Legend of Shapeshifters
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A falsis principiis proficisci
 
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 Belle comme le jour

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Elv
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Elv


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MessageSujet: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyDim 24 Oct 2021 - 13:56

Heyo! Le voilà! Le voilà le petit feuilleton sur les aventures de Isaac et Rosalie! C'est la première fois que j'écris un récit antérieur à l'année 50, même bien antérieur, puisque l'intégralité de l'histoire va se dérouler dans les années 30. Donc comme d'habitude, si je dis des bêtises sur l'histoire des Shapeshifters, il faut me le dire.
Je ferai paraître par-ci par-là de nouvelles parties au feuilleton, qui fonctionneront par ellipses au court de la jeunesse des deux chevreuils. 
Bonne lecture!


                                                                                                                           




BELLE COMME LE JOUR




Avril 31


C'était une froide soirée pour un mois d'avril. En ce passage d'une saison à l'autre, et à l'éveil des bourgeons odorants, la populace se mettait à éternuer comme de bons diables et les plus chétifs à s'inquiéter pour tout et rien. En plein cœur d'Aust, l'hôpital attirait les malades comme des mouches. C'était ainsi que le Docteur Grap, pur-bélier et fort fier de l'être, voyait cette nuée passer les portes de la bâtisse de bois
« Arf ! S'exclama-t-il en prenant son assistante à témoin. R'gardez-moi ça ma p'tite Marcia. J'vous parie que la moitié vient pour des broutilles. Et comme nos infirmiers ont vraiment l'cœur trop bon, ils les font encombrer les lits ! Si c'est pas malheureux ! »
Marcia se contenta de se racler la gorge, au lieu d'avouer à son supérieur que ses réflexions avaient plutôt tendance à la mettre mal à l'aise. Dr Grap se tenait là, dans l'encadrement de la porte qui menait aux salles de stockage, remuant sa petite cuillère dans sa tasse de thé fumant et observant le spectacle matinal de la réception de l'hôpital d'un air passablement exaspéré. Il était à deux doigts de s'endormir, bercé par le brouhaha habituel, quand un autre médecin le héla pour s'occuper d'une patiente. Dr Grap grogna et abandonna à contrecœur sa précieuse infusion. Il se retrouva devant une toute petite dame, avec un tout petit enfant dans ses bras.
« Kécécé ? Marmonna le docteur.
-C'mon gamé, piailla la petite dame avec un fort accent.
-Votre quoi ? »
Elle désigna le petit enfant de deux ans dans ses bras.
« Mon gamé. L'est bizôrre d'puis quelques jours. J'vous jure M'sieur, l'a dû choper une saloperie. R'gardez-moé sa p'tite bouille. »
Mais le médecin ne regardait pas l'enfant au visage parsemé de boutons rouges. Son regard était beaucoup trop occupé par la contemplation des longues oreilles de biche qui dépassaient de la chevelure de la mère. Grap l'aurait parié : c'était une hybride, cette bête-là. C'était vrai que ce genre d'énergumènes commençaient à se multiplier dans la nature. Il se souvenait encore de son enfance, lorsque les Shapeshifters pouvaient encore se vanter d'être tous purs jusqu'au bout des ongles. Mais les premières naissances anormales n'avaient pas tardé à voir le jour. Et aujourd'hui, ces gens bizarres qui possédaient deux formes animales, on en croisait partout ! Ca se reproduit comme des lapins ces bêtes-là. Quelle erreur de les avoir laissés entrer dans l'hôpital ! Grap était quelqu'un de très cultivé, et il savait, de source sûre, que ces gens étaient des nids à microbes. Pas étonnant que son « gamé » soit couvert de pustules. Heureusement que les Hybrides étaient relégués dans la périphérie, ou la ville deviendrait à chaque changement de saison un véritable clauster. Grap se pencha vers son assistante et lui susurra :
« Moui... Heum... Raccompagnez ces gens à la sortie, mon p'tit, vous voulez bien ? »
Marcia rougit jusqu'au bout du nez et hocha timidement la tête. Grap reprit sa tasse de thé, et laissa son assistante se débrouiller comme une grande avec les hybrides. Il marcha à grands pas vers l'autre bout de la salle, comme un prince qui se déplaçait dans son royaume au milieu de ses sujets. Ici, il fallait s'occuper des honnêtes gens, nom d'une pipe ! Mais quand un nouvel infirmier l'appela, il prit peur, croyant qu'un nouveau nuisible était entré dans le bâtiment.
« Dr Grap ! Le poulain de votre ami Kob vient d'arriver de Ewilem.
-Ah ! Ah bien ! S'exclama Grap, soulagé. Je vais le rejoindre. »
Il était vrai que son confrère de la capitale lui avait envoyé son meilleur apprenti pour apprendre les médecines typiques du Sud. Grap sortit dans la rue, et aperçut enfin un jeune chevreuil, chargé de besaces sur son dos frêle, s'approcher avec assurance. Grap l'apostropha :
« Ah ! Le voilà le p'tit bleu ! Isaac, c'est bien cela ? »
Le jeune Isaac s'inclina respectueusement devant son professeur. C'était un jeune brocard aux yeux clairs et vifs. Ses bois pareils à de jeunes rameaux venaient de perdre leur duvet d'hiver, et brillaient de leur jeunesse au soleil. Comme tous les chevreuils, son corps était mince, mais resplendissait d'une vigueur dont seuls les jeunes gens avaient le secret.
« Enchanté, Monsieur, dit-il.
-Poli, en plus ! Très poli ! Allons mon enfant, relevez-vous, pas de ça entre nous. Vous semblez encore plus jeune que je ne l'imaginais. Quel âge avez-vous donc ?
-Vingt-deux ans, Monsieur.
-Ah oui. Kob m'avait bien prévenu que vous étiez un jeune talent. C'est bien, très bien. Vous êtes la nouvelle génération, vous portez les progrès de la société sur vos épaules.
-C'est bien pour ça que je suis là, répondit Isaac avec tranquilité.
-Héhé. Bon ! Il se fait tard, nous commencerons les festivités demain. C'est la première fois que vous venez à Aust, mmh ? Profitez-en pour visiter la ville. Allez tester la bouillie d'algues, tiens ! C'est la spécialité du coin.
-Certainement. »
Isaac prit congé.
Le jeune chevreuil venait de Ewilem, où il était né, avait grandi, et appris tout ce qu'il savait sur la médecine aujourd'hui. C'était son vieux maître Kob, un érudit parmi les tous premiers de l'espèce, qui avait pris ce petit chevrillard sous son aile pour lui enseigner tout ce qu'il savait jusqu'à ce jour. Ses plus grandes connaissances, aussi bien dans la lecture que dans l'écriture, il les conservait dans l'art de la médecine. Son digne élève Isaac s'était alors pris de passion pour la soif de connaissance, la libido sciendi comme Kob aimait l'appeler, et comme son maître, il l'utilisait pour venir en aide à ses concitoyens. Isaac était un jeune homme qui, bien qu'ambitieux et assez orgueilleux sur les bords, avait le cœur sur la main. S'il lui fallait déménager dans la ville du Sud pour apprendre de nouvelles pratiques médicinales, alors il ferait ses valises et partirait à l'aube. Ce qu'il avait fait, sous les conseils de Kob.
Le brocard, le dos chargé de sacs marcha le long de l'hôpital, en direction de la première auberge de la ville. Mais des éclats de voix l'arrêtèrent. Il pencha la tête vers la ruelle et aperçut, devant une porte dérobée, une jeune femme rouge de honte et une mère avec son enfant dans les bras.
« Je suis désolée Madame... Je n'ai pas de compétences en médecine, je suis juste assistante...
-Eh beh allez-y appeler vot' supérieur ! Le toubib il a l'air de s'y connaître ! S'insurgea la mère.
-Euh... C'est-à-dire que... Hum il est occupé, peut être vous aurez une chance en allant voir le marabou de la ville...
-C'est ça ! Vous aussi ma p'tite dame v'voulez m'entuber ? J'ai trois gamés à la piaule moé ! Si l'ptit Kili l'est malade, j'fais quoé avec les autres ?
-C'est une varicelle, Madame. »
La mère aux oreilles de biche et l'assistante se tournèrent à l'unisson vers le chevreuil qui s'était furtivement approché pour observer le visage du petit garçon. Le visage renfrogné de la mère se détendit et lança des regards à son marmot et au jeune gars, perplexe.
« La vermicelle ? Répéta-t-elle dubitative.
-Non non, la varicelle, indiqua Isaac. C'est normal, ne vous inquiétez pas, tous les enfants passent par là. Son corps sera recouvert de boutons pendant une petite semaine, mais il n'y a rien de grave pour un petit garçon. Il serait judicieux que vous le laissiez avec vos autres enfants pour qu'ils l'attrapent tous, parce que si elle inoffensive pour un petit, elle peut être dangereuse pour un adulte qui ne l'a jamais attrapée. »
La femme hocha vigoureusement la tête, impressionné par les connaissances de ce jeune gars. Isaac joua le contorsioniste et attrapa une fiole de pommade dans sa sacoche entre ses dents. Il la tendit à son interlocutrice.
« S'ils se grattent trop, appliquez cela sur leurs boutons.
-J'vous remercie M'sieur, vous êtes un bon diable ! » S'exclama la mère.
Elle s'inclina profondément, son petit fit joyeusement 'au revoir' de la main. Isaac se retrouva seul avec l'assistante, qui était dans ses petits souliers. Elle minauda au chevreuil pendant que les deux hybrides repartaient dans leur foyer :
« Merci. Merci beaucoup. Le Docteur Grap a tendance à faire le tri dans ses patients.
-Ce n'est rien, vraiment, répondit Isaac. Mon maître Kob m'avait prévenu que Aust était une ville impitoyable.
-Il y a beaucoup de rumeurs étranges qui circulent sur la nouvelle race. J'ai même entendu qu'il y en avait qui n'avaient même pas de forme humaine... Mais... C'est injuste ne pas leur donner de soins.
-C'est la promesse que je me suis faite, admit Isaac d'un air déterminé. Si un jour je deviens médecin, mes opinions et celles des autres n'auront rien à faire dans mon métier.
-Ca fait du bien d'entendre ça dans la bouche d'un apprenti ! Fit l'assistante en souriant. Mon nom est Marcia.
-Isaac. »
Il se quittèrent là, même s'ils étaient sûrs qu'ils se recroiseraient puisqu'ils travaillaient dans le même hôpital. Isaac fit d'abord un détour à l'auberge, où il déposa ses affaires mais repartit très vite lorsque les délicieuses effluves de la bouillie d'algue parvinrent à ses naseaux. Il était seul dans cette grande ville fluviale, sans besognes et but pour cette soirée. Alors autant partir manger. Il trouva assez rapidement un bar qui ne sentait pas l'algue marinée à plein nez. Il y entra, commanda une plâtrée de pommes de terre sautées pour bien se remplir le ventre après ces trois journées de marche. Quelle surprise eut-il lorsqu'il aperçut Marcia à une table bondée qui lui faisait des signes. Elle lui cria à travers le chahut de venir manger avec eux. Content de ne pas manger seul, Isaac hocha la tête, et avant de prendre son assiette fumante, se transforma. Sous forme humaine, le brocard était un jeune homme aux yeux bleus et aux bouclettes brunes. Il était assez bien fait, même si son charme ne se remarquait pas à première vue.
Il prit place à cette table, où tous les convives étaient plongés dans une profonde discussion.
« Nan nan nan, clamait l'un. Vous vous gourrez complètement. L'apparition d'hybrides, c'est dû aux effets secondaires de la brume blanche.
-Mais t'as sniffé de la sève toi ! C'est comme tous ces cons qui croient qu'il y a une entité supérieure ou chais pas quoi qui a provoqué l'apparition de l'espèce !
-Et moi je vous dis que c'est un pur effet scientifique ! Y'a des fous, des détraqués sexuels d'espèces différentes qui décident que coucher ensemble comme des espèces de zoophiles, et qui pensent que c'est une bonne idée. Et pof ! Faut pas s'étonner après que les marmots aient quinze formes animales !
-Quinze ! N'exagère pas, vieux.
-Salut Isaac ! Tu as renoncé à la bouillie d'algues finalement ? Fit Marcia pendant que le jeune homme prenait place à son côté.
-Tu nous connais, nous les chevreuils, nous sommes de fines bouches, plaisanta-t-il.
-Mais une population ! Toute avec une forme humaine en commun ! Evidemment que ça fait des accidents ! S'exclama avec colère l'un des débatteurs en face.
-Excuse mes amis, dit Marcia à voix basse. Ils ont eu la brillante idée d'aller sur le sujet le plus sensible qu'ils avaient en stock. »
Isaac rit dans sa barbe et attaqua son assiette en prêtant une oreille attentive à la discussion. Les paroles partaient tellement dans tous les sens qu'il eut du mal à reconnaître quel était le sujet central, s'ils parlaient de l'apparition des Hybrides, de leur utilité dans la société, ou même s'ils étaient capables de verser des larmes comme les autres shapeshifters. Il remarquait que certains dans l'assemblée clamaient haut et fort d'énormes âneries non seulement scientifiques mais aussi éthiques. Mais Isaac se taisait et préférait écouter en riant dans son coin plutôt que d'y mettre son grain de sel. Mais l'un des interlocuteurs, plus renfrogné que les autres, dit soudain :
« Moi j'vous dis, j'aime pas ça du tout. Y'a juste à les regarder pour voir qu'il y a un problème. Plusieurs formes animales... Tss... Bientôt une prochaine espèce apparaîtra qui pourra cracher du feu !
-Qu'est-ce que tu veux dire Barty ?
-Qu'ils sont dangereux, voilà ! Non mais imaginez juste : un croisement entre un tigre et un taureau ! Ce serait une bordel de machine de guerre ! Imaginez juste une armée de ça ! Qui prennent d'assaut les villes et les Conseils !
-Pft. Fermez-la. »
Il se tournèrent tous vers Isaac à l'unisson, les yeux jetant des éclairs. Pourtant, il n'avait vraiment pas parlé fort, il avait juste eu la malchance de marmonner alors qu'une seconde de silence s'était installée.
« Qu'est-ce que t'as dit ? Répéta froidement le dit Barty.
-Oh non c'est pas vrai... » Se lamenta Marcia en se couvrant le visage de ses mains.
Isaac soupira et déballa enfin :
« Je trouvais votre petite discussion raciale amusante au début, mais vous commencez à me fatiguer. Sérieusement, en vous entendant, je ne peux que me dire que c'est plutôt aux Hybrides d'avoir peur de vous, et pas l'inverse. Est-ce que je dois vous rappeler qui a construit les villes sous le commandement des Purs ? Qui a été écarté du pouvoir comme des mal-propres alors qu'ils ont tout autant participé à la création de la société ?
-C'est qui ce nimbus ? Grogna l'un des gars.
-Le nouvel apprenti du Docteur Grap.
-Ah ouais, tu viens de la Capitale le p'tit rigolo, et t'oses dire que tu sais mieux que nous ?
-Excusez-moi, mais je dois vous rappeler qu'il y a autant d'Hybrides à Aust qu'à Ewilem. Et j'en croise probablement plus que vous, bande d'incultes.
-J'AI PAS D'CONSEILS A RECEVOIR D'UN PETIT PETEUX DANS TON GENRE ! »
Barty s'était levé de sa chaise et avec sa grosse paluche avait attrapé Isaac par le col. Ce dernier commençait à penser qu'il aurait mieux fait de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de les insulter, quand un hurlement retentit à leurs côtés.
« BARTY ! NON MAIS J'EN REVIENS PAS ! T'ES PLUS CON ENCORE QU'UN POULET !
-Non mais Rosalie, ça va, on déconne...
-TU LE LACHES ! »
Barty abandonna le col de Isaac et se rassit, bougonnant mais docile toutefois. Isaac replaca son vêtement autour de son cou, et leva le nez vers sa sauveuse qui venait tout juste de rejoindre la tablée. C'était une jeune femme, peut être de l'âge de Isaac, portant une longue crinière blonde et ondulée. Elle apostropha tous les convives :
« J'en reviens pas ! Vous m'faites déjà vomir avec vos discours d'arriérés-mentaux, maintenant vous en venez aux mains ? Parfois j'me demande encore ce que je fous avec des crétins dans votre genre !
-Rosalie... C'est bon...
-Non c'est pas bon !
-On est désolés... »
Isaac fut très impressioné par l'autorité qu'avait cette fille sur cette bande de grands gaillards. Elle les enguirlandait comme une maman sur sa portée de petits. Ils plongèrent tous le nez dans leur assiette et leur verre, rouges de honte. Elle fit un mouvement de la main d'un air exaspéré et se détourna. Isaac ne perdit pas une seconde de plus pour la rejoindre à l'extérieur, le cœur encore palpitant de son altercation avec Barty. Elle était dehors, devant l'auberge, replaçant les bretelles de son sac sur ses épaules. Isaac marcha vers elle et lui dit :
« Merci pour ton aide. Je ne voulais pas me montrer grossier avec tes amis, je m'en excuse, mais...
-Un conseil, l'ami. »
Rosalie se retourna vers le jeune homme, le visage de marbre. Isaac frissonna et se mit à rougir sans savoir pourquoi.
« Pour un petit gars qui vient d'Ewilem, ne ramène pas trop ta fraise. Pour ta sécurité. »
Et elle partit. Isaac resta planté là, une minute entière, à regarder sa silhouette s'éloigner dans la nuit claire, ses cheveux d'or virevoltant autour de ses épaules.


Dernière édition par Elv le Sam 29 Jan 2022 - 21:36, édité 2 fois
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyDim 24 Oct 2021 - 18:15

TROP BIEEEN
Je te jure que tu me fume quand tu fais parler les personnages avec des accents, c'est excellent xD
Je trouve ça super intéressant que tu aborde la question des hybrides vu par cette génération là, ça ajoute de la cohérence à notre drama actuel.
Et raaah Rosalie est si badass Belle comme le jour 977156214
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Elv
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMar 2 Nov 2021 - 14:37

Juin 31


« Doucement, doucement, mettez-lui les bras le long du corps. »
Isaac obéit et sortit sur le plateau de métal les différents instrument de chirurgie.
« Scalpel. »
Grap commença à ouvrir le ventre du patient profondément endormi, et avec des pinces, à maintenir les lambeaux de peau pendant qu'il plongeait ses doigts et instruments dans les entrailles de l'homme. Isaac l'aida dans sa tache. Ils étaient tous les deux masqués, vêtus de blouse et de gants que les assistants devaient aller laver tous les jours. Le jeune chevreuil avait déjà participé à de nombreuses opérations avant cela, il se sentait donc assez détendu. Il avait une pleine confiance en ses mains habiles et ses yeux vifs. Le Docteur Grap dût même admettre qu'il se montrait souvent plus adroit encore que lui, qui avait soufflé sa quarante-troisième bougie. Ce fut le cas cette fois-là encore.
« Raah j'en peux plus d'ces mains qui tremblent ! Pesta-t-il.
-Je m'en occupe.
-Mouais. Allez-y pas lui charcuter le ventre, hein ? » Prévint le médecin même si lui-même savait que son apprenti en serait incapable. Mais plus le temps passait, plus son orgueil face à ce jeune blanc-bec ewilémien était en jeu.
Isaac était si concentré sur sa tâche qu'il en oublia même son maître d'apprentissage et fit presque la tâche tout seul comme un vétéran de la médecine. Grap soupira et leva les bras au ciel, pestant que de toute manière, il se débrouillait très bien sans lui, et partit se faire un thé. Isaac allait extraire l'excroissance sur l'intestin grêle de son patient, quand un nouvel infirmier entra dans le bloc opératoire (enfin c'était vite dit, il était séparé de la salle seulement par un paravent).
« Je viens de voir Grap filer à l'anglaise, je viens donner un coup de main. »
Lorsqu'il leva furtivement le regard, Isaac croisa les yeux noisettes de Rosalie et frissonna. Pourquoi fallait-il qu'elle débarque à chaque fois qu'il était attelé à une tâche délicate ? A chaque fois, il se sentait obligé de se montrer irréprochable dans sa façon de faire. C'était stupide d'ailleurs, Rosalie n'était pas un maître d'apprentissage, elle n'était qu'infirmière. Enfin, une infirmière très talentueuse, car seulement à vingt-et-un ans, elle était montée infirmière en chef, avec le rêve en tête de passer dans le cercle prestigieux des médecins. Mais le mépris envers les petites mains autour des grands maîtres de la médecine l'empêchait de monter encore en grade. Cela avait toujours peiné Isaac, et ayant discuté avec elle un soir après le travail, il était parti argumenter avec son maître Grap. Il s'était fait virer de son bureau à coups de pieds au derrière, bien évidemment. Mais Rosalie avait vu son geste comme courageux et généreux, surtout pour un « petit gars d'Ewilem ».
« C'est pas la troisième fois en deux semaines qu'il t'abandonne dans le bloc, le vieux Grap ? Demanda Rosalie en enfilant ses gants.
-Si si. Tu peux me donner la pince ?
-Voilà chef. »
Ils restèrent silencieux un instant, le nez et les mains plongés dans le ventre du patient. Isaac parvint à sortir la boule de cellules de ses entrailles et la jeta dans le bol que lui tendit Rosalie. Alors qu'ils commençaient à recoudre l'ouverture, Rosalie glissa :
« Tu sais, je t'entends discuter... Enfin je devrais dire disputer, avec mes potes sur la politique.
-Ah ?
-Je t'ai bien vu revenir avec ton œil au beurre noir l'autre jour. T'as encore défendu les hybrides au point de les insulter ?
-Je ne les ai pas insultés, j'ai juste insinué que leur boîte crânienne devait s'être rétrécie depuis leur naissance. Et puis je devrais m'estimer heureux, comme tu m'as pris sous ton aile, ils évitent d'en venir aux mains.
-Pris sous ton aile ? »
Isaac bénit le fait que son visage soit recouvert d'un masque pour cacher ses joues en feu. Il risqua un regard apeuré vers elle, mais cette dernière souriait presque au point d'éclater de rire.
« Ouais, c'est le bon terme. Mais écoute, je dois dire que tes idées et ta mentalité sont rafraîchissantes. Je n'en peux plus de ces têtes d'abrutis qui se croient plus intelligents parce qu'ils descendent les autres races. Mais toi, tu me plais bien. »
Isaac sourit à son tour, et ils passèrent tous les deux la fin de l'opération à ricaner dans leur masque comme des enfants. Le jeune homme se sentait léger comme une plume. Leur ouvrage achevé, ils se lavèrent les mains et transportèrent le patient sur un brancard jusqu'à son lit de repos. Cela fait, Rosalie s'essuya le front, et d'un mouvement de main, elle invita Isaac à la suivre. Ils sortirent dans la chaleur de juin, dans la ruelle qui bordait la face Nord de l'hôpital. Ils se servirent un verre d'eau fraîche, et Rosalie lui dit à voix basse.
« Des gars veulent lancer une manif' en faveur des hybrides. Ils veulent remonter le grand boulevard jusqu'à la salle du Conseil. Je compte y aller. Et toi, tu veux y aller ? »
Isaac se massa le front. Y aller ? A une marche pacifique pour la cause des Hybrides ? Il n'avait jamais participé à une manifestation jusqu'à ce jour. Pour défendre ses idées, il s'était toujours contenté de la parole autour d'une table. Mais il avait beau essayer de se montrer convaincant devant ses adversaires, son œil au beurre noir de l'autre jour prouvait que ses mots parfois ne suffisaient pas. Et puis... Rosalie y allait. Il se fustigeait mentalement à chaque fois qu'il y pensait, mais cette simple raison faisait pencher la balance en sa faveur. Pour lui c'était bête et puéril, surtout pour un homme dans la vingtaine, mais ses yeux noisettes et sa chevelure blonde avait tendance à hanter l'esprit du garçon. Finalement, il hocha la tête.
« Compte sur moi. »
Après leur journée de travail, les deux jeunes gens décidèrent de se rendre au Lac sans Fin pour s'aérer l'esprit. Enfin, le fait qu'ils ne se retrouvent qu'à deux n'était pas tout-à-fait prévu. Mais Marcia s'était défilée au dernier moment, et apprenant que le « petit péteux ewilémien » était de la partie, Barty s'était lui aussi désisté. Mais la journée était belle et ensoleillée, et les deux comparses profitaient d'une eau calme et pure dans laquelle ils marchaient lentement, en discutant de leur enfance.
« Je suis née à Aust, racontait Rosalie. Ma mère est morte en couche alors c'est mon père qui m'a élevée. Il était très gentil mon père. Quoiqu'un peu stupide sur les bords. Eh rigole pas ! C'est vrai ! Il était bâtisseur, et son rêve c'était de devenir architecte. Mais il avait si peu d'instinct théorique que toutes ses créations s'effondraient le jour suivant. Haha ! Je te raconte pas toutes les galères qu'il a eues ! Pourquoi tu me regardes comme ça ?
-Pour rien. Je t'écoute, c'est tout, fit Isaac en détournant son regard attendri. Et aujourd'hui, où est-il ?
-Il est mort quand je suis devenue infirmière.
-Désolé.
-Ce n'est pas grave. Tu ne pouvais pas savoir. Et puis, je suis passée à autre chose ! Maintenant j'ai mon travail, la forêt, mes crétins d'amis... Enfin, ils sont sympas à côté de cela, mais c'est fou à quel point j'ai le chic pour m'entourer de parfaits abrutis. »
Isaac fit une moue vexée. Rosalie lui envoya un coup de coude dans les côtes.
« Disons que tu es l'exception qui confirme la règle alors. Bon et toi, alors ? Ton maître s'appelle Kob, c'est ça ?
-On peut même dire qu'il est mon père adoptif. Il m'a recueilli alors que j'étais un orphelin des rues. J'ai été retrouvé devant sa porte enveloppé dans une couverture. C'est lui qui m'a tout appris : la médecine, les sciences naturelles, des rudiments de mécanique...
-Il a l'air d'être un puit à sciences, dis-moi.
-Il l'est ! Il est l'un des seuls shapeshifters à avoir côtoyé un humain.
-Tu me fais marcher ! S'exclama Rosalie avec un mouvement de recul.
-Non, je t'assure. C'est cet humain qui lui a transmis son savoir. C'est pour ça qu'il sait autant de choses. C'est lui qui lui a appris à lire et à écrire notre langue. Sans lui, je ne l'aurais pas su non plus. »
Rosalie s'arrêta et agrippa la manche de Isaac. Il la regarda avec des yeux ronds, pendant qu'elle semblait entrer dans une sorte de transe. Il commençait à s'inquiéter pour son état mental quand elle glapit :
« Tu dois m'apprendre.
-La lecture ?
-Non, le tango. Mais évidemment la lecture andouille ! J'ai toujours rêvé de savoir lire, mais les érudits à Aust, c'est aussi rare que de l'or !
-Mais... C'est plus difficile quand on a passé l'enfance, et...
-Est-ce que je t'ai demandé ton avis, au juste ?"


La place du centre de Aust était noire de monde. On comptait aussi bien les passants que les manifestants qui portaient leur pancarte griffonnée de dessins et symboles suggestifs à bout de bras. Isaac et Rosalie étaient là. Il y avait aussi quelques personnes de l'hôpital que Isaac avait déjà côtoyées au cours de ces deux derniers mois, dont Marcia. Toute l'attention des activistes, surtout des hybrides, était focalisée sur le grand gaillard d'une trentaine d'années, perché sur un empilement de caisses, portait ses mains autour de ses lèvres pour crier ses encouragement à la foule. Il s'appelait Vélimir. C'était un tailleur hybride à l'origine du mouvement pour les droits des Non-purs à Aust. Aujourd'hui, tout le monde le connaissait pour ses actions plus-ou-moins pacifistes pour revendiquer la liberté et les droits politiques des Hybrides, allant de la simple marche en groupe dans les rues, à l'incendie de bâtiments vides. Rosalie les suivait de près depuis que le nom de Vélimir était apparu sur les bouches des Purs.
« Première fois ? » Lui demanda-t-elle justement.
Isaac hocha la tête. Elle avait dû remarquer qu'il était assez tendu. Se retrouver ballotté dans un groupe était une expérience toute nouvelle pour lui, et il se répétait qu'il n'y serait peut être pas allé si Rosalie n'avait pas été des leurs.
« Nous ne resterons pas ici les bras croisés ! Non nous ne sommes pas de vulgaires animaux ! Nous sommes aussi humains que n'importe qui, et le Conseil ne Aust ne nous ôtera pas nos droits !
-Ouais !
-Maintenant, nous allons leur montrer ce que l'on vaut ! »
La foule se mit en marche, les pancartes furent brandies. Isaac restait silencieux, mais il écoutait Rosalie crier avec force avec la foule. Au départ, il regardait tout ce spectacle, dont il était au cœur, avec étonnement et amusement. Il voyait les habitants se pencher sur leur fenêtre pour observer le défilé d'un air curieux. Puis petit-à-petit, quelque chose d'incroyable se produisit. Isaac se sentait transporté par le mouvement uni de la foule. C'était comme si le cœur et les pas de tous les membres battaient à l'unisson dans une symphonie magnifique. Isaac se sentit grand et puissant. Comme si leurs idées, une fois réunies dans cette masse ordonnée, devenaient plus fortes et capables de renverser l'opinion.
« Waouh, souffla-t-il à mi-voix.
-Haha ! Je t'avais dit que c'était un grand moment ! »
Il se tourna vers Rosalie qui arborait un grand sourire. En fait, ce n'était pas étonnant qu'elle s'y rendre régulièrement, les marches en groupe étaient une véritable drogue. Il se pencha vers elle et lui cria pour couvrir les hurlements des manifestants :
« Merci de m'avoir emmené là ! C'est génial ! »
Elle lui adressa un pouce en l'air.
Ils défilèrent longuement en remontant l'avenue. A mi-chemin, ils furent rejoints par la milice qui, sans pour autant lancer une offensive contre les manifestants pacifiques, commençaient à les suivre et les entourant d'un air mauvais. Ils attendaient. Ils attendaient que l'un d'entre eux fasse un faux pas pour se mettre à réprimer le mouvement au nom de la Justice. Rosalie ne se privait pas pour leur tirer la langue et même leur faire des geste obscènes lorsqu'ils regardaient ailleurs. Isaac riait de sa bêtise mais il devait avouer que son instinct de chevreuil le rattrapait, et plus ils s'approchaient de la salle du Conseil, moins il se sentait à l'aise.
Et irrémédiablement, vint le moment où la foule parvint aux portes de la grande bâtisse. Vélimir sortit des rangs comme un fier général et brandit le poing contre la porte de la salle. Les autres firent de même et les cris de protestations fusèrent. Mais Isaac était trop occupé à observer les gardes qui enserraient toujours plus la foule et lui barraient le passage, menaçants.
« Que les sénateurs sortent de leur tour d'ivoire ! Vociférait Vélimir. Qu'ils voient enfin le visage de la misère et prennent conscience de leurs fautes !
-Sortez de là !
-Ils se cachent, les lâches !
-Salauds ! »
Soudain, un son de cor retentit du toit de la salle du Conseil, et tout dégénéra. La milice brandit ses matraques et protégée par ses boucliers, s'élança vers la foule. Vélimir, qui était le plus proche, tomba le premier sous les coups des gardes et fut emmené alors qu'il se débattait comme un diable. Derrière lui, c'était la panique. Certains combattaient fièrement et se mettait à lancer des pavés sur la troupe en armes. Mais la majorité prit la tangente. C'est ce que firent aussi Isaac et Rosalie. Enfin... L'on devrait plutôt dire que Isaac avait tiré Rosalie hors du champ de bataille alors qu'elle aussi avait bien envie d'en découdre. Poursuivis par la milice, ils détalèrent comme des lapins devant un renard. Le cœur de Isaac bondissait dans sa poitrine. Ses veines étaient gorgées d'adrénaline qui remplaçait sa frayeur par un sentiment d'euphorie addictive. Ils bifurquèrent avec d'autres dans une petite rue, et c'est là que Isaac perdit de vue la blonde. Il ralentit l'allure, se prenant de plein fouet les autres fuyards, jetant des regards tout autour à la recherche de sa comparse.
« Isaac ! Par ici ! »
A l'appel de sa voix, le jeune homme vira de bord avant que les gardes ne débarquent dans la ruelle et se faufila derrière les grillages. Il se glissa derrière les plaques de taules et les planches de bois adossées aux murs, qui formaient un abri de fortune. Rosalie et lui s'accroupirent là, haletant et tendant l'oreille. Il y avait quelques cris au loin, mais surtout le martellement des pas dans la poussière tout le long de la rue qui se calmaient peu-à-peu. Leur cœur battait à l'unisson. Leur souffle se mêlait, leurs lèvres proches. Ils se touchaient à peine, mais Isaac pouvait sentir la peau de Rosalie frémir à chaque contact avec la sienne.
« Oh mon Dieu, murmura-t-il après un court instant de silence.
-Bienvenue dans le merveilleux monde de l'activisme. » Railla la jeune fille.
Poussés par l'euphorie et la panique retombée, tous les deux se retinrent de toutes leurs forces de partir dans une crise de rire pour ne pas dévoiler leur cachette. Ils restèrent de longues minutes ici, à éviter de croiser leur regard pour ne pas repartir de plus belle dans leurs éclats de rire. La poitrine de Isaac frissonnait et son estomac se tordait, peut être par le fait que les gardes galopaient dans les rues ou bien qu'elle était tout près de lui, qu'il pouvait entendre son cœur battre.
C'était peut être la chaleur qui leur montait à la tête. C'était peut être l'adrénaline. C'était peut être l'euphorie. Mais poussés par une force qu'eux seuls purent connaître, leurs joues se rapprochèrent puis se frôlèrent avec douceur. Rosalie tourna lentement la tête, et ses lèvres en vinrent à caresser la pommette du jeune homme, jusqu'à ce que celles de Isaac ne viennent les rejoindre, d'abord avec une tendresse timide, puis avec une passion explosive.
C'est ici, cachés derrière cette taule, isolés du brouhaha lointain, que les deux jeunes gens s'embrassèrent pour la première fois. C'est ici que les deux êtres ne formèrent plus qu'un, seuls face à ce monde vaste et impitoyable.
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMar 2 Nov 2021 - 21:12

Toujours aussi bien ! Je trouve ça trop bien que tu écrive une histoire d'amour ! saine pour changer des deux autres ptdr
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMar 2 Nov 2021 - 21:29

Aaaah oui c'est des petits poussins à côté de nos deux lascars x)
J'avoue que c'est la première fois que j'en écris une pour de vrai!
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMar 2 Nov 2021 - 21:33

Et bien c'est réussi Belle comme le jour 1326814878
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMar 2 Nov 2021 - 21:59

Oooohh merci  Belle comme le jour 4118142339
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMer 3 Nov 2021 - 17:05

Février 32


Le bistrot ce soir-là n'était pas bien rempli. Il n'y avait guère plus de clients que trois amis qui discutaient gaiement dans un coin, et un vieux poivrot qui contait ses déboires amoureux au barman qui lui accordait une oreille distraite. Au moins, ils échappaient aux morsures du vent de l'hiver et aux froides caresses des flocons de neige. Le feu qui brûlait dans l'âtre au centre réchauffait la pièce chaleureuse.
C'est là que Isaac et Rosalie entrèrent pour boire une boisson chaude tous les deux. Leurs joues et le bout de leur nez étaient rouges, et leurs cheveux, humidifiés par le contact de la neige. Ils débarquèrent dans le bistrot l'humeur joyeuse et le sourire aux lèvres. Ils ôtèrent leurs manteaux et s'assirent à une petite table ronde à proximité du feu. Le serveur ayant apporté les commandes, ils se mirent à siroter dans leur tasse fumante. Rosalie riait, belle comme une rose.
« Et quand il est parti, tu sais ce qu'il leur a dit ? Lui racontait-elle. ''J'aimerais que vous graviez mon nom en lettres d'or sur ma cellule ! Je risque d'y retourner très vite !'' »
Isaac s'esclaffa à son tour, le nez dans sa tasse.
« En tout cas, je suis content qu'ils l'aient enfin laissé sortir, confia-t-il.
-Vélimir ? Oh ils ne pouvaient pas le garder indéfiniment. Il paraît que c'est un prisonnier insupportable.
-Il a tout de même bien du courage. On m'a dit que les prisons de Aust n'étaient pas les plus drôles. Mais si je continue à t'accompagner dans les manifestations, je risque d'y goûter aussi.
-Alors tu veux arrêter ? »
Isaac plongea son regard dans ses grands yeux noisette, puis sourit de toutes ses dents.
« Pour rien au monde. »
Rosalie se pencha au-dessus de la table et embrassa le brun avec tendresse. Il se laissa faire, fermant les yeux pour profiter du doux contact que lui offrait la jeune femme. Voilà des mois que tous les deux étaient unis par les sentiments, et pourtant, Isaac continuait d'avoir des papillons dans le ventre à chaque baiser. Mais une sensation désagréable le prit lorsqu'elle se détacha de lui. Rosalie le remarqua de suite, elle qui avait un bon sens de l'observation, surtout lorsque cela concernait son amant.
« Qu'y a-t-il ?
-J'ai reçu une lettre de Kob. Il me demande quand je reviendrai à Ewilem. A chaque courrier de sa part, cela me rappelle que je tire sur la ficelle de mon apprentissage pour rester ici. Mais il faudra bien que je retourne chez moi un jour, ou je ne serai plus payé.
-Et toi, tu veux vraiment retourner à Ewilem ? Tu ne veux pas te mettre d'accord avec lui pour t'installer définitivement ici ? »
La demande de Rosalie était légitime, Isaac le savait. Tels le jeune couple qu'ils étaient, leur seule envie était de rester ensemble à chaque instant de leur existence. Mais il fallait se rendre à l'évidence : Aust était la ville de Rosalie, Ewilem était celle de Isaac. Il souffla, un peu honteux :
« Ewilem est ma ville. Plus le temps passe, plus elle me manque. Et puis je dois t'avouer qu'à part toi et peut être Marcia, j'ai un peu de mal à me faire des amis ici.
-C'est parce que tu es trop timide. Enfin, les seules fois où tu pousses des gueulantes, c'est pour t'opposer aux gens. Mais crois-moi Isaac, tu es le garçon le plus gentil que je connaisse. Tu es fait pour avoir une myriade d'amis.
-Oui, va le dire aux tiens, eux qui n'ont toujours pas digéré ma première altercation avec eux. » Rit-il doucement.
Rosalie baissa la tête. Elle en était consciente, et elle connaissait ce sentiment de mal du pays et de besoin de retourner sur ses terres. Elle savait que même avec tout l'amour du monde qu'elle pourrait lui donner, elle ne pourrait jamais lui effacer ce sentiment. Et elle ne voulait pas le condamner à une vie de nostalgie. Elle but une gorgée de sa boisson, silencieuse.
« Alors si tu as besoin de retourner là-bas, je ne veux pas t'en empêcher, murmura-t-elle tristement.
-Mais... Mais Rose suis-je bête ! » S'exclama soudain le brun en se claquant le front.
Il se pencha vers elle, les yeux illuminés, avec un grand sourire.
« Viens avec moi à Ewilem !
-Quoi ? A la Capitale ? S'étonna la jeune femme.
-Oui ! Je t'assure, Ewilem est une ville incroyable ! Je suis sûre que tu t'y plairais. La communauté pro-hybride y est beaucoup plus active qu'ici. Et c'est une grande ville de culture, presque tous les érudits sont là-bas. Et pense à ton travail ! Ici tu es coincé dans ta condition d'infirmière, mais là-bas tu pourrais te présenter à l'hôpital en tant que médecin, tu en as les capacités. Tu aurais enfin la reconnaissance que tu mérites. Qu'est-ce que tu en penses ? »
Rosalie cligna des yeux trois fois en dévisageant son petit ami avec surprise. En fait, la proposition n'était pas idiote du tout. Mais la jeune femme n'avait jamais songé à quitter son village pour de bon. Même avec tous ses défauts, elle restait sa bourgade, le coin où elle avait gambadé étant petite, et où elle avait tout appris de la vie. Quant à Ewilem, elle ne la connaissait que par les peintures que lui en faisait Isaac, toujours assez mélioratives, il fallait avouer. Mais comme il la regardait intensément, elle se sentait forcée de lui donner une réponse immédiatement. Elle bredouilla :
« Euh... Ce n'est pas stupide comme idée. Mais il faut que j'y réfléchisse.
-Je ne veux pas te forcer. Si moi je ne veux pas rester à Aust, tu ne dois pas te sentir obligée de me suivre à Ewilem. » Dit-il avec sincérité.
L'aveu toucha la jeune femme. Mais en y songeant, beaucoup d'éléments faisaient pencher la balance vers la Capitale. Il y avait bien sûr tout ce que Isaac avait cité : le mouvement pro-hybride, son travail, la vie intellectuelle. Mais il y avait surtout Isaac. Si elle le suivait là-bas, elle n'aurait plus à craindre d'être séparée de lui par un stupide contrat d'apprentissage. Ils pourraient même emménager ensemble, réaliser les plans sur la comète qu'ils avaient imaginés sur l'oreiller.
« Je te promets d'y réfléchir. » Lui dit-elle avec un sourire.
Il y eut un moment de flottement où ils regardèrent seulement les flammes danser dans l'âtre. Isaac brisa le silence, d'humeur rêveuse et romantique :
« Tu te souviens quand on s'est dévoilés nos formes animales pour la première fois ? »
Rosalie s'esclaffa. C'était en effet un joli souvenir de leurs premiers moments ensemble. Isaac s'était d'ailleurs demandé comment était-il possible qu'ils se soient dévoilés l'un à l'autre aussi tard. La vérité était qu'à chaque fois qu'ils s'étaient croisés avant de se mettre ensemble, ils étaient toujours sous forme humaine, puisqu'ils étaient soit à l'hôpital, soit au bar, deux endroits où ils avaient besoin de leurs mains humaines. Ils s'étaient transformés tous les deux dans la Forêt Blanche lors d'une balade et s'étaient découverts dans leur autre corps, riant à pleins poumons lorsqu'ils eurent remarqué qu'ils étaient de la même espèce.
« Tu étais tellement mignon avec tes deux petites cornes, ronronna Rosalie. Et puis... J'étais tellement heureuse de voir que tu étais un chevreuil. »
Elle pensait qu'il lui répondrait « moi aussi », mais au contraire, Isaac fronça les sourcils en sa direction, un air d'incompréhension dans le regard. Rosalie soupira en levant les yeux au ciel.
« Oh pitié Isaac, sois réaliste. Quand on a commencé à se rapprocher, évidemment que j'ai été soulagée d'apprendre que tu étais comme moi. »
Le brun haussa les sourcils et commença à jouer avec son verre d'un air agacé.
« Eh bien alors ? Si j'avais été un loup, tu m'aurais fui ? Railla-t-il. Alors tu es comme ces gens ? Tu penses que l'amour ne se jauge qu'à l'espèce animale ?
-Isaac Isaac Isaac. T'as beau être plus malin que la moyenne, parfois tu te sers vraiment pas de ta caboche. Je ne suis pas en train de parler de nous, là. »
Le jeune homme leva les yeux vers elle, et lorsqu'il croisa son regard, une ampoule s'alluma au-dessus de sa tête, et son cœur se mit à faire des folies.
« Tu... Tu es en train de me dire que tu veux un enfant avec moi ? »
Il y eut un silence, où Isaac écarquillait toujours plus les yeux, et où Rosalie lui dardait son regard blasé. Mais après quelques instants, elle n'en puit plus de ces grands yeux bêtes et éclata d'un grand rire. Ah les garçons ! Ils ne se mettaient à planter que lorsqu'on mettait ce genre de sujet sur le tapis ! Elle frappa son épaule pour le faire sortir de son état de stupeur.
« Parce que tu n'as jamais eu en tête d'en avoir un jour ?
-Si... Si, mais je ne pensais pas que ça arrivera si tôt... Et puis... Ne fais pas l'ingénue, tu sais bien que c'est une sacrée révélation que tu viens de me faire ! »
Passé sa seconde de stupeur, Isaac se sentit profondément touché par l'aveu de Rosalie. Il en concluait qu'elle était suffisamment amoureuse de lui pour désirer bâtir une famille autour d'eux. Et lui, était-il suffisamment amoureux pour cela ? Oh, il n'avait qu'à lever les yeux vers elle pour que sa poitrine le bombarde de réponses à l'affirmative. Il frémit lorsqu'elle lui prit la main et qu'elle lui confia à voix basse :
« Entendons-nous, je crois en l'amélioration du sort des Hybrides. Mais il faut se rendre à l'évidence, un enfant pur vivra mieux qu'un enfant hybride. Et si tu étais père d'un non-pur, tu pourrais perdre ton travail. Il en va de même pour moi. Alors pour le moment, estimons-nous heureux de notre situation. »
Elle prit ensuite un air moqueur.
« Enfin... J'ai l'impression que c'est pas encore le moment pour toi d'y penser, hein ? »
Isaac haussa les épaules. Elle rit et finit sa tasse avant de se lever de sa chaise. Elle prit ensuite son manteau pour sortir du bar, mais avant de partir, elle contourna la table et vint glisser à l'oreille de son amant :
« Enfin tu sais... Mieux vaut y songer, un accident est si vite arrivé... »
Le visage de Isaac ne fut jamais aussi rouge qu'à cet instant.
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Ra' Aden
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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyMer 3 Nov 2021 - 19:35

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MessageSujet: Re: Belle comme le jour   Belle comme le jour EmptyJeu 11 Nov 2021 - 22:35

Octobre 32


« Excuse-moi de te demander ça ma chérie, mais vraiment, depuis que j'ai appris que tu viens de là-bas ça me trotte en tête. Est-ce que c'est vrai qu'à Aust vous mangez du crapaud ? »
Rosalie se mit à regarder cette donzelle comme si elle portait une camisole de force et un entonnoir sur la tête. On l'avait prévenue certes que dans la Capitale, les préjugés sur les autres villes n'étaient pas rares, mais elle ne s'attendait pas à un tel niveau d'ânerie. Et encore ! Il n'était pas question de Ragnok, la ville la plus éloignée sur le continent. La demoiselle aux cheveux châtains cligna trois fois des yeux en scrutant les lèvres de son interlocutrice austienne, dans l'attente d'une réponse. Rosalie se retint de toutes ses forces de rire, et but une gorgée de son verre en prenant un air extrêmement sérieux.
« Oh mais très chère, ça se voit que tu connais pas les hivers du Sud !
-Les hivers du Sud... ? Répéta la fille, inquiète.
-Les pires. Il fait si froid que si tu mets ta main dehors sans gants, elle finit congelée au bout de quelques secondes.
-C'est pas vrai !
-Mais si ! Alors tu vois, comme tout crève en une seconde, il faut bien se nourrir avec ce qu'on trouve... Enfin, on peut s'estimer heureux quand on trouve du crapaud. Parfois on doit se rabattre sur d'autres trucs. On mange le petit dernier de la famille par exemple. Enfin, ça c'est si t'as des enfants. Sinon tu te manges un doigt, ça calme la faim. Après tu peux attaquer les ortei... Bah où tu vas ? »
La fille pas très fût-fût s'était tirée, horrifiée par les terribles récits de Rosalie. Cette dernière haussa les épaules, satisfaite au fond qu'elle l'ait laissée tranquille. Elle préférait que l'on vienne lui parler pour sa personne, et pas pour son village natal. Elle tritura son verre et regarda les gens devant elle. Il faisait nuit, une nuit plutôt douce pour un automne. Elle s'était rendue à cette petite fête de quartier dans une cour arrière pour se sociabiliser, et surtout pour rencontrer les amis de Isaac. Elle tendit le cou et le vit justement, en train de rire au milieu d'un groupe d'individus. Il avait l'air réellement heureux d'être de retour chez lui. Rosalie se sentait encore un peu déstabilisée par le changement de décor, mais elle se persuadait elle-même qu'elle se ferait vite à la vie d'Ewilem. Ce matin par exemple, elle s'était déjà présentée au centre hospitalier de la ville, en tant de médecin de Aust. Après de nombreuses négociations, et l'appui de Isaac bien sûr, ils l'avaient prise à l'essai pour le mois à venir. C'était un premier pas en avant.
Elle songea que rester là dans son coin comme une pauvre malheureuse n'arrangerait pas son cas, elle décida de se bouger et de déambuler au milieu des convives à la recherche d'un nouvel interlocuteur. Elle n'eut pas à attendre bien longtemps puisqu'elle atterrit à côté d'un monsieur dotée d'une longue barbe noire et ondulée. Portant une bouteille de boisson, il s'adressa à la blonde :
« Eh bien ma petite, votre verre est vide !
-Un verre, ça sert à être vidé. » dit Rosalie en haussant les épaules.
Le barbu éclata de rire.
« J'aime beaucoup votre mentalité, dit-il. Tenez, à la vôtre. Ce sont mes propres pommes du jardin. »
Il remplit son verre avec le contenu de sa bouteille. Lorsque Rosalie y trempa ses lèvres, elle fut surprise de l'excellence de ce jus de pomme. Elle lui en fit part, et il répondit, les yeux pétillants de malice :
« Un grand écrivain de l'Ancien Temps a dit : ''De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise'' !
-Il avait bien raison ! Convint Rosalie en buvant une autre gorgée.
-Les grands esprits se rencontrent ! Mais dites-moi, je ne vous avais jamais par ici. Vous venez d'arriver à Ewilem ? »
Rosalie allait lui répondre, mais elle sentit des bras entourer sa taille et des lèvres l'embrasser dans le cou. Elle se retourna vers Isaac qui arborait un sourire éclatant. Celui-ci s'exclama :
« Ca tombe bien Rose, je comptais justement te présenter à Kob. Mais je vois que les présentations sont déjà faites. »
Elle se tourna vers le monsieur barbu et se mit à rire. Alors, cet homme amusant était le fameux maître de Isaac, le grand érudit qui avait côtoyé les Hommes et acquis leur savoir. Elle était pour ainsi dire très surprise. Elle devait avouer qu'elle s'attendait à un vieil homme vénérable et assez pédant. Kob était en fait un bon-vivant, sympathique, et avec un grand sens de l'humour. L'intéressé rit aussi de son côté et s'inclina vers la jeune fille :
« Je rencontre enfin la fameuse Rosalie ! Depuis le temps que Isaac me parle de vous dans ses lettres.
-En bien, j'espère ! Plaisanta-t-elle en lançant un regard vers son amant.
-Ah non, jamais de la vie. Toi qui me pourris l'existence depuis si longtemps maintenant... » Souffla le jeune homme en roulant ostensiblement les yeux vers le ciel.
Elle lui fila un coup de coude dans les côtes et lui resserra son étreinte autour d'elle.
« Il me dit que vous êtes un médecin talentueux qui n'a jamais froid aux yeux, assura Kob. Est-ce vrai que vous vous occupiez de toutes les amputations ?
-Toutes ? N'exagérons pas...
-En tout cas... Dit l'érudit en se penchant vers elle comme pour une confidence. Si jamais... Vous avez besoin d'un petit coup de pouce pour vous faire une bonne place dans le centre hospitalier... Je suis plutôt apprécié là-bas...
-Non ! S'effara Isaac. Non non, pas besoin de piston, Rosalie est déjà prise à l'essai pour le mois prochain.
-Mon pauvre Isaac, tu as vraiment le cœur trop pur, fit la blonde.
-Je n'aurais pas dit mieux ! Ajouta Kob.
-En tout cas, c'est très gentil de proposer, Monsieur Kob, dit Rosalie avec un grand sourire.
-Appelez-moi Kob ! Et puis c'est bien normal, vous faites partie de la famille maintenant, ma très chère belle-fille. Mais justement ! Parlons peu, mais parlons bien... »
Le cœur gonflé de joie, le jeune couple se pencha vers Kob pour attendre ses paroles énigmatiques. Il s'exclama soudain en plaquant ses deux mains sur leurs épaules :
« Quand me ferez-vous un petit-fils, tous les deux ?
-Heum... Heuuum... Bégaya Isaac, les joues toutes roses.
-Eh bien c'est-à-dire que... Euh... Ajouta Rosalie, tout aussi rose.
-Hahaha ! Ces jeunes ! De mon temps, nous, on perdait pas de temps ! On se mettait ensemble et pof ! Un petit bébé ! Haha ! Bon, ne vous en faites pas. Prenez votre temps. Enfin si vous avez des problèmes pour cela, vous pouvez venir m'en parl...
-Ce ne sera pas nécessaire ! Croassa Isaac.
-Oui oui tout va bien !
-Alors je vous laisse, mes enfants. Profitez bien de la fête. Oh, et Isaac ! »
Le jeune homme qui commençait à se détourner avec sa dulcinée s'arrêta.
« Je suis très fier de toi. »



« Avoue. T'as failli pleurer.
-Non, pas du tout, j'étais juste... Très ému. Voilà. C'est toujours émouvant d'entendre ça de la personne qui t'a élevé. »
Rosalie fit la moue. Elle avait bien vu ses yeux bleus devenir très brillants tout à coup, même s'il niait en bloc. Tous les deux remontaient la rue jusqu'à leur foyer, les mains enfouies dans les poches de leur manteau. Les boulevards étaient très calmes ce soir-là, ils ne croisaient qu'un cheval ou un chien par-ci par-là. Ils restèrent silencieux pendant qu'ils marchaient, profitant de la fraîcheur automnale. C'est Isaac qui finalement brisa le silence.
« Alors ? Qu'est-ce que tu penses de Ewilem pour le moment ? »
Rosalie réfléchit en enroulant ses doigts autour de son menton. A vrai dire, elle trouvait qu'à la fois Isaac avait visé juste dans ses descriptions, mais aussi que sa nostalgie avait parlé avant sa raison. Il fallait d'abord prendre en compte que Ewilem, étant donné sa place de capitale, grouillait de monde et était une ville de chahut constant. En arrivant ici, elle ne saurait compter le nombre de fois où un bovin l'avait bousculée sans ménagement, elle qui n'était qu'une petite chevrette. Mais elle se devait d'avouer que cette agitation participait à son charme. Isaac lui avait tant parlé du fameux quartier de l'Amarok que ce fut le premier lieu qu'ils visitèrent. Evidemment, la jeune fille était tombée sous le charme de ces rues biscornues habitées de danseurs et de musiciens. Elle avait en outre douté de leur futur foyer. Elle qui venait de quitter sa vieille maison d'enfance de Aust pour s'installer avec son partenaire, elle n'avait pu s'empêcher d'avoir le cœur serré en jetant un dernier regard à cette vieille bicoque. Heureusement, Isaac était plein de ressources. La maison qu'il avait dégottée était, bien que dans un état douteux, tout à fait charmante, perchée sur le toit d'une vieille bâtisse et surplombant la rue d'un quartier calme, peuplé de famille d'herbivores.
En bref, elle n'avait pas encore forgé tout son avis sur ce lieu, mais pour ne pas l'inquiéter, elle enroula un bras autour du sien et le cajola :
« J'adore. »
Leur discussion fut cependant de courte durée. Dans le calme du soir, des éclats de voix leur parvinrent, et ils n'eurent qu'à bifurquer dans une nouvelle rue pour que les deux chevreuils tombent nez-à-nez avec un petit attroupement. Isaac blêmit lorsqu'il discerna dans l'obscurité qu'un renard était à terre pendant que deux hommes lui donnaient des coups dans les côtes. Le renard avait un départ de crinière dans le cou, ce qui montrait qu'il n'était pas un pur. Le jeune couple s'échangea à peine un regard avant de foncer vers l'avant et s'interposer. Isaac se dressa entre l'hybride et les deux hommes, un peu ridiculement c'est vrai parce qu'il n'était pas bien grand, en faisant des gestes de mains se voulant apaisants. Rosalie pendant ce temps venait au chevet de la victime.
« Wow wow ! Qu'est-ce qui se passe ici ? Calma Isaac.
-Y'a que tu vas te mêler de ton cul. Dégagez d'là, répliqua méchamment l'un des deux.
-Evitez de faire autant de bruit alors. C'est un quartier calme, la milice a tendance à beaucoup patrouiller par ici...
-On s'en fout. Ils feront pareil. Cette ordure a pas à traîner par ici, on le corrige, c'est tout. » Expliqua l'autre en montrant le renard du doigt.
Isaac jeta un regard vers Rosalie, dont les yeux noisettes flamboyaient de colère dans l'obscurité. Il serra les poings, et le visage baissé, il souffla :
« Allez-vous-en. On s'en occupe.
-Tu fais quoi là, p'tit con ? Tu nous donnes des ordres ? Gronda l'homme en gonflant les muscles de ses bras.
-Mec. Lâche l'affaire, intervint brusquement son acolyte en dévisageant Isaac avec un drôle d'air. Je l'reconnais, c'est l'un des gamins du sénateur Kob. »
Lui jetant un dernier regard envenimé, l'agresseur abandonna ses proies et tourna les talons avec son ami, disparaissant dans l'obscurité. Isaac se retourna vers Rosalie et s'agenouilla près d'elle. Mais le jeune homme sentait le regard pesant de la blonde sur lui. Il grinça des dents, et la question ne tarda pas à venir :
« Pourquoi tu ne m'as pas dit que Kob était membre du Conseil ? »
Isaac grimaça et se gratta l'arrière de la tête, gêné.
« Pardonne-moi. Je voulais que tu le rencontres avant de te le dire, pour éviter que tu te fasses de fausses idées sur lui. Et de toute manière, il va bientôt raccrocher sa veste, il y est de moins-en-moins apprécié.
-Tu trouves que j'ai des préjugés sur les gens ? »
Le renard reprit connaissance et commença à se redresser sur ses pattes. Rosalie abandonna son reproche à Isaac, gardant tout de même une mine fermée, et se pencha vers l'hybride.
« Tout va bien, ils sont partis. AH ! »
Elle bondit en arrière lorsque le renard manqua de lui mordre le visage. Il grogna avec férocité :
« Laissez-moi bande de démons ! »
Puis il prit la tangente en rasant les murs. Le cœur palpitant, le couple se releva, le regard fixé vers le coin de mur où le renard avait disparu. Rosalie prenait conscience qu'elle vivait sa première véritable désillusion dans la capitale.
« Si on veut un jour changer les choses, nous allons avoir du pain sur la planche. » commenta Isaac.
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Belle comme le jour
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