Il reporta son attention sur les plats, pensif.

Malheureusement, la santé de Tara ne s’était pas arrangée avec le temps. Elle qui n’avait jamais manqué une partie de chasse auparavant, cumulait les absences Le regard soucieux, Wade traversa la ville, un lapin sous le bras. Rapidement, il entendit des petits pas s’avancer à sa hauteur.
« Comment va Tara ? »
C’était Iris, inquiète pour la jeune puma qui lui témoignait toujours de la sympathie. L’épidémie commençait à s’estomper dans la ville des montagnes, et Tara avait le mérite de résister depuis bien longtemps. Mais Wade ne se berçait pas d’illusions. Il haussa les épaules.
« Comme d’hab. »
Iris les laissa, lui et son air maussade regagner la maison de la malade. Wade poussa la porte sans même frapper.
« Allez debout sac à morve, clama-t-il. C’est l’heure de bouffer ! »
Mais à l’intérieur seule la pénombre lui répondit. Il lâcha un sifflement rageur.
« C’est pas vrai, ça t’arrive d’ouvrir tes fenêtres ? »
L’odeur pestilentielle de la maladie avait gangrené toute la maison. Mais toujours pas de réponse. Wade s’avança dans la pièce et déposa le lapin sur la table. Il s’approcha du lit. Tara était bien là, recroquevillée sous les couvertures. La gorge serrée, il lui saisit l’épaule.
« Hé ! Tara ! »
Sous sa main, son corps n’opposait aucune résistance. Il se mit à secouer plus fort et soudain, la tête de la jeune femme se mit à bouger. Elle cligna des yeux quelques instants, éblouie par la lumière de la porte ouverte.
« Quoi ? » Articula-t-elle, la voix rauque.
Wade souffla de soulagement. Mais peu désireux de lui montrer que sa situation l’affectait, il ricana :
« Comment ça quoi ? On est en pleine après-midi et t’es encore en train de dormir. »
Un rayon de lumières éclaira le visage de Tara. Elle était blafarde, ne sortant plus que par nécessité, condamnée par la fièvre à rester aliter. Ses mèches blondes collaient à sa peau moite et brûlante. Wade retira sa main de son épaule, poisseuse de sueur. Tara se retourna, retrouvant le couvert de ses draps, ignorant sa pique. Quelque chose se serra dans la poitrine de Wade. Elle lui répondait toujours.
Anxieux, il s’assit calmement sur le bord du lit.
« T’as besoin de quelque chose ? »
Après un silence, elle lâcha seulement :
« Oui. Je veux que tu ailles me chercher des linaigrettes. Il en pousse sur le plateau de la pinède.
- Des fleurs ?
Se défendit Wade. Mais qu’est-ce que tu va fo…
- Ne discute pas et vas-y. »
Le coupa sèchement Tara.
Son ton était si sévère, rendu cassant par la fatigue et sa respiration difficile. Un rire nerveux monta au creux de la gorge de l’adolescent.
« Hé la fièvre te fait délirer. L’aller retour va me prendre la journée et ‘faut que tu manges al...
- Wade. Vas-y. »

Il resta quelques instants sans bouger, enveloppé par la pénombre de la pièce. Tara ne bougeait plus, tremblante de froid alors que la chaleur tuait les récoltes au dehors. Jamais elle ne lui avait parlé de cette manière. Il faillit refuser, compte tenu de la bizarrerie de la demande. Mais il lui avait lui-même proposé.
Alors, il capitula. Haussant les épaules, il s’éloigna du lit et rassembla ses affaires. Mais avant de franchir la porte, il entendit Tara le rappeler.
« Wade ? »
Sur le seuil, à mi-chemin entre l’ombre et la lumière, il se stoppa. Le silence se fit, et puis soudain, d’une voix douce, Tara lâcha :
« Je suis fière de toi. »
Un sourire incertain lui illumina le visage. Il ne comprit que bien plus tard le véritable sens de cette déclaration.

Le soleil du soir étendait ses teintes chaleureuses sur les maisons de pierre de Ragnok. La chaleur retombait et le village s’animait. Une fête se tenait sur la place ce soir-là.  Les lanternes s’allumaient, les instruments s’accordaient et pourtant, Wade évita soigneusement l’agitation. Le sac rempli de fleurs blanches et les mains ensanglantées d’en avoir arraché toute l’après-midi,  il préparait ses reproches. Sous le soleil accablant de l’été, il avait dû cheminer de longues heures avant d’atteindre le dit plateau et pouvoir remplir son sac. Il était éreinté, sale, les mains esquintées, de mauvaise humeur, et il devait encore s’occuper de Tara. Il était sûr d’une chose : elle n’échapperait pas à ses foudres.
Son pied enfonça furieusement la porte de la maison et il lâcha avec humeur :
« C’est bon ! Je les ai tes putains de fleurs ! »
Mais encore une fois, seul le silence lui répondit.
« Tara ! Debout, tu peux pas pioncer toute la journée. » Fit-il, exaspéré.
Il balança son sac sur la table, butant sur sa prise du début de l’après-midi. A tatons dans la pénombre, il s’approcha du lit et cette fois, secoua la silhouette sans ménagement. Mais sous ses doigts, les draps étaient secs, froids. Et la silhouette en dessous figée. Il tira sur l’épaule de Tara pour la mettre sur le dos et c’est lorsqu’il croisa son regard vide qu’il comprit qu’elle était déjà partie depuis longtemps.
Wade se laissa tomber sur une chaise, incapable de détacher son regard de la dépouille. Elle l’avait envoyé en montagne, le plus loin possible, pour pouvoir mourir en paix au fond de son lit. Wade ne sut poser de mots sur ce qu’il ressentit. Il s’y refusa. Rapidement, il se mit debout, et pragmatique, prit le chemin de l'hôpital. Le corps de Tara ne pouvait reposer ici éternellement. Il récupéra son sac et referma la porte derrière lui, jetant un dernier regard à la jeune femme qui l’avait élevé.

Les couloirs du centre médical de Ragnok étaient vides ce soir-là, les shapeshifters occupés à la fête. Wade était assis dans ce couloir sombre, écoutant les murmures de la foule joyeuse. Plusieurs médecins passèrent devant lui, mais il attendit de trouver celle qui avait suivi Tara pendant sa maladie. Dans sa blouse blanche, elle s’arrêta devant lui avec un sourire.
« Tara est morte, fit Wade sans détour. Je viens vous voir pour que vous puissiez vous occuper du corps. »
La médecin hocha la tête, enfermée dans son masque de neutralité. Calmement, elle lui dit :
« Je m’en occuperais. On lui organisera un hommage demain. »
Wade se retint de lever les yeux au ciel. Tara était morte. Ressasser ses souvenirs ne changerait rien à sa situation. Il allait s’en aller lorsque la médecin sembla réfléchir à voix haute.
« Il va falloir que j’envoie quelqu’un chercher des linaigrettes. Elle m’avait confié vouloir être enterrée avec. »
Wade soupira mais ne put empêcher un discret sourire d’illuminer son visage. Elle l’avait bien eu. Il détacha son sac de ses épaules et l’ouvrit.
« Pas besoin. »
La médecin eut un petit sourire.
« Je vois. Toujours aussi maline. Elle m’avait dit qu’elle aurait aimé que tu t’en charge mais elle savait bien que tu ne trouvais aucun intérêt aux cérémonies post-mortem. On dirait qu’elle a trouvé le moyen. »
Wade secoua la tête, impressionné par ce dernier tour qu’elle lui avait joué. Il confia le contenu de son sac au médecin et prit la direction de la sortie. Mais des fleurs plein les bras, la médecin le rappela.
« Wade. Elle était vraiment fière de ce que tu es devenue. Tu es le petit frère qu’elle n’a jamais eu. Elle voulait que tu le saches. »
Wade s’arrêta. Il hocha la tête et reprit sa route.

La fête battait son plein sur la place lorsque Wade traversa les rues. L’esprit fourmillant de pensées, il arriva devant chez lui. Depuis longtemps, une seule idée avait agité ses sens. Il voulait voir le monde. Ragnok était le village le plus reculé, et après quinze années, il avait l’impression d’y étouffer. Langor et désormais Tara. Plus rien ne le retenait ici. Alors, dans la pénombre, il alluma une bougie et jeta son sac à ses pieds. Ce soir, il quittait Ragnok pour de bon.
Toutes ces années il avait réussi à faire tenir cette maison debout. Ce devait être un foyer chaleureux et spacieux. Du temps de ses parents du moins. Il prit le temps de détailler ses murs de pierre, sa mezzanine avec son couchage, sa cheminée, ses volets cassés. Ces murs l’avaient vu grandir, l’avaient vu affamé, seul, miséreux, puis tourmenté, écoeuré et enfin détaché et arrogant. Le temps avait passé et ses instants ici touchaient à leur fin.
Au hasard, Wade fourra quelques vêtements dans son sac. Il n’oublia pas ses quelques armes, léguées par Tara et Langor. Puis il s’arrêta là. Sa vie ne se résumait à rien d’autre. Il se refusait encore à penser à la perte de Tara, obnubilé par le vertige du voyage. Avec un sursaut, il hissa son sac sur ses épaules et un sourire impatient lui illumina le visage. Il n’arrivait pas à croire qu’enfin, il quittait sa prison de verdure.
Sous le clair de lune, il claqua la porte et s’engagea vers la route de l’Ouest. Ses mains tremblaient, son cœur bondissait dans sa poitrine. Mais sous cette couche d’excitation, vibrait le chagrin, encore trop frais pour répandre sa torpeur.  Pour l’instant, il n’avait qu’un mot en tête : Ewilem. La capitale, c’était le catalyseur de tous ses rêves, tout ce dont il avait toujours rêvé. La douceur de la liberté lui fit tourner la tête. Sa vie lui appartenait et il était grand temps de s’en emparer.


Dernière édition par Ra' Aden le Ven 14 Avr 2023 - 10:47, édité 5 fois
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