A contre-courant

« Dégage de là, t’es trop jeune pour siphonner mes tonneaux de sève. »
Jeté comme un malpropre d’un énième bar, Wade atterrit le nez dans la poussière de la capitale. Le regard assassin, il se redressa et épousseta ses vêtements. Il n’y séjournait que depuis quelques jours mais il pouvait affirmer sans peine que les bars d’Ewilem étaient bien moins accessibles que ceux de Ragnok. Du haut de ses quinze étés, bombant le torse, il se préparait à envoyer paître le tavernier lorsque une voix claire s’éleva derrière lui.
« Pas de chance. »
Wade se retourna et ses yeux se posèrent sur la silhouette d’un garçon de son âge. Quelques mèches de cheveux noirs et raides tombaient devant ses yeux.
« T’inquiètes pas, moi non plus ils me laissent pas rentrer. »
Wade ne put retenir un sourire devant celui que l’autre lui accordait. Il avait un éclat de gentillesse au fond de ses yeux noirs, dont la forme allongée faisait disparaître le pli de la paupière.
« C’est n’importe quoi, reprit Wade, retrouvant sa mauvaise foi. Je pensais qu’ils étaient plus ouverts que ça à la capitale.
- Oh t’es un voyageur alors. Je m’appelle Seon.
- Wade. J’ viens de l’Est. »
Il détacha son regard de l’inconnu lorsque celui-ci l’invita à faire quelques pas dans la rue.
« Ragnok ? C’est pas tout près dis-donc, reprit Seon. T’as de la chance, y aurait pas moyen que mes parents me laissent voyager jusque là. »
Wade fourra ses mains dans ses poches et un timide sourire vint éclairer son visage.
« J’en ai pas, c’est un problème en moins. »
Du coin de l'œil, il épia la réaction de Seon. C’était souvent à ce moment-là que les gens viraient vers la gêne et se confondaient en excuses. Mais contre toute attente, Seon souffla d’amusement.
« Je vois. Pratique on va dire. »
Wade rit franchement, ravi de se trouver en si bonne compagnie. Autour d’eux, éclairées par le soleil de l’été, les rues grouillaient de vie. Ewilem était bien plus grande que Ragnok, plus singulière. Wade profita d’avoir mis la main sur un ewilemien sympathique pour le questionner.
« Alors, à part toi aussi te faire jeter des bars, tu fais quoi de tes journées ?
- Pas grand chose, fit Seon, chassant les mèches sur son front. Je suis censé rester chez moi et étudier. Je dois lire, calculer, apprendre des principes et l’utilisation d’objets. Mais comme mes parents bossent toute la journée, ils n’ont aucun moyen de savoir que je préfère me balader. »
Le regard de Wade se mit soudain à pétiller.
« Lire ? Incroyable ! Ragnok c’est un trou d'illettrés. »
Seon se mit à rire et Wade se coula devant lui, la mine radieuse.
« Tu m’apprendrais ?
- Mais avec plaisir ! »
Wade lui accorda un sourire éclatant et Seon reprit, un éclat de malice au fond des yeux.
« Mais en attendant je peux te montrer la ville. Enfin, si monsieur veut bien m’accorder l’honneur de sa compagnie.
- Ça devrait se négocier. » Minauda Wade.
Et sous le vent chaud de l’été, ils s’éloignèrent tous deux à l’assaut de la capitale.

***

La fin de la belle saison approchait. Les rayons du soleil de l’après-midi étiraient des ombres dans la clairière, et une brise chaude agitait les branches encore vertes. Seon était adossé contre un hêtre, un livre sur les genoux. Plus loin, à plat ventre dans l’herbe, Wade se battait avec ces signes gravés sur le papier blanc qui ne formaient encore qu’un brumeux brouhaha. Seon lui avait appris les rudiments de la lecture et l’obligeait maintenant à s'exercer. Mais de rage, il jeta l’ouvrage sur le sol.
« Rah j’y comprends rien !
- Hé, rala Seon, quittant son propre roman des yeux. Attention avec ça, c’est précieux ! »
Wade grommela une excuse et se redressa, étirant ses poings vers le ciel. L’automne étendait petit à petit ses couleurs mais le temps était plus clément qu’à l’Est du territoire. Il fit quelques pas, laissant le soleil nimber sa peau de reflets dorés. Ses yeux se posèrent sur Seon qui avait repris sa lecture.
« Je comprends pas que tu puisses passer tes journées à lire, ricana-t-il, secouant la tête. Ça me fait fumer le cerveau. »
Seon rit avec douceur.
« T’inquiètes pas, ça viendra. »
Wade prit soudain une mine renfrognée et Seon le taquina d’un regard. En l’espace d’une lune, il avait très vite intégré qu’il pouvait s’amuser de l’ego de son nouvel ami. Depuis cette rencontre dans les rues d’Ewilem, ils ne s’étaient plus quittés. Ils n’avaient tous les deux pas grand chose à faire, si ce n’était découvrir la vie. Alors, partageant les mêmes envies, ils avaient toujours une idée farfelue, quelque chose à expérimenter et une aventure à vivre. Quelques jours auparavant, ils s’étaient introduits dans les réserves du quartier de l'Arnialuk, finissant leur escapade dans les rues, à fuir les gardes.
Wade savourait sa nouvelle vie. Plus le temps passait, plus il laissait Seon y entrer. Il n’avait jamais partagé autant de choses avec quelqu’un, et encore moins si vite. Mais ce sentiment le rendait si vivant. Il trépignait de le voir, n’attendait que de lui partager ses nouvelles idées, ses prochaines envies. Et pour son plus grand plaisir, Seon cette envie était partagée.
Wade soupira de contentement et se laissa tomber à côté du garçon. Seon lui accorda un sourire avant de replonger dans son ouvrage. Un sourire mauvais éclaira le visage de Wade. Il ferma brusquement le livre avant de l’arracher des mains de Seon.
« Mais ! Ma page ! Je sais pas à quelle page j’étais ! Protesta le jeune homme, offusqué.
- Désolé mais tu me donnes pas toute l’attention que je mérite. »
Seon leva les yeux au ciel.
« Si tu finis pas sénateur avec un ego pareil... »
Wade prit une mine suffisante qui arracha un rire à son ami. Seon resta un instant à le regarder, souriant avec une grande douceur.
« Quoi ? J’ai de la salade entre les dents ? Fit Wade, avec un air tout aussi ravi.
- Non débile. Je me disais juste que je t’aimais bien. T’es différent. »
Le sourire de Wade ne put être davantage radieux. Il ne put s’empêcher de surenchérir.
« Je sais. C’est souvent l’effet que je fais.
- Quand on est poli on dit merci toi aussi. » Maugréa Seon, sourcils haussés.
Wade reporta innocemment son attention sur le ciel, haussant les épaules.
« Oh Wade ! S’exclama soudain Seon. Tes chevilles ! Elles se mettent à gonfler à vue d’œil ! C’est terrible. »
Par vengeance, Wade coinça la tête de son ami avec son coude. Les deux garçons se chamaillèrent quelques instants, roulant dans l’herbe teintée d’or par les rayons du soleil. Rieurs, ils se redressèrent et Wade tendit sa main vers Seon pour l’aider à se lever.
« Le soir va pas tarder à tomber. Y a un concert dans l’Amarok et j’aimerais pas le rater.
- Alors allons-y ! » Fit Seon, ramassant ses livres puis attrapant sa main tendue
Mais toujours d’humeur joueuse, Wade resserra sa poigne et avec un petit sourire, tira le jeune homme vers lui.
« Qui a dit que t’étais invité ?
- Mais tu t’arrêtes jamais ! »
Son regard se planta dans celui de Wade et leur hilarité s’effaça soudain. Wade se perdit dans ces iris sombres et son cœur se mit à battre plus fort. Il n’avait jamais envisagé l’idée qui lui vint naturellement à l’esprit. Il n’avait jamais appréhendé son ami à travers cette possibilité. N’écoutant plus que cette flamme dans sa poitrine, il attira Seon plus près encore. Sa main se glissa dans sa nuque et il se pencha pour l’embrasser. Une telle douceur lui sembla interdite.
Lorsqu’il recula, Seon lui sourit, les joues rosies. Mais Wade fit soudain un pas en arrière, les yeux écarquillés.
« Pardon. Je... Je sais pas ce qu’il m’a pris. »
Seon laissa échapper un soupir amusé.
« Oh arrête, tu savais très bien que ça allait arriver un jour ou l’autre.
- Non non, fit Wade, perdu. Je t’assure. Pour moi t’es un pote. »
Seon leva un sourcil, dubitatif.
« Tu te jettes sur tes potes pour les embrasser toi ? »
Wade demeura perplexe, les yeux fixés sur le sol de la forêt. Devant le calme si peu habituel de son ami, Seon devint sérieux.
« Attends. Tu veux dire que je suis le premier garçon que t’embrasses ? »
Wade laissa le vent agiter les branches. Il osa enfin rencontrer le regard de son ami.
« Ouais. »
Cette fois-ci, c’est Seon qui devint muet. Il se mit soudain à rire.
« Hé bah bienvenue au club. T’auras sûrement jamais de descendance.
- Attends, le coupa Wade. J’aime les filles aussi ! Je le sais, je pensais juste pas pouvoir apprécier les garçons de cette façon là.
- Hé fais pas cette tête c’est pas si grave. » Sourit Seon.
Il haussa les épaules.
« T’es pas obligé de choisir, c’est bien d’aimer tout le monde. »
Désireux de changer de sujet, Wade secoua la tête et leva les yeux vers le ciel.
« Allez grouille toi ou on va vraiment le rater ce concert. »
Pourtant, ce sentiment nouveau ne sembla pas le tourmenter puisqu’il attrapa la main de Seon pour l’emmener vers Ewilem.

***

Le temps avait passé, et l’automne avec. Les branches nues des arbres se ployaient au gré du vent et les premières gelées nocturnes figeaient le paysage. Pourtant, Wade était aussi rayonnant que le ciel d’été. Seon ne quittait jamais ses pensées. Il trouvait un second souffle à ses côtés, un élan qui le poussait à ressentir avec plus d’intensité. Mais, même s’il ne se passait pas une journée sans que les deux garçons ne se rencontrent, Wade n’avait jamais quitté ses mauvaises habitudes.
Ce soir-là, sous la lueur des étoiles, il était perché sur un toit au beau milieu du quartier du minotaure. Attentif et silencieux, il observait une silhouette. Lorsque Wade avait rejoint la capitale, il avait rapidement trouvé de quoi remplir sa bourse. En s’enfonçant dans les bons quartiers, il avait retrouvé plusieurs anciens contacts de Langor.
Il n’avait pas renoué avec ses démons de gaieté de cœur. Seulement, en son âme et conscience, il ne connaissait pas d’autre travail à sa portée. Il ne savait rien faire d’autre.
La cible se mit à bouger. Silencieux comme une ombre, Wade se mit à la suivre. Le minotaure méritait sa réputation de quartier défavorisé et il dut faire particulièrement attention en se faufilant sur les toits. L’homme que suivait Wade, aussi grand que large, tourna en direction de la grande avenue qui rejoignait le centre-ville. Le garçon se maudit intérieurement. Son client avait été clair : il avait jusqu’à l’aube pour descendre cet homme.
En vérité Wade avait eu beaucoup de temps. Mais, n’ayant que Seon en tête, il avait repoussé son contrat jusqu’à son échéance pour passer tout son temps en sa compagnie.  Aujourd’hui encore, il l’avait quitté lorsque le soleil avait décliné derrière l’horizon.
Il descendit se fondre dans la foule lorsque sa cible atteignit l’Amarok. Les mains moites, il progressait dans la rue, guettant la moindre ouverture. Soudain, l’homme tourna dans une impasse derrière un bar. Le cœur battant, Wade vira lui aussi de bord et reprit son chemin sur les toits. Il soupira de soulagement. L’endroit était exigu, engoncé entre des façades, loin des regards indiscrets. Il n’aurait plus une si belle occasion.
Sur le qui-vive, il dégaina un poignard et sauta du toit. De tout son poids, il atterrit sur le dos de sa cible. Mais l’homme avait l’ouïe fine. Il bondit sur le côté et déséquilibra Wade qui roula sur le sol. Sa tête heurta le mur et il papillonna quelques instants des yeux avant de se redresser, arme à la main. En face, sa cible eut un rictus suffisant. Petit pour son âge, Wade ne ferait jamais le poids au corps à corps. Mais arrogant, le jeune homme lui rendit son regard. Son adversaire ricana et frappa trois coups contre la porte du bar.
« Les gars, on a de la visite. »
La porte s’ouvrit et quatre types, de la même constitution que leur camarade, firent face au jeune mercenaire. Le visage de Wade se décomposa. Il ravala bien vite ses prétentions et pour une fois, préféra la survie à la dignité. Il bondit en direction de la rue.
« Chopez-le ! »
Le cœur battant à tout rompre, il dérapa hors de l’impasse et bouscula les passants en se jetant dans l’avenue. Il était certes petit, mais il était agile. Wade glissa entre les passants, slalomant entre les plus grosses formes animales qui ne daignaient s’écarter. Il jeta soudain un regard en arrière et se mit à sourire. Il gagnait du terrain. Mais brusquement, ses jambes cessèrent d’agripper le sol et il se retrouva contre les pavés, le crâne douloureux. Son regard rencontra d’abord des sabots martelant furieusement les pavés, puis des pommes de terre éparpillées dans la rue.
« Hé tocard ! Respecte un peu les gens qui bossent ! »
Un cheval était penché sur lui, les naseaux fumants. Il venait de le percuter et ainsi répandre sa cargaison dans la rue. Haletant, Wade jeta un coup d'œil en arrière. Son regard passa rapidement des pommes de terre au cheval, puis à ses cinq poursuivants. Une nouvelle fois, c’est son instinct qui prit le dessus.
Wade sauta sur ses pieds et saisit une tubercule. Accroupi et embusqué derrière les passants, il jeta son arme à la figure d’un de ses poursuivants. Lorsque le projectile s’écrasa sur la face de l’homme, Wade en avait déjà lancé trois autres. Sous les cris du cheval et des mercenaires, les pommes de terre se mirent à pleuvoir. Wade reprit sa course lorsque les dents du cheval claquèrent à quelques centimètres du col de sa veste.
Hors d’haleine, il déboucha sur la place du marché. Il zigzagua entre les stands, pensant semer ses poursuivants. Puis, les jambes douloureuses, il prit la direction du quartier de fer. Son souffle le brûlait. Mais devant lui, parmi les passants, une silhouette connue se détacha.
« Seon ! »
Perplexe, le jeune homme balbutia :
« Wade qu’est-ce qu…
- J’suis dans la merde faut que tu me caches ! » S’agita Wade, hors d’haleine, le front brillant de sueur.
Seon fronça les sourcils. Wade avait posé ses mains sur ses épaules, mais, au bras de son amant, était attaché un poignard. Wade le pressa du regard et il renonça à comprendre.  Il lui attrapa finalement le bras et se mit à courir vers le Nord.
Ensemble, ils dévalèrent les rues du quartier de Fer à la lumière des torches. A mesure qu’ils s’éloignaient du centre-ville, les avenues se vidaient et le brouhaha se murait en murmure. Certains passants dérangés se retournaient sur ces deux étranges adolescents qui couraient à en perdre haleine. Soudain, Seon s’arrêta devant un cabanon. Il prit appui sur un muret et se hissa sur le toit de l’abri. Confiant, Wade l’imita. Seon avait déjà agrippé la branche d’un chêne voisin et tâtonnait jusqu’à une fenêtre. Il poussa l’ouverture du pied et disparu dans l’habitation. A bout de forces, Wade s’efforça de le suivre et atterrit avec moins de grâce à l’intérieur. Agile, Seon referma derrière lui et se laissa tomber sur un lit, hors haletant. Wade s’étendit sur le sol et se mit à rire. Il se mit à regarder autour de lui. C’était une jolie pièce sobre et bien rangée. En plus du lit, il y avait un petit bureau et une étagère avec quelques livres et des bibelots. Ses yeux s’agrandirent de surprise.
«  Wah mais c’est ta cham… »
Il ne put que marmonner la fin, bâillonné par Seon qui s’était jeté sur lui. Ce dernier serra les dents lorsqu’une voix masculine retentit depuis le rez-de chaussé.
« Seon ? C’est toi ? »
Essuyant son front d’un revers de main, il haussa la voix.
« Oui Papa, je euh... me suis cogné contre mon bureau. »
Il y eut un petit silence pendant lequel Seon fusilla Wade du regard.
« Le dîner est presque prêt. » Reprit la voix.
Seon retomba sur son lit, le teint livide. Wade gloussa, cette fois silencieusement. Il se mit debout et parcourut la pièce du regard, très intéressé.
« Sympa la baraque, chuchota-t-il.
- Si tu fais du bruit je t’étrangle. »
Devant le regard sévère de Seon, Wade fit mine de cadenasser sa bouche. Seon sembla se détendre.
« Je vais descendre manger, lâcha-t-il. Tu peux rester ici mais tu touches à rien.  Et pas de bruit. Je reviens vite. »
Wade hocha la tête et Seon quitta la pièce.

Lorsque le jeune homme revint, il trouva Wade, à plat ventre sur son lit, une pile de livre en désordre sur le sol.
« Je t’avais dit de toucher à rien, siffla Seon, se massant les tempes.
- Oh, pardon. »
Mais la lueur de malice au fond de ses yeux le trahit. Il prit une pose dramatique.
« Il fallait que je comble le vide de ton absence. »
Seon leva les yeux au ciel et s’assit à côté de lui.
« Tu vas m'expliquer ? Je te laisse et une heure plus tard tu te fais courser dans les rues. Et c’est quoi cette arme sur ton bras ? »
Wade lui décrocha un grand sourire.
« Je te fascine hein ? Je sais, j’suis tellement mystérieux. »
Il battit des cils mais ses bêtises, qui habituellement faisaient rire Seon, ne lui arrachèrent même pas l’ombre d’un sourire. Il semblait préoccupé.
« Wade c’est pas drôle. Je te pose une vrai question. »
Mais complètement ailleurs avec la retombée de l’adrénaline, Wade n’avait pas le moins du monde envie de se lancer dans des discussions sérieuses. Il attrapa Seon par la taille, plongeant dans ses iris sombres.
« T’as pas envie de parler d’autre chose ? »
Un timide sourire se dessina sur le visage de Seon.
« C’est du chantage.
- Peut-être. » Fit Wade, honnête.
Mais la moralité de Seon sembla l’abandonner lorsqu’il se hissa vers Wade pour l’embrasser. Il le sentit sourire contre ses lèvres.
« De ne pas parler du tout alors. » Murmura Wade.
Mais Seon lui coupa l’envie d’ajouter une remarque de plus lorsque ses baisers descendirent vers sa nuque.

Merci merci Je me tâte quant à son avenir à ce p'tit Seon parce que si il est resté à Ewilem, il est soit mort soit rebelle x) Et ce serait chelou qu'il ait pas croisé Wade après si il bosse au conseil

Haha désolée   Mais ça donne quelques explications sur son comportement de chameau

Bonsoir ! *roulement de tambour* ceci est une très légère modification dans l'histoire de Wade et Seon. J'ai édité le dernier paragraphe et voilà un joli pavé pour compléter  



Décembre 44

« Wade, je voulais te parler d’un truc. »
Seon ferma brusquement le livre qu’il était en train de lire. Les deux garçons s’étaient donné rendez-vous sur la butte qui surplombait Ewilem. A force d’entrainement, Wade commençait maintenant à pouvoir déchiffrer des ouvrages plus pointus que Seon lui apportait. Concentré sur son propre livre, adossé au tronc d’un chêne, il leva paresseusement les yeux vers lui.
« T’es censé m’apprendre à lire, pas me déconcentrer. »
Mais sa mauvaise foi fit sourire Seon qui se coula devant lui, sa silhouette se découpant devant le soleil fade de l’hiver.
« Justement, c’est lié.
- Quoi, tu veux m’emmener dans une librairie ? Ricana Wade. Oh en vrai, entre deux rayons de bouquins poussiéreux on pourrait…
- Non il n’est pas question de ça. » Trancha Seon, écourtant sa remarque lubrique.
Devant son sérieux apparent, Wade posa son livre et se tint attentif. Seon s’assit devant lui. Le vent écarta une mèche devant ses yeux où brillait un éclat de témérité.
« J’ai découvert quelque chose, commença-t-il. C’est un truc qui… enfin qui peut changer notre société je pense. »
Wade haussa un sourcil et se mit à ricaner.
« Comment changer l’eau en sève ?
- Wade c’est sérieux, coupa Seon, irrité. Je te parle d’une chose encore jamais découverte par les shapeshifters. Un échantillon de ce que les humains appelaient la technologie. »
Son regard s’était mis à briller. Il sondait le visage de son compagnon, avec envie et espoir. Mais bien loin de ces grandes préoccupations, Wade haussa les épaules, peu emballé.
« Et donc ? Elle est où cette fameuse découverte ?
- C’est là que ça se complique. »
Seon inspira et se redressa. Il se livrait enfin sur cette affaire qui accaparait ses pensées.
« Mes parents travaillent pour le conseil. Ils sont scientifiques. Disons que c’est à eux qu’on confie les objets importants trouvés dans les ruines. Et récemment, il y en a un qui a été confisqué. Il n’est même pas passé dans les mains de mes parents. Le conseil a décrété qu’il devait être mis sous clé, et gardé secret. »
Wade sembla enfin s’intéresser à la nouvelle. Plus sérieux, il lâcha :
« Dangereux ?
- Oui. J’ai surpris mes parents en parler. C’est un petit boitier noir avec une espèce d’antenne et des boutons.
- Ça n’a rien d’incroyable ton tr…
- Et ça produit des sons. »
Cette fois, Wade demeura muet. Le vent se leva autour d’eux et Seon frissonna.
« Pas comme un instrument de musique. Ces bruits qui en sortent, c’est un espèce de grésillement. Ce n’est pas… organique. Je n’ai pas compris toutes leurs explications. Mais ce que je sais, c’est que c’est la seule trace tangible de la technologie des humains.
- C’est ce qui les a menés à leur perte. »
Wade avait les sourcils froncés et son regard s’était assombri.
« Je sais, souffla Seon. Mais imagine tout ce qu’on pourrait découvrir ! Ce qui pourrait changer ? Nous ne sommes pas les humains, peut-être pourrions-nous l’utiliser plus intelligemment plus…
Mais il s’arrêta lorsque Wade ricana d’un rire rauque. Comme un prédateur, il se pencha vers Seon.
« Tu veux le voler. »
Son visage à quelques centimètres du sien, Seon demeura silencieux. Wade haussa un sourcil et se recula, un éclat mesquin dans les iris.
« Je ne suis pas assez qualifié pour en tirer quoi que ce soit, lâcha finalement Seon. Mais, peut-être qu’un jour je rencontrais quelqu’un qui le sera. On ne peut pas laisser croupir une telle découverte dans les sous-sols d’Ewilem !
- Et tes parents ? Ils pourraient le décrypter non ? »
Seon secoua la tête.
« Wade je me destine à être milicien. Ce que je veux faire est passible d’exécution. Tu es le seul à qui je peux en parler. »
Wade resta muet, une fois de plus, mais un petit sourire vint vite éclairer son visage.
« Un plan fou donc.
- Oui, sourit Seon. Je ne peux pas te forcer à accepter, c’est dangereux, même si je suis préparé le risque zéro n’existe pas et…
- Comme me cacher sans savoir qui en avait après moi ? »
Seon écarquilla les yeux. Il souffla d’amusement.
« C’est vrai. Tu m’en dois une. »
Wade se redressa, le sourire aux lèvres. Devant eux s’étendait Ewilem, tâche de couleur dans ce paysage hivernale.
« Je suis partant. » Lâcha-t-il.
Le regard de Seon se mit à scintiller. Il se leva d’un bond, souriant, prêt à le couvrir de remerciement. Mais pragmatique, Wade réfléchit à voix haute.
« Ça va être autre chose que les entrepôts de l’Arnialuk ! Il va falloir être bien préparés et avoir un bon moyen de diversion.
- J’ai un plan. » Avoua Seon, déterminé.
Le sourire de Wade s’étendit. Cette facette de Seon le surprenait agréablement. Derrière une mèche de cheveux noir, iI déclara :
« On va faire ça le soir du Solstice. »

***

A Ewilem, tous se préparaient pour la nuit la plus longue de l’année. Seul ou en groupe, on sortait dans les rues, prêt à profiter de l'événement annuel. On rejoignait les braseros sur les places, les bars et les endroits perchés pour mieux observer le ciel. Mais à contre-courant, deux ombres filaient entre les façades. Ce soir, Seon et Wade ne prendraient pas part au lâcher de lanterne. Pour illuminer cette longue obscurité, des centaines de lumières, guidées par leurs flammes, s’élèveraient au-dessus d’Ewilem. Ce soir, lorsque tous auraient les yeux rivés vers le ciel, ils entreraient dans la salle du Conseil.
Des Kirins, ils remontèrent vers Arion, longeant les arbres nus. Avec une pointe d’envie, Wade songea que les rues de l’Amarok devaient être bondées de fêtards. Mais ce qu’il avait à faire ici était d’autant plus intéressant. Si l’idée de se risquer dans un tel endroit ne l’avait d’abord pas séduite, l’interdit l’avait finalement saisi. C’était une occasion qui ne se représenterait sûrement jamais. Fouler le sol de la salle du Conseil était un honneur, peu de shapeshifters pouvaient s’en vanter. Et d’autant plus dans les sous-sol gardés.
Seon, qui ouvrait la marche, se retourna furtivement pour lui adresser un sourire. Wade ne l’avait jamais vu à l'œuvre. En le découvrant ainsi serpenter entre les bâtiments, il eut la certitude que Seon était fait pour le métier auquel il se destinait.
Sous les acclamations de la foule et le lâcher des premières lanternes, les deux garçons atteignirent le bosquet et les grilles qui marquaient l’entrée du lieu diplomatique. Wade s’arrêta un instant, le nez en l’air, regardant les lueurs qui commençaient à s’élever. Seon l’attrapa par la manche.
« Viens. »
Deux gardes étaient postés de part et d'autre des grilles, les yeux rivés vers le ciel eux aussi. Seon se glissa à couvert d’un taillis et commença l'ascension d’un chêne. Wade ne put retenir un sourire. Jusqu’ici, il n’avait pas cru Seon capable d’un tel délit. Issu d’une bonne famille, destiné à un avenir prometteur, il avait bien plus à perdre. Mais sa soif de vérité ne semblait jamais se tarir. D’un mouvement souple, Seon atterri de l’autre côté des grilles et alerte, balaya la zone du regard. Le lieu était calme, et les lanternes continuaient de s’élever sous les joyeuses clameurs du public. Il fit alors signe à Wade.

Le vent de la victoire galvanisait les deux garçons. Leur plan se déroulait à merveille. Peu à peu, ils se laissèrent gagner par l’euphorie. Ils pénétrèrent dans le hall du lieu de pouvoir, majestueux. Wade ne put s’empêcher de lâcher un sifflement d’admiration. Les carreaux clairs qui parsemaient l’entrée avaient sans nul doute été récupérés dans les ruines. Le plafond s’élevait si haut que dans l’obscurité, Wade ne pouvait apercevoir sa fin. Sur le crépitement des torches, Seon, trop concentré sur sa tâche pour s’extasier, attrapa Wade par la main en direction de l’aile Est.
Comme prévu, peu de gardes patrouillaient ce soir-là. À tâtons, Seon et Wade rampèrent à travers les couloirs, longeant les grilles des différentes salles. Seon avait dessiné un trajet précis, se basant sur les paroles volées et les ouvrages qu’il avait récolté de ses parents. A l’angle d’un couloir, il se stoppa brusquement. Devant eux trônait un petit escalier, gardé par des grilles, qui disparaissait vers les sous-sol. Mais malheureusement, devant ladite salle, se tenait un garde armé. Seon retint un juron. Wade, avec un petit sourire, lui posa la main sur l’épaule. Il sortit de sa poche une pierre et la lança à l’opposé de leur cachette. Peu convaincu par un stratégème si idiot, Seon le fusilla du regard. Pourtant, le garde resserra sa poigne sur son arme et s’éloigna vers la source du bruit.
Les deux garçons fondirent sur la grille. Anxieux, Seon se tint alerte, prêt à courir en cas de retour précipité. Les mains agitées, Wade sortit un crochet de sa poche.
« Dépêche-toi ! Chuchota Seon
- Si tu me gueule dessus je risque pas d’y arriver ! »
Seon se fit violence pour ne pas respirer bruyamment. Wade, l’air sérieux et le front plissé, fit bouger son crochet dans la serrure. Par chance, les cadenas de shapeshifters étaient souvent plutôt mauvais. Il laissa échapper un soupir de soulagement lorsque la serrure émit un cliquetis et que la porte s’ouvrit. Sans un bruit, ils s’engouffrèrent dans l’escalier.

C’était un sous-sol sale et poussiéreux, d’où s'échappait une forte odeur d’humidité. Immense, la pièce était recouverte de caisses et d’étagères où étaient entreposés un tas d’objets. Seon resta un instant sur le seuil, ébahi. Ses mains tremblaient et son esprit essayait de briser l’illusion. Mais tout ceci était bien réel. Il se trouvait bien dans l’antichambre de la civilisation perdue, parmi les reliques des hommes et leur technologie antique.
Il fit un pas dans la pièce. Ici, étaient cachés des objets jugés dangereux pour la communauté. C’étaient autant de trouvailles que la science des shapeshifters ne permettait pas de décrypter. Combien d'autres objets, en plus de son boîtier, étaient ici, décisifs pour leur avenir ?
« Magne toi. Faut pas rester longtemps ici. »
Pragmatique, Wade longeait les murs à la recherche d’une issue de secours. Comme sorti de sa torpeur, Seon hocha vivement la tête et se lança à la recherche de sa découverte.
« Il y a un accès par ici, fit soudain Wade. Il mène aux anciens égouts. »
Seon hocha la tête, distrait. Car dissimulé dans un coin de la pièce, dans une petite caisse scellée, se trouvait le boîtier.
C’était lui, il en était certain. A l’intérieur de ces planches de bois enchaînées au mur, s’élevait un grésillement incertain. Seon en demeura pétrifié.
Soudain, des pas retentirent dans l’escalier. Wade jura. Rapide, il s’élança vers Seon, et le plaqua derrière une étagère. Seon eut un mouvement vers sa découverte mais Wade le tint fermement contre lui. Côte à côte, ils retinrent leurs respirations.
Le garde, alerté par la grille ouverte, avait atteint le sous-sol. Il s’avança dans la pièce, les mains serrées sur son arme. Le cœur battant, les deux garçons se tinrent immobile. Les pas du garde résonnèrent contre les murs de pierre. Il avançait vers eux.
Brusquement, Wade quitta leur abri et se jeta sur le garde. Seon demeura paralysé, le regard rivé sur les deux combattants. Par effet de surprise, Wade sembla prendre le dessus, essayant de frapper le garde à la tête. Mais le milicien le dépassait en stature. La situation se renversa brutalement.
Sorti de sa paralysie, Seon dégaina sa dague et bondit hors de l’abri. Le cœur battant, il s’approcha des deux adversaires. Wade parvint à frapper le garde avec son genou. Seon profita de son mouvement de recul. Il l’immobilisa contre le sol, son arme pointée sur sa poitrine. Mais son sang se figea dans ses veines. Le garde avait saisi Wade à la gorge, son épée appuyée contre sa carotide.
« Recule où je le tue ! » Beugla le garde.
Seon sentit ses mains trembler. Il n’entendit pas tout de suite ce que lui criait Wade, étouffé par le rugissement de son sang.
« Vas y ! Fais le ! » Hurlait Wade.
Son cri se mua en gémissement lorsque pour le faire taire, le garde lui entailla le cou. La peur de Seon devint une frénésie. Animé par la rage, il s’élança vers le garde, visant le cœur. La chair gémit lorsque l’arme perfora les tissus.

Dans un bruit sourd, le cadavre s’écrasa contre le sol. Wade se dégagea rapidement, une main sur son cou sanguinolent. Il ne put retenir ses grimaces de douleur, hébété par sa vision devenue trouble. L'arme de Seon tomba au sol. Il se tenait droit, les yeux exorbités, la respiration sifflante. Sur ses traits dansait une horreur glaçante.
« Qu'est ce que j'ai fait ? »
Wade bondit vers lui et posa ses mains sanglantes sur ses épaules. Il chercha son regard.
« Seon. C'était lui ou moi. Tu m'as sauvé. »
Mais le regard du garçon rencontra le sien. Il se mit à trembler. Terrorisé, Seon secoua la tête et se débattit, à bout de souffle.
« C’est toi. C’est à cause de toi. »
Un vacarme retentit dans les marches. La lutte avait attiré les renforts. Wade réagit très vite. Il poussa Seon vers l’issu qu’il avait repéré plus tôt, luttant contre les étoiles qui dansaient devant ses yeux. C’était une brèche dans le mur, un conduit en hauteur. Son sang se mit à goutter contre la pierre poisseuse du sous-sol. Avec un effort colossal, il secoua Seon.
« Monte ! »
Mut par un instinct primaire, Seon bougea. Il s'agrippa à Wade qui l’aida tant bien que mal à se hisser vers la brèche. Depuis l’issu, il vit un torrent de gardes se déverser depuis les escaliers. L’épouvante le prit à la gorge. Wade lui jeta un regard pressé, son visage lui aussi déformé par la peur.
« Fais moi monter ! Qu’est-ce que t’attends ! »
Seon resta un instant sidéré. Sur le visage de Wade, il ne vit que le sang de l’homme qu’il avait tué. Assombri, il détourna le regard.
« Je suis désolé. »
Et poursuivi par les cris de Wade,  il disparut dans le conduit.

***

Figée par l’hiver, la forêt n’offrait aucun abri. Après le solstice, les jours s’étaient succédé. Combien ? Seon était incapable de les dénombrer. Il venait quotidiennement dans cette forêt, ne supportant plus la capitale étouffante. Inapte à lire, il restait adossé contre un hêtre, perdu dans ses pensées. Mais à cet instant, les sous-bois lui parurent étrangement calmes.
Sans végétation pour la cacher, la silhouette d’un tigre se découpa entre le squelette des arbres. Sans bruit, elle se glissa sur le tapis de feuilles mortes. Du sang souillait encore sa gorge. Seon se redressa d’un bond, le cœur au bord des lèvres.
Wade s'arrêta au bout de la clairière, à une distance suffisante de lui. Il s’assit calmement, dans une attitude non offensive. Pourtant, le jeune homme se mit à frissonner. Dans ses yeux dansait une profonde rancœur.
Les deux adolescents se toisèrent pendant ce qui sembla à Seon une éternité.  Âpre, la voix de Wade déchira le silence.
« Pourquoi ? »
Seon sentit son coeur s'emballer. Il soutint son regard, les poings serrés. Il avait imaginé cette rencontre de trop nombreuses fois durant ces quelques jours.
« Je ne pouvais pas être vu là-bas, lâcha-t-il seulement.
- Et ça te donnait le droit de me trahir ? »
Le ton de Wade n’était pas agressif comme il s’y était attendu. Derrière cette neutralité feinte, Seon avait saisi les notes éreintées de la tristesse. Il ferma les yeux un instant, ses ongles déchirant sa peau. Il n'était pas fier. Son acte l'avait hanté depuis cette fameuse nuit. Pourtant, il n’arrivait pas à le regretter.
« Ce n'était pas juste ma réputation que je mettais en danger, mais celle de mes parents. Et puis, pour le bien de ma future carrière, je dois garder une réputation irr…
- Et la mienne ? Explosa soudain Wade, les crocs découverts. Tu crois que te protéger te donnais le droit de m'envoyer en tôle ? »
Seon ne répondit rien et la honte se glissa lentement dans ses veines. Wade se leva et une lueur folle s’alluma dans ses iris bleus.
« Je vois. Tu savais que ça allait mal se terminer. J’ai bêtement suivi ton plan mais j’étais ton appât depuis le début. »
La gorge nouée, Seon ne put le démentir. Sa culpabilité le rongeait.
« Je rêve, cracha Wade. Tu n’essaies même pas de te cacher. Tu n’as aucun honneur.
- Mon honneur ? »
Le ton de Seon se fit glacial. Son visage s’assombrit et toisa celui du tigre, avide de vérité cinglante.
« Et le tien Wade ? Où est ton honneur lorsque tu massacre des gens pour ta propre cupidité ? »
Une bourrasque ébranla la forêt. La surprise effaça la folie du regard de Wade. A sa place, s’installa une colère noire. Il commençait à comprendre.
« Alors c'est ça ? Siffla-t-il. C’est pour ça que tu m’a utilisé ? »
Seon détourna le regard. En face, Wade se mit à trembler de rage.
« Tu n'as jamais eu l’intention de me faire sortir de là ! Tu le savais ! Depuis ta petite place de privilégié tu t’es permis de juger ma vie. Tu as rendu ton verdict. Tu cherchais juste un moyen de te débarrasser de moi ! »
Une larme roula sur la joue de Seon. Il avait compris le soir où Wade était venu se réfugier chez lui. Il avait tâché de faire l’aveugle, d’accepter cette noirceur chez son compagnon. Mais ses valeurs l’en empêchaient.
Naïvement, Wade se raccrochait encore à l’éventualité d’une erreur de jugement de sa part. Mais le silence de Seon était sans équivoque. Sa voix se brisa.
« Je t'ai aimé Seon. Vraiment. Je ne t’aurais jamais fait de mal.
- Tu es un assassin. »
Wade s’arrêta, le cœur au supplice. Seon osa enfin affronter son regard, les yeux brûlants.
« J’ai tué un homme à cause de toi.
- C'était lui ou moi ! Gémit Wade. Tu m'as sauvé !
- En tuant un innocent !
- Je ne méritais pas de mourir non plus ! »
Seon se mordit la langue de toutes ses forces. Sa vérité lui hurlait le contraire.
« J’avais peur, avoua-t-il dans un élan d'honnêteté. Peur de ce que tu aurais pu me faire si je te contrariais.
- Alors tu as manigancé ce plan pour me faire enfermer.
- Pas seulement. Je voulais réellement récupérer cet objet, se défendit Seon.
- Autant joindre l’utile à l’agréable. » Grinça Wade.
Il fit un pas vers lui et Seon recula. Quelque chose sembla se briser en Wade. Il baissa la tête.
« Je vais devoir disparaître un moment. Je dois me faire oublier.
- Comment t'en es sorti ? Souffla Seon.
- Tu te sens concerné ? » Fulmina Wade, acerbe.
Seon se mura une fois de plus dans le silence. Alors d’une voix éraillée par la douleur, Wade vira dans le cynisme.
« Je n’ai pas le droit à un petit discours d'adieu ? »
Seon ne put formuler le moindre mot.
La douleur déchirait les pensées du tigre. Un éclair de lucidité le poussa à s’avancer. Dans son regard vibrait toute l’amertume de la vérité.
« N’essaie pas de te cacher derrière ta morale. Milicien. Toi aussi tu auras les mains couvertes de sang.
- Je ne m’attaquerais qu’à ceux qui le méritent, lâcha Seon, sombre.
- Et qui es-tu pour en juger ? »
La cruauté de sa remarque glaça le cœur de Seon.
Silencieusement, le tigre fit un pas en arrière. Il le détailla une dernière fois du regard, un éclat de douleur lui martelant la poitrine. Alors, avant de disparaître, il lâcha seulement :
« Au revoir Seon. J’espère sincèrement ne pas croiser ta route pour une mauvaise raison. »
Avec une dernière bouffée de courage, Seon lui dit :
« Je n’hésiterais pas Wade. Ce que j’ai pu éprouver pour toi ne pourra jamais altérer mon devoir.
- C’est tout ce que j’espère. »

Gnehehehe
Et bien écoute, la suite au prochain épisode