Disparaître dans la masse

Disparaître dans la masse
[size=32]Kale[/size]



Hello, cette histoire est la suite de celle-ci et se déroule donc en Juillet 50. Il y aura plusieurs épisodes et des petits flashbacks :)

"Hé. Réveille toi."
Du plus profond de son sommeil, Kale sentit une main lui secouer l’épaule. Le jeune homme ouvrit un œil avec difficulté. L’aubergiste se pencha sur lui.
"Wah mon gars. T’as une de ses gueules."
Comment décrire ce que ce brave type voyait ? De loin, tout ce qu’il y a avait de plus normal, un jeune homme tout juste dans la vingtaine, des cheveux presque blonds et des vêtements en bon état. On aurait dit un gosse de riche du quartier de fer. En revanche il était complètement avachi sur sa table à dormir juste à côté de son verre. Mais de ça, l’aubergiste en avait l’habitude. Non, ce qui l’avait choqué c’était le visage de ce garçon. Il avait le teint blafard, les joues creusées, le regard éteint, et par dessus tout, des cernes qui semblaient descendre jusqu’au milieu de ses joues. Kale remua un peu et tâcha de se redresser. L’aubergiste reprit :
"Il est 3h. Je ferme."
"Désolé."
Le jeune homme se mit sur ses pieds et se dirigea vers la sortie en titubant. La fatigue coulait dans ses veines et il n’arrivait pas encore à éclaircir sa vision floue. Malheureusement, il allait encore devoir tenir comme ça un moment.

          Il y avait maintenant 15 jours que Kale était sorti du quartier sectaire. Il avait mis une bonne semaine avant de réussir à se mêler à la foule et maintenant qu’il y avait enfin mis les pieds, un nouveau problème se présentait à lui : il ne comprenait rien au fonctionnement de cette société. Déjà, il n’avait rien saisi quand un garde lui avait demandé si il était pur ou non pour pouvoir accéder au centre ville. Il avait naïvement répondu que ses intentions étaient tout à fait pures et le garde lui avait ri au nez, mais tout de même laissé passer.  Mais il y avait autre chose, la taille de cette ville l’étouffait. Kale ne concevait pas qu’on puisse évoluer dans une société où chaque passant était un inconnu. Mais la chose qui le faisait le plus tiquer était cette notion d’argent. A Venatio, tout se réglait par mérite, il n’y avait pas d’échange de quoi que ce soit. Et justement, lié à tout cela, son problème le plus grave était de parvenir à se nourrir et dormir. Au départ, n’ayant pas de quoi se payer une auberge, il dormait à même la rue. Mais bien sûr, on était en centre ville d’Ewilem et les gardes étaient là pour veiller à la bonne tenue de la capitale. Impossible donc. Sa nouvelle stratégie était alors de s’endormir à la table d’un bar et attendre qu’on l’en déloge. Cette technique demandait plus de logistique puisqu’il fallait s’endormir suffisamment loin des yeux des serveurs pour ne pas se faire repérer trop vite. Kale devait donc dormir 3h par jour, ce qui expliquait son état plus que déplorable.

          Kale aurait pu partir d’Ewilem bien sûr mais il fallait se rendre compte que son monde venait de s’étendre de façon monstrueuse. Ewilem était gigantesque à ses yeux. La capitale devait bien faire 15 fois la taille du quartier dans lequel il avait passé l’intégralité de sa vie. Et puis, on ne lui avait jamais parlé de ce qui se trouvait au delà, alors tout se résumait à Ewilem. Bien sûr, il tendait l’oreille quand des voyageurs racontaient leurs aventures au bar. Jamais il ne s’était senti aussi bête qu’en sortant de Venatio. Il se sentait seul. Si seul. Et par dessus tout perdu. Maintenant que la peur avait disparue, Kale n’était plus qu’une coquille vide.

          Il réajusta son sac à dos et se mit à remonter la rue. Mais, même de derrière cette barrière de sommeil, il entendit une voix l’appeler.
"Hé, attends." Kale se retourna et une jeune femme qui devait être légèrement plus âgée que lui arriva à sa hauteur. "T’as pas d’endroit où dormir je présume."
Au départ méfiant, Kale sentit ses muscles se contracter. Malheureusement, il avait tendance à se raidir à chaque fois qu’un shapeshifter lui adressait la parole. Mais sa stratégie lui revint vite en tête et son personnage entra en scène. Il sourit et rit doucement :
"Je me sens espionné là."
La jeune femme se détendit elle aussi et Kale secoua la tête pour chasser les dernières bribes de sommeil. Elle poursuivit.
"Arf désolée. Ça fait juste deux fois que je fais la fermeture de ce bar et que je te vois partir mais pas dans la même direction." Il haussa un sourcil et elle continua, un peu gênée. "Excuse moi ça a l’air super bizarre mais je suis juste observatrice. Et puis, t’as l’air de pas avoir dormi depuis des semaines."
Des mois en réalité. Mais malgré tout, le cerveau de Kale se mit à fonctionner à puissance maximale. Si il comprenait bien, cette fille lui proposait un asile, mais n’était-ce pas dangereux d’aller chez une inconnue, une shapeshifter en plus ? Bien sûr, on effaçait pas les clichés qu’il avait d’une conversation. Il avait encore en tête que les shapeshifters étaient dangereux et avides de sang. Mais les points noirs qui dansaient devant ses yeux firent sérieusement pencher la balance en faveur de cette fille. Il acquiesca.
"T’as raison. J’ai nul part où aller." Il haussa les épaules et tenta de se donner un air intégré. "Trop chères les auberges de la capitale."
Il n’avait pas compris la moitié de ce qu’il avait dit mais le coup de poker eut l’air de fonctionner puisque la fille s’esclaffa :
"Ah ça ! Je te le fais pas dire ! J’ai un canapé qui traîne chez moi, je peux te dépanner pour une nuit."
"Si c’est proposé si gentiment."
Kale n’avait aucune idée de ce qu’il faisait. Il nageait en plein délire. La fille lui sourit.
"On fait comme ça. Au fait, je m’appelle Ina. C’est quoi ton nom ?"
Elle tourna dans une rue et Kale la suivit.
"Victor."

          Kale et Ina avaient tourné dans un des quartiers à l’est mais le jeune homme n’y prêtait plus attention. Pourquoi ? Pourquoi lui avait-il donné le prénom de ce garçon ? Le meurtrier de Wima. Le dernier contre qui il avait combattu. Stratégiquement, il n’avait pas voulu dévoiler son véritable nom mais pourquoi celui-ci était le premier qui lui était venu en tête. Peut-être finalement que ce rôle qu’il jouait était celui de Victor. Il n’avait de cesse de tourner et retourner ses pensées quand la voix d’Ina le sorti de ses pensées.
"C’est là !"
Ils étaient en effet arrivés devant une petite maison sobre mais chaleureuse. Ina tourna la clés et ouvrit la porte à Kale qui s’y engouffra d’abord avec méfiance. La jeune femme rit devant l’hésitation de son invité.
"T’inquiètes on est dans le quartier des herbivores y va rien t’arriver."
"Le quartier des herbivores ?"
"Ouais fin Waheela quoi." Il hocha la tête, faisant semblant de se souvenir. Ina rit. "Je suis tarée de ramener un inconnu chez moi alors que j’ai même pas de griffes. Je dois être encore un peu bourrée."
Kale fit mine de rire mais réfléchit à ce qu’elle disait.
"Tu sais pas te battre ?"
Ina haussa les épaules et alla s’échouer dans son canapé.
"Ofh, si tu considères que d’arriver à se casser le petit doigt en essayant de frapper quelqu’un c’est savoir se battre, alors oui."
Kale hocha la tête. Il put distinguer un peu plus son hôte. Depuis qu’il était sorti, il passait un peu de temps à dévisager les gens, ces traits inconnus étaient pour lui un mystère. Ina était assez grande à la peau foncée et aux cheveux étrangement clairs. Elle avait de grands yeux expressifs, mais elle eut l’air de surprendre son regard puisqu’elle lui demanda :
"Quoi ? J’ai de la salade entre les dents ?"
Kale secoua la tête.
"Ah non non pardon. Je suis pas très physionomiste alors j’essaie de retenir ton visage."
C’était faux bien sûr mais il avait le don de s’inventer des excuses à deux balles. Ina s’esclaffa une nouvelle fois.
"Ah si tu le dis. Bon Victor reste pas planté là assis toi."
Il frissonna à l’entente du nom mais tira une chaise et s’installa près du canapé. La jeune femme se redressa.
"Bon, raconte moi voyageur, tu viens d’où ?"
Kale sentit sa gorge se serrer. Il allait devoir déblatérer des mensonges sur un sujet qu’il ne maîtrisait absolument pas. Il essaya de se souvenir d’un nom de village qu’il avait entendu au détour d’une rue.
"Ragnok. Je suis de Ragnok."
"Wah quelle coincidence, je pars là bas demain. T’as des coin sympa à me conseiller."
Kale sentit le sang battre à ses tempes. Il n’avait aucune d’idée d’où se trouvait Ragnok ni même ce qu’il y avait. Pour se sauver la mise il tenta :
"T’es plus quoi comme type de paysage ?"
"Oh bah si je vais à Ragnok c’est pour voir de la montagne hein. Mais je t’avoue que visiter les gorges du torrent ça me botte pas mal."
"Oh tu va adorer la cascade alors."
"La cascade ?"
"Oui si tu remonte le torrent tu devrais tomber sur elle. Tu va voir c’est très beau."
"Ah, merci du tuyau !"
Sauvé. Ils discutèrent encore une petite heure, Kale esquivant les questions dangereuses de la même manière. Il avait néanmoins profité de la fatigue de son interlocutrice pour lui poser quelques questions innocentes et avait appris notamment ce qui différenciait hybride, pur et anomalies. Finalement, Ina, dont les yeux commençaient à se fermer, se leva du canapé et s’éloigna vers sa chambre.
"Bon, j’te laisse. Faut pas que je traîne trop demain. Désolée je vais te mettre à la porte assez tôt."
Il s’appliqua un faux sourire sur le visage.
"T’inquiètes pas, c’est déjà sympa de m’avoir accueilli."
Elle s’adossa à l’encadrement de sa porte et le toisa.
"Ouais. Bon allez bonne nuit Victor."
Et elle ferma le porte derrière elle. Kale se retrouva seul dans cette pièce. Il passa un petit temps à étudier l’intérieur de cette maison, forcé de constater que les shapeshifters ne vivaient pas comme à Venatio. Mais le sommeil le rattrapa bien vite et il finit par s’écrouler dans le canapé. Et même si il était toujours méfiant, il n’eut pas besoin de se retrouver seul face à l’obscurité. Elle le happa d’elle même.

Merci Je vais essayer de caler quelques moments drôles pour que ça soit pas dramaland non plus